Accueil Fonctionnement Mise en scène Réalisateurs Histoires du cinéma Ethétique Les genres Les thèmes Palmarès Beaux-arts

Parmi nous

2011

Genre : Drame social
Thème : Normandie

Avec : Murat Ali Subasi (Amin), Maurad Saad (Fathi), Khalifa Natour (Mahmud). 0h30.

(Les personnages ne sont pas nommés dans le film. Nous reprenons ici ceux figurant dans le scénario). Sur la zone d'embarquement vers l'Angleterre, les policiers et leurs chiens veillent à ce qu'aucun clandestin ne se cache sous un camion. Un migrant est bientôt trouvé derrière un essieu, poursuivi, arrêté et mis à terre.

Amin, jeune clandestin kurde, vient de rejoindre un campement dans la forêt. A son réveil, Fathi et Mahmud l'invitent à se joindre le lendemain aux migrants qui ramènent dans la jungle les provisions que des gens distribuent encore en ville. Il pourra aussi reprendre définitivement la tente de quelqu'un qui est parti. Amin a déjà essayé plus au nord. Mahmud lui conseille s'il est pris de ne jamais parler car, si l'on reconnait sa langue, il sera immédiatement reconduit dans son pays.

Le soir, six hommes marchent dans la forêt, puis dans la lande, près de l'embarcadère. Fathi juge qu'il y a trop de mouvements et ramène vers la jungle Amin et deux autres migrants. Ils croisent des jeunes de plus en plus nombreux qui font une rave party. Ils se réveillent au petit matin. Mahmud est revenu seul de l'expédition de la veille. Il explique qu'Hassan a été tué dans un accident de voiture en fuyant à pied sur la route. Le sang une fois nettoyé le trafic a repris.

Amin se lave dans la rivière et voit la police intervenir vers la zone. Le soir Amin repart avec les autres migrants pour nouvelle tentative de passage. Il se rue sous les camions avec Mahmud mais celui-ci est repéré par les policiers. Il leur tient un discours prophétique sur la survenu proches des migrants que personne en pourra plus arrêter. Amin réussit à repasser dans le trou du grillage pratiqué à l'allée mais un chien le poursuit et le mord sauvagement au flanc. Amin étrangle le chien avant de s'écrouler par terre. Au réveil, il se retrouve dans un appartement où une jeune femme lui explique que la frontière a cédé il y a quelque temps déjà. Les migrants ont fini par s'installer au sien de la population.

Amin entrevoit cette découverte que feraient ses amis... mais la réalité est bien plus sombre. Amin était dans les limbes. Laissé sans soin après la morsure du chien, il en est probablement mort. C'est son corps que l'on ramène aux migrants. Apres la veillée funèbre, un autre soir, ils repartiront tenter de rejoindre l'Angleterre.

analyse La politique d'immigration brutale de l'Europe est traitée au travers de la violence permise des chiens des fonctionnaires de police dont l'un mord, Amin l'émigrant afghan. Laissé sans soin, celui-ci meurt sans doute à la fin du film. Mais, plus que la dénonciation politique à court terme, c'est la hauteur de vue mondialiste, la dimension métaphysique permise par le motif de la forêt qui impressionne.

La frontière fragile et la forêt fraternelle

Le thème des jungles peuplées de migrants est maintenant suffisamment connu des habitants des zones frontières et des cinéphiles (Welcome et surtout Qu'ils reposent en révolte). Cogitore n'a donc pas besoin de préciser le lieu et la nationalité ni même les noms des personnes pour que nous comprenions leur motivation pour rejoindre l'Angleterre. Plus qu'un idéal d'un ailleurs probablement très difficile, c'est la possibilité d'une fraternité et d'un partage immédiat qui est évoquée par deux fois, fugitivement, dans deux espaces étranges et irréels du film.

La rave et le réveil du lendemain dans la forêt évoquent cet idéal de communion musicale et naturelle partagée par l'ensemble de la jeunesse.

Le discours de Mahmud, peut être entendu par Amin agonisant de l'autre coté du grillage, produit cet autre discours perçu dans les limbes qu'il entend alors comme la préfiguration de ce que sera sans doute notre avenir tant des millions de migrants se presseront bientôt aux frontières du monde occidental. La veillée mortuaire d'Amin et la dernière image sur les quatre migrants restant du port de Ouistreham disent toutefois que cet avenir sauvage, panthéiste et musical n'est toutefois pas pour demain.

Les visions prophétiques de l'avenir.

Deux beaux discours ponctuent le film. Celui de Mahmud. "Sachez maintenant, qu'à chaque fois, je serai plus nombreux. Qu'à chaque fois, je serai un de plus et, qu'à chaque fois, il faudra nous reconduire plus loin encore. Sachez-le : bientôt viendra un temps où vos bras seront trop faibles, vos voitures trop petites et vos avions trop chargés. Bientôt, viendra un temps où une foule s'installera aux portes de la ville et vos enfants, de vos fenêtres, entendront monter les cris. Nous nous tiendrons là, dressés comme vos propres fantômes. Et il n'y aura plus ce jour, plus nulle part où nous ramener car toutes les mers auront déjà été traversées et toutes les frontières auront été franchies".

Amin, blessé à mort prolonge ce discours en afghan par celui en français d'une habitante de la ville : "Quelque chose a cédé et il y a eu un grand bruit sur la côte, un choc. Chacun d'abord est rentré. On a appelé les enfants, fermé les portes et les volets. Et beaucoup, presque toutes les familles ont, une par une, quitté la ville. Puis on a vu venir des camions aux portes de la ville. Des hommes ont ouvert des bâches. On a vu descendre de partout des cargaisons entières de visages. Des centaines, puis des milliers de visages. Et pendant plusieurs jours, les camions ont sans cesse afflué de la côte. Au premier jour, on a appelé ce temps-là, le grand siège. Puis, quand ce temps s'est prolongé, on l'a simplement appelé, le siège. Et puis, pour finir, quand rien ni personne n'a plus bougé, on ne l'a plus appelé du tout. Et on a continué sans bouger à regarder les feux de camp brûler aux portes de la ville"

Aide de la Maison de l'image et interdiction de tourner sur le port.

Parmi nous a bénéficié de l'aide à la production de court métrage de la Région Basse-Normandie. Le film a été tourné dans le Calvados, à Blainville-sur-Orne, Merville-Franceville, Ouistreham, Saint-Aignan de Cramesnil et Touffréville, avec les services du Bureau d'accueil de tournages de la maison de l'image.

Les repérages dans le port de Ouistreham n'ont toutefois abouti qu'à une interdiction de tourner. Ce repli frileux des autorités préfectorales a conduit Clément Cogitore à reconstruire ses décors dans un autre lieu, leur donnant par ailleurs une intensité fantastique et prophétique qui aurait peut-être été moins forte dans des décors naturels.

Jean-Luc Lacuve, le 26/02/2012

Retour