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Orpheline

2016

Thème : Flash-back

Avec : Adèle Haenel (Renée), Adèle Exarchopoulos (Sandra), Solène Rigot (Karine), Gemma Arterton (Tara), Vega Cuzytek (Kiki), Jalil Lespert (Darius), Nicolas Duvauchelle (Père de Kiki), Karim Leklou (Ami du père de Kiki). 1h51

Renée, jeune enseignante parisienne d'une trentaine d'années enfin enceinte, voit surgir de son passé Tara, une dangereuse séductrice qu’elle a volée et qui, tout juste sortie de prison, veut récupérer les 35 000 euros qu'elle estime lui être dus. Renée vide le plan d'épargne logement de son couple afin que Tara prenne l'avion le plus vite possible. Le lendemain matin, la police vient l'arrêter laissant Darius, son compagnon, qui ignorait tout de ce passé, dans un profond désarroi.

Au service de gynécologie de la prison alors qu'elle subit une échographie, Renée se souvient

Récemment arrivée à Paris, âgée d'une vingtaine d'années, elle avait répondu à une petite annonce d'un turfiste sous le nom de Sandra. Elle avait lâché le vieil homme pour s’acoquiner avec Tara pour dérober l’argent des courses, l’empochant lorsque cette dernière est arrêtée pour avoir tué une employée.

Revenue à la prison, devant un mur, René se souvient.

Adolescente d'une quinzaine d'année, elle fuyait les coups reçus à la maison en courant les hommes de passages dans une boite de nuit ou une mansarde.

L'avocat a obtenu la liberté conditionnelle. René se souvient

Enfant d'une dizaine d'années, elle est Kiki jouant à cache-cache avec deux camarades devant la casse auto de son père et de leur voisin. Les deux camarades ne réapparaissent pas. Kiki, son père et le voisin les cherchent. Kiki et ses parents vont au mariage de la sœur de la mère. Kiki en voyant un serveur servir des glaces comprend que ses camarades sont peut-être enfermés dans le congélateur. Son père lui apprendra qu'elle avait raison : les deux enfants sont morts.

Renée se réveille dans la voiture que conduit Darius. Il veut fuir en Géorgie au bord de la mer noire avec elle. Renée accepte cette situation. Mais le long trajet en voiture déclanche son accouchement prématuré en Roumanie. Il nait une petite fille très bien portante. Renée lui confie qu'elle reviendra mais ne souhaite pas continuer à fuir. La laissant aux bons soins de Darius, auquel elle ne dit rien, Renée va se rendre au commissariat le plus proche.

Il y a l'acteur incarnant plusieurs âges de la vie (L'étrange histoire de Benjamin Button , David Fincher, 2008) ou même plusieurs rôles dans un même film (Split, M. Night Shyamalan, 2016). Plus rares sont les tentatives de  faire interpréter par plusieurs comédiens un seul et même personnage : Cet obscur objet du désir (Luis Bunuel, 1977), Palindromes (Todd Solondz, 2004), et I’m Not There (Todd Haynes, 2007). Autre exception aux règles les plus simples du cinéma, une construction avec trois flashes-back remontant de plus en plus loin dans le passé de l'héroïne. Troisième risque et non des moindres : le récit qui suit la sortie du dernier flash-back, souvent tentative un peu lourde de donner un sens au film.

Quatre actrices, trois flashes-back et un pas de côté

Le choix de quatre actrices s'impose avec évidence ; chacune d'elle a l'énergie de son âge. Leur vitalité les empêche d'être réduit au rôle de pure victime que leur terrible situation leur impose. Intelligence de Vicki par rapport à des parents à la dérive et au traumatisme d'être en partie responsable de la mort de ses camarades de jeu (elle comprend en voyant le serveur retirant des glaces du congélateur mais trop tard qu'ils se sont enfermés dans le congélateur) vitalité de Karine pour toujours s'échapper de la prison de coups qu'est devenue la demeure paternelle. Vitalité de Sandra pour vivre intensément ce qui s'offre à elle même si elle en sous-estime les dangers. Vitalité de René pour tenter d'échapper au retour de Tara.

Les trois flashes-back sont externes (points d'entré extérieurs au champ temporel du récit premier), partiels (ils ne rejoignent pas le récit premier, même pour le premier, plus proche dans le temps), informatifs (ils nous renseignent sur le passé de l'héroïne) en focalisation interne (générés par un souvenir de Renée).

La construction en flashes-back permet la constitution de blocs bien nettement séparés. Cette rupture dans le récit, est plus abrupte, remet davantage les compteurs romanesques à zéro que ne le feraient des ellipses dans une suite chronologique. Le déroulement chronologique impose souvent une lecture romanesque avec causes et effets. Certes le personnage féminin subit des violences psychologiques et physiques qui ébranlent sa personnalité mais sans une  lecture psychanalytique qui interpréterait cet enchainement de la violence comme inéluctable.

Renée, renaissance

La reprise du récit au présent après le flash-back le plus lointain sera une sorte de pas de coté vis à vis du cercle de violence qu'avait jusqu'alors vécu la jeune femme. La violence des hommes l'entrainait une fois de plus sur un chemin qu'elle n'avait pas choisi. La protection de la loi, celle qui la conduit au commissariat, la protège d'une fuite qu'elle n'a pas choisie.

Jean-Luc Lacuve le 02/04/2017

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