A l'aventure

2009

Avec : Carole Brana (Sandrine), Arnaud Binard (Greg), Nadia Chibani (Mina), Lise Bellynck (Sophie), Etienne Chicot (Le quinquagénaire philosophe), Estelle Galarme (Françoise), Frédéric Aspisi (Jérôme), Michèle Larue (La mère de Sandrine), Jocelyn Quivrin (Fred). 1h44.

Lassée de son actuel mode de vie, Sandrine, une jeune femme tout juste diplômée d'HEC, décide de tout quitter: son entreprise et Fred, son petit ami et de profiter pendant un an d'un héritage laissé par sa grand-mère.

Elle fait la connaissance de Greg, un jeune psychiatre qu'elle entraîne dans une chambre d'hôtel et qui l'initie aux secrets de la psychanalyse et de l'hypnose. Il lui fait rencontrer Sophie, une amie, ancienne amante, qui a divorcé de son mari après trois semaines de mariage. Sophie est devenue une adepte de séances de masochisme consenti menées par Jérôme, un architecte, marié à Mina.

Sandrine, très heureuse avec Greg, voit régulièrement un quinquagénaire philosophe qu'elle aime entendre parler des mystères de l'univers. Elle revoit aussi Françoise son ancienne collègue qui, après s'être mariée, a décidé de tout plaquer pour suivre un trafiquant d'armes en Colombie.

Greg a vivement intéressé Mina, Sophie et Sandrine par les possibilités de l'hypnose. Il soumet Mina à une première expérience d'endormissement puis de réveil qui semble se passer à merveille. Cependant la pièce qu'il avait posée sur l'avant bras de la jeune femme, en lui suggérant qu'elle était brûlante afin qu'elle éprouve une violente douleur, a laissé une grave trace de brûlure. Mina est donc un sujet exceptionnel, capable de transformer la suggestion mentale en trace corporelle.

Lors d'une deuxième expérience, Mina revit l'assassinat de ses parents par des intégristes musulmans en Algérie alors qu'elle était âgée de moins d'un an. A la fin de cette vision, une autre plus surnaturelle encore a lieu : Mina semble reculer dans le temps pour retrouver l'extase mystique d'une certaine Catherina, religieuse dans un couvent hollandais au XIVème siècle.

Les jeunes femmes demandent à Greg de leur faire atteindre l'extase et de leur suggérer d'obtenir le plus violent orgasme qu'elles aient jamais vécu. Greg y consent refuse de faire l'amour avec Sandrine qui parvient au plaisir en se masturbant alors que Sophie jouit sous les caresses de Mina. Celle-ci courbée de désir sur le lit amène à elle Greg pour un violent orgasme.

Greg est désormais très épris de Mina et l'avoue à Sandrine qui trouve un réconfort en se rapprochant de son vieil ami philosophe. Greg appelle une ultime fois Sandrine pour une séance d'hypnose où il va tenter de faire atteindre l'extase à Mina sans recourir à l'excitation sexuelle. C'est une réussite : Mina lévite. A la fin de la séance des forces mauvaises semblent toutefois s'engouffrer dans la maison.

Sandrine en parle à son vieil ami philosophe qui l'invite à visiter sa maison dans les montagnes cévenoles. Ils s'accordent pour dire qu'ils ne savent rien du monde.

C'est sans doute le plus rohmérien des films de Brisseau avec de grandes scènes de discussions où l'on prend au sérieux peines de coeurs et de l'âme avec l'envie de séduire son interlocuteur.

Les éclairages somptueux en intérieur comme en extérieur, le ballet de la mise en scène (la séquence sadomasochiste dure près de cinq minutes, filmée en un seul plan), révèlent toutefois cette envie de décoller du réel pour atteindre une dimension métaphysique où les êtres pourront enfin échapper à la prison des conventions et des destins tout tracés.

Le lyrisme de Brisseau parvient ainsi à s'incarner une fois de plus dans le destin de ces jeunes femmes, parties pour être de parfaites petites bourgeoises, et qui vont approcher la connaissance, par l'éprouvé plus que par le savoir, du vide des atomes au vide intersidéral et de la dimension minuscule du temps de l'humanité.

Brisseau retrouve ainsi la voie tracée par Bernardo Bertolucci avec Le dernier tango à Paris où l'érotisme pouvait, un temps du moins, sauver l'individu du désespoir et de la répétition. L'exigence de Paul (Marlon Brando) et Jeanne (Maria Schneider) échouait sur l'impossibilité de s'extraire du temps tout comme ils n'arrivaient à tenir cette proposition de "jouir sans se toucher".

Greg aussi veut conduire Mina à une jouissance "pure" obtenue sans contact physique. Elle retrouve ainsi, via le souvenir d'une certaine Catherina, religieuse dans un couvent hollandais au XIVème siècle, L'extase mystique de sainte Thérèse lévitant sur son nuage avant d'être touchée par la flèche de feu.

Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci

Jean-Luc Lacuve le 31/03/2009