Pour une exposition qui n’a finalement pas eu lieu pour cause de Covid, le musée Pompidou avait demandé au cinéaste de répondre en images à la question : Où en êtes-vous, Leos Carax ? Il tente une réponse, pleine d’interrogations. Sur lui, son monde et le monde comment il allait mal, comment il va mal et pourquoi faudrait-il que ce soit lui qui tente avec son cinéma de redresser ce monde. Sans savoir, comme un somnambule éveillé par le cri des corbeaux, il tente des réponses.
Sur une image irisée sur son lit avec ses animaux, chats et chien, il tente d'écrire, de raconter comment il s'est toujours précipiter pour tourner, quitte à glisser sur la neige. Pour lui, importe le sourire de la vitesse ainsi qu'il le raconte à Nastya, sa fille vue sur des images vidéos d'autrefois.
Les films des pionniers, du cinéma muet l'accompagent ainsi que ses films et puis le personnage de monsieur Merde avec lequel il discute. Le hantent, les voix qui l'ont suivies depuis l'enfance : Nina Simone, Barbara, David Bowie. Des voix qui se sont tues mais qui l'accompagnent toujours. Le hantent aussi les mauvais pères, les anciens tel le drogué du Secret derrière la porte (Fritz Lang, 1948) au cinéaste révèré que fut pour lui Polanski mais aujourd'hui accusé d'avoir sodomisé une enfant.
Dangereuse, l'ombre noire d'Hitler qu'il trouva à sa naissance et toujours à même de surgir à nouveau si une mère est encore capable de lire la tragédie de la shoah comme un conte à ses enfants. Et que dire de Poutine, el-Assad, Netanyahou qui perpétuent le sentiment de haine en se disant "Humiliés et offensés". Les faux offensés pourrissent notre monde. Et tous prétendent, "C’est pas moi, c’est eux". Ne faudrait-il pas les tuer comme aurait pu le faire dans Man Hunt (Fritz Lang, 1941) ou être un héros comme Isadore Greenbaum (1912-1997), qui insulta Hitler devant vingt mille nazis américains, comme Nina Simone qui chante "My skin is black" et comme Charlot émigrant.
AU REVOIR / Ô REGARD ? : une incitation pour se laver les yeux entre chaque regard comme disait Yasujirō Ozu. Cligner des yeux est si important pour conserver notre oeil humide et bien voir mais aujourd'hui où les images bombardent chaque instant, est-ce encore possible ?
"Le monde que j’ai trouvé à ma naissance (l’ombre noire d’Hitler, mes sœurs et parents, etc.). Le monde que j’ai découvert plus tard : amis, amours, compagnons et compagnes de travail. Ma fille. Mes chiens. Et toutes celles et ceux qui m’ont invité au voyage. Penseurs, artistes, résistants, qui depuis toujours ont préparé le terrain pour que s’élève en pleine mer une île — pas toujours accueillante mais au moins sans douaniers ni règles dérisoires, où l’air reste respirable, où l’on a le droit de s’égarer. Une île de l’autre côté de la vie, d’où l’on peut voir notre monde sous un angle neuf, inventé".
"C’est un film que je devais monter et redescendre seul. Un petit film réalisé au lit et à la table de montage (même si ces tables n’existent plus). Un film né du jour et de la nuit. Lors de mes insomnies, me venaient deux-trois images, correspondances, raccords, coq-à-l’âne. Et le matin, à ma table, sur le logiciel de montage, je tentais de mettre tout ça en musique. Avec des images de mes archives, ou des images trouvées sur le Web, que je remplacerai ou non plus tard, par d’autres, tournées avec mon téléphone ou avec une équipe. Le soir, j’enregistrais ma voix sur mon téléphone".
Leos Carax, dossier de presse.