Casey Cooke est attablée, solitaire, dans un fast-food où l'on termine de fêter l'anniversaire d'une de ses camarades de classe. Celle-ci, Caire Benoit, qui l'a invitée par obligation, lui propose de la raccompagner avec une autre de ses amies, Marcia lorsque son père arrive. Celui-ci est assommé sur le parking du fast-food et c'est un psychopathe qui prend place au volant et asperge les trois adolescentes d'un liquide anesthésiant.
Les trois jeunes filles sont enfermées dans une pièce sécurisée. Claire qui tente de s'échapper la première est séquestrée dans une pièce à part, au fond d'un interminable boyau souterrain. Puis c'est au tour de Marcia de tenter, sans succès, de fuir. Casey, seule, essaie de profiter de la personnalité d'Hedwig pour fuir.
Kevin est traité par la docteur Fletcher, spécialiste des troubles dissociatif de l’identité (TDI). Kevin est habité par 23 autres personnalités qui se partagent sa conscience. Parmi eux, Barry, le styliste efféminé, Hedwig, l’enfant de 9 ans candide, Orwell, Jade et Patricia, la femme autoritaire ainsi que l'inquiétant Dennis.
La docteur Fletcher reçoit souvent Barry mais s'inquiète de la présence de plus en plus forte de Dennis. Il dit croire à la venue d'une 24e personnalité, "la bête". Elle va le retrouver chez lui et s'aperçoit que Dennis a définitivement pris l'ascendant sur Kevin. Lorsqu'elle découvre la prison de Claire, Dennis l'endort et la porte dans le salon. Dennis se rend lors dans le centre de Philadelphie, achète des fleurs et les dépose sur le seuil des portes d'un wagon de métro dans lequel il s'engouffre avant de se transformer en bête
Pendant ce temps Casey profite d'une pointe trouvée par terre pour s'échapper de sa prison pendant que Claire encourage Marcia à crocheter le verrou de sa porte avec un porte-manteau. De retour chez elle, La bête tue la docteur Fletcher. Lorsque Casey a trouvé le trousseau de clés qui lui permettent de sortir, elle découvre Claire et Marcia a demi -dévorées par la bête. Celle-ci la poursuit et serait bien perte de la tuer s'il ne découvrait des traces de scarification sur le corps de Casey. Trouvant en elle une "pure" quia souffert, la bête l'épargne.
Un gardien découvre les portes ouvertes et Casey effondrée dans la cellule dans laquelle elle s'était enfermée. Il sort Casey des sous-sols qui s'avèrent être ceux du zoo de la ville et prévient les secours. Casey va revoir son oncle mais saura cette fois certainement échapper à son emprise.
Malgré les deux balles reçues en pleine poitrine, la bête est toujours vivante. La télévision fait état de sa dangerosité, insinuant que les 24 personnalités à l'intérieur d'elle forment désormais une horde. Heureusement David "incassable" Dunn veille.
Au-delà de son efficacité dramatique, le genre fantastique est intéressant par ce qu'il révèle de nos sociétés contemporaines. Il ne s'agit pas ici d'un polar avec serial killer mais bien d'un film fantastique. Dennis a enlevé les trois jeunes files pour nourrir "la bête". Lorsque celle-ci survient, elle est dotée de superpouvoirs, ce qui rattache bien le film au genre fantastique.
La dimension sociétale du film fantastique
La venue de "la bête" est suscitée par ceux qui souffrent le plus au sein de la communauté vivant sous le crâne de Kevin. Ridiculisés et méprisé par les dix-neuf autres pour leurs théories d'une toute puissance miraculeuse (la bête), Dennis, Patricia et l'influençable Hedwig conspirent pour qu'elle arrive. Propagée par la solidarité de ceux qui souffrent, et haïssent les "élites protégées", la bête se met en marche. On pourrait faire facilement là un parallèle avec la démarche de ceux qui votent pour un fascisme rampant espérant en trouver pour eux un profit personnel. S'y adjoint la théorie nauséeuse des jeunes filles protégées qui, sous prétexte qu'elles n'ont pas souffert, seraient impures. Il s'agit d'une sorte de perversion du slogan nietzschéen (ce qui ne me tue pas me rend plus fort) qui fait peu de cas des morts, les deux jeunes filles.
Autre parallèle contemporain, celui des fakes news instaurant une post-vérité. La fake news est autocréatrice. La bête, inexistante au départ, finit par s'imposer. Le décor du zoo, révélé seulement à la toute fin du film, donne une incarnation supplémentaire à l'origine de la bête et à sa façon de se nourrir.
Efficacité narrative
Adapté au goût du jour, ce film de genre est par ailleurs parfaitement efficace. L'intellectuelle perspicace pressent le danger. Au Musée des Beaux-arts de Philadelphie, la docteur Fletcher contemple Les grandes baigneuses de Cézanne. Elle s'interroge peut-être sur le sens de la baigneuse qui s'éloigne avec son chien au fond du tableau, laissant ses compagnes au premier plan. La docteur Fletcher donne aussi le talisman qui permet, un temps, d'échapper au danger. Ce sera le nom entier prononcé : "Kevin Wendell Crumb". Il fait en effet retrouver à Kevin l'origine du traumatisme (sa mère qui le martyrisait l'appelait ainsi) et déstabilise pour un temps celui qui a pris le contrôle de sa personnalité. Efficacité aussi de l'enquête menée par Fletcher pour déterminer à qui elle parle: le psychopathe Dennis, maniaque de la propreté qui efface toute trace de saleté ou Barry qui s'en accommode fort bien mais n'aurait jamais oublié ses dessins. Dennis fait ce qu'il peut pour se comporter comme Barry mais marque un temps d'arrêt avant de traverser les poubelles renversées ce qui le trahi aux yeux de Fletcher
Le flash-back répétitif à double détente nous fait d'abord croire que c'est l'enseignement de son père (le maniement du fusil) qui va protéger Casey alors que c'est l'oncle qui est l'origine de la personnalité traumatisée de Casey, dorénavant consciente de l'horreur du mal qu'elle a subi. Le premier plan du flash-back, dans un restaurant avant d'aller à la chasse se fait d'ailleurs sur l'oncle, vu rétrospectivement gigantesque comme un ogre.
A la fin, la bête est toujours vivante. Heureusement David "incassable" Dunn, rescapé de ses aventures d'il y a quinze ans, veille.
Jean-Luc Lacuve, le 31/03/2017.