Lui et elle vivent très pauvrement. Ils sont fiers de l'univers qu'ils ont construit dans Second Life avec belle maison donnant sur la plage et salon avec immense télévision. Pourtant, ils ne tardent pas à se disputer. Elle tente de vendre des accessoires pour enfants et lui a installé juste au-dessus de son magasin virtuel une sorte de café de rencontres avec escort girls dont la conversation est tarifée. Même si aucun client ne s'est encore présenté en bas comme en haut, le couple se chamaille à propos de ce conflit d'intérêt. Sur second life on trouve aussi des mères de famille désuvrées qui espèrent booster leur activité écologique consistant à planter des arbres ou une femme noire qui espérait gagner de l'argent et a finalement rencontré l'âme soeur qui, manque de chance, s'est noyée dans la vie réelle.
Markus est un furry : l'animal qui sommeille en lui est un chat. Benjamin est un pasteur moderne : il prêche les évangiles dans une église virtuelle. Kris est un travesti. En tant que Krista, il s'est laissé soumettre à des maîtres goréens qui contrôlaient sa vie sexuelle. C'est dorénavant lui qui contrôle quelques esclaves depuis sa chambre.
L'inventeur de Second life rêve lui d'un monde bien plus foutraque à l'image de ce lieu où se réunissent en bord de plage tous ces gens auxquels la vie ne convient pas.
Documentaire ethnographique sur quelques exemples d'américains formant autour d'eux des communautés virtuelles sur Second Life, The Cat, The Reverend and The Slave montre surtout à quel point ceux qui s'investissent dans ces univers parallèles ne font que singer la vie réelle en y espérant d'illusoires rétributions.
Gagner de l'argent est la motivation principale du couple qui a installé pour l'un un magasin pour enfants et pour l'autre un bar d'escort girls. De même, le garçon que rencontre Markus ne rêve que de se prostituer grâce à Second life. Le couple de révérends rêve de remplir leur église virtuelle alors que la leur reste désespérément vide.
Alain Della Nagra et Kaori Kinoshita explorent ainsi des être à la dérive mais qui, au lieu de se plaindre, nous livre leur imaginaire. Le plan qui saisi quelques adultes dans l'herbe puis, alors que la caméra s'élève, les découvre coincés entre les palissades d'une grande ville montre sans doute leur aliénation.
L'inventeur de Second life cherche ainsi un monde bien plus foutraque, sorte de foire aux miracles, avec sculpture de camions et femme métaphoriquement rôtie à la broche pour sortir bien plus franchement des normes sociales.
Jean-Luc Lacuve le 12/10/2010
Le film a d'abord été montré sous le titre Neighborhood (2006, 13') puis La tanière (2008, 30') avant de prendre la forme actuelle.