Sur les écrans de la table de montage, les journaux télévisés de l'époque montrent les attentats terroristes sanglants de 1969 de la Piazza Fontana à Milan. Le commissaire Calabresi interroge des suspects, l'un d'eux "tombe de la fenêtre" du commissariat. Calabresi devient la tête de turc de l'opposition de gauche. Il est assassiné par trois hommes le 17 mai 1972. En 1988, un repenti, Leonardo Marino, accuse Sofri, son ancien patron du journal Lotta continua d'être le commanditaire du meurtre de Calabresi, auquel il a participé avec deux amis de Sofri : Giorgio Pietrostefani et Ovidio Bompressi. En 1990, ils sont condamnés à 22 ans de prison. En 1991 la cour d'appel confirme le jugement qui est annulé par la cour de cassation en 1992. En 1993, le second procès en appel relaxe les accusés, jugement annulé par la cour de cassation en 1994 pour motivations mal formulées. En 1995, le troisième procès en appel, renoue avec les peines de 1990. En 1997, la cour de cassation rend irrévocables les 22 ans de prison.
Depuis plus de quatre ans, Adriano Sofri est détenu dans une cellule de la prison de Pise. Carlo Ginzburg, historien spécialiste des procès de l'inquisition, raconte qu'il a écrit son livre, Le Juge et l'Historien, après le premier procès pour influencer le jury et l'opinion. Progressivement une sourde rage est montée en lui devant l'illogisme absolu de l'accusation : les accusations de Leonardo Marino ne sont étayées par aucune preuve. Non seulement il n'y a pas d'éléments factuels mais les déclarations sur lesquelles se fonde l'accusation ont été contredites par Marino lui-même au fil du temps ou démenties par des témoins ou des documents.
Sofri explique comment on l'a dépossédé de son présent, une condamnation injustifiée et de son passé, Lotta continua n'ayant jamais soutenu le terrorisme....
Le film de Jean-Louis Comolli, qui sinspire du livre de Carlo Ginzburg, fait le point sur cette "histoire italienne". Une erreur judiciaire qui en dit long sur lindépendance de la justice dans la démocratie italienne. Avec la complicité de lhistorien Carlo Ginzburg, Jean-Louis Comolli, analyse ici le travail du juge et explore les rapports entre le droit, lhistoire et la raison dÉtat. À travers la lecture des passages de son livre et ses paroles mûrement réfléchies, Carlo Ginzburg dissèque cette flagrante erreur judiciaire : témoignage principal (celui de Marino) non corroboré par des confirmations objectives, témoignages contradictoires écartés, destruction des preuves matérielles Lhistorien nous propose aussi sa version des faits et nous éclaire sur le contexte politique de lassassinat du policier Calabresi : la montée des mouvements anarchistes dérange et la manipulation des services secrets américains cherche à imputer les actes terroristes (comme celui de la Piazza Fontana) aux mouvements dextrême gauche