Accueil Fonctionnement Mise en scène Réalisateurs Histoires du cinéma Ethétique Les genres Les thèmes Palmarès Beaux-arts

Les carnets de Siegfried

2021

Genre : Biopic

(Benediction). Avec : Jack Lowden (Siegfried Sassoon), Peter Capaldi (Siegfried Sassoon âgé), Jeremy Irvine (Ivor Novello), Simon Russell Beale (Robbie Ross), Matthew Tennyson (Wilfred Owen), Calam Lynch (Stephen Tennant), Anton Lesser (Stephen Tennant âgé), David Shields (Alexander Fenton), Thom Ashley (Hamo Sassoon), Calam Lynch (Stephen Tennant), Kate Phillips (Hester Gatty jeune), Geraldine James (Theresa Sassoon), Richard Goulding (George Sassoon), Ben Daniels (Dr. Rivers). 2h12.

Lecture en voix off du poème "Concert-interpretation" de Siegfried Sassoon où il décrit la première du Sacre du printemps en 1914 à Londres avec une assistance "intellectuellement attentive" à l'ouverture instrumentale. Mais quand le rideau se lève, ce sont des images d'archives de la guerre qui apparaissent avec cette fois des poèmes off qui décrivent l'horreur puis la lettre ouverte, off toujours, qu'envoie Siegfried Sassoon à ses supérieurs indiquant que la guerre est prolongée inutilement dans un but impérialiste et non plus de défense et qu'en conséquence il ne retournera pas au front : “ Je fais cette déclaration comme un acte volontaire de défi vis-à-vis de l’autorité militaire car je crois que la guerre est délibérément prolongée par ceux qui ont le pouvoir d’y mettre fin. ”

En 1917 Siegfried Sassoon est furieux que son ami, le journaliste Robbie Ross, soit intervenu pour lui éviter la cours martial pour l'hôpital psychiatrique. Sa prise de position avait divisé profondément l’opinion au sein de la Chambre des Communes et de la presse britannique. Il aurait assumé une condamnation à mort.

En 1914, Siegfried Sassoon et son frère, Hamo, s'engagent et se font confectionner leur tenue militaire chez un tailleur. Siegfried regrette de n'avoir pas pu dire au revoir à son frère alors qu'ils embarquent dans des wagons distincts ; leur mère, Theresa, les regardant partir.

Printemps 1915. En convalescence après un accident de cheval, Siegfried Sassoonreçoit la visite de sa mère, éplorée après la mort de Hamo, tué à Gallipoli. Siegfried jette la croix de guerre de son frère dans l'eau et le voici vieilli dans une église catholique avec son fils, George, sarcastique sur son désir de se convertir au catholicisme

1917 Siegfrid Sassoon est interrogé par ses supérieurs qui regrettent sa lettre ouverte alors qu’il s'était montré particulièrement courageux sur le front et avait gagne l’admiration de ceux qui combattaient à ses côtés. Ils décident de lui éviter la cour martiale et est finalement envoyé à Craiglockhart, un hôpital militaire près d’Édimbourg.

À Craiglockhart, Siegfrid rencontre W.H.R. Rivers, médecin bienveillant dont l’homosexualité cachée suggère à Siegfried qu’ils ont davantage de points communs qu’il ne le pensait. Il rencontre également Wilfred Owen, lui aussi poète, qu'il encourage à se consacrer davantage à la poésie. Les deux hommes deviennent amis. Owen est tué au combat en 1918, quelques jours à peine avant la fin de la guerre.

1918. Siegfried Sassoon est largement reconnu comme un grand poète. Il est apprécié par l’aristocratie anglaise, les cercles littéraires et le monde prestigieux du théâtre de Londres.

L'acteur et compositeur Ivor Novello en fait son amant en lieu et place de l'acteur Glen Byam Shaw. Siegfried présente Ivor à sa mère qui en perçoit immédiatement la dureté. Siegfried est de plus en plus ignoré par Igor, qui n'a que faire de la fidélité et rompt avec lui. Siegfrid partage un nouvel amour avec Stephen Tennant, même si Shaw, avec qui il partage le souvenir d’Igor, reste son ami intime.

En décembre 1933, il surprend ses amis en épousant Hester Gatty. Ils donnent naissance à un enfant, George, ce qui les remplit de joie. Mais Siegfried vieillit prématurément, sans la reconnaissance qu'il attendait. Il refuse même le retour de Stephen Tennant qui l'avait quitté pour profiter d'amours de passage en Allemagne

Séparé de sa femme, Sassoon vit isolé à Heytesbury dans le Wiltshire et ne doit qu'à son fils, qui l'invite chez lui à Londres de ne pas rester totalement solitaire. Il n'accepte toutefois qu'à contrecœur d'aller au théâtre pour une comédie musicale. Il rentre à pied et se souvient du poème L'invalide de Wilfred Owen. Il avait été frappé par sa vérité en 1917 et n'est jamais sorti de sa compassion pour cet état d'invalide qui exclut de participer à la joie d'être au monde.

L'histoire de la vie du poète, écrivain et soldat anglais Siegfried Sassoon, reconnu comme un des grands poètes de la première guerre mondiale, tout comme ses contemporains Rupert Brooke, Robert Graves et Wilfred Owen. La guerre influence profondément sa poésie. Horrifié par les réalités de la guerre, le ton de ses écrits change complètement : alors que ses premiers poèmes ("Concert-interpretation" qui ouvre le film) manifestent une douceur romantique de dilettante, sa poésie de guerre évolue vers une musique de plus en plus discordante, un réalisme rocailleux, destiné à faire connaître dans toute son horreur la vérité des tranchées à un public jusqu'alors bercé par la propagande patriotique. Les détails comme les cadavres en train de se décomposer, les membres déchiquetés, la crasse, la lâcheté et le suicide caractérisent son travail et sa philosophie du « no truth unfitting » a une influence considérable sur le mouvement qui conduit à la poésie moderniste.

"Mère, il n'y a rien de pire que de s'enfermer dans le passé sauf d'avoir peur de l'avenir" dit Siegfried Sassoon en 1915 alors que, blessé par un accident de cheval, il n'est pas lui-même encore parti au front. Pourtant c'est bien son chemin qu'il trace ainsi, enfermé dans le passé terrible de la guerre qui l'empêche de croire en l'avenir. Siegfried l'oublie un temps, entre 1918 et 1933 où il profite de sa jeunesse mondaine et amoureuse. Le déroulé du film est alors linéaire, marqué par les bons mots.

C''est ainsi le début et la fin du film qui, formellement, en expriment le désarroi, le besoin de bénédiction, comme l'indique le titre original. Le début et la fin du film suivent en effet un déroulé narratif erratique, avec flashes forward puis fllash-back et comportant des panoramiques à 360° (sur Sassoon jeune puis, par morphing, vieux dans l'église; sur Sassoon tentant de retenir le temps avant le départ d'Owen avec le tour du filet de tennis sous la pluie et la figure des corps formant un cercle dans la piscine). La dernière séquence de Sassoon, rentrant seul à pied et s'asseyant sur un banc pour visualiser un invalide tout en se souvenant du poème ainsi nommé d'Owen qui fut pour lui un choc autrefois, mais que le réalisateur avait omis de nous lire alors, est particulièrement émouvante.

Jean-Luc Lacuve, le 24 mars

Retour