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Une vieille maitresse

2006

Avec : Asia Argento (Vellini), Fu'ad Ait Aattou (Ryno de Marigny), Roxane Mesquida (Hermangarde), Claude Sarraute (La marquise de Flers ), Yolande Moreau (La comtesse d'Artelles), Michael Lonsdale (Le vicomte de Prony), Jean-Philippe Tesse (Le vicomte de Mareuil), Sarah Pratt (La comtesse de Mendoze), Amira Casar (Mademoiselle Divine des Airelles), Lio (La chanteuse), Léa Seydoux (Oliva), Nicholas Hawtrey (Sir Reginald). 1h54.

Paris 1835. Le futur mariage du jeune et libertin Ryno de Marigny avec Hermangarde, fleuron de l’aristocratie et petite fille de la marquise de Flers, est au cœur de toutes les conversations. Seulement voilà, le Don Juan impénitent est depuis dix ans, l’amant et la proie de La Vellini, une courtisane sans scrupules, mondaine et scandaleuse. Nombreux sont ceux qui doutent donc de cette alliance, mais les sentiments sont plus puissants que tout. C’est ce que va comprendre la marquise de Flers qui malgré sa méfiance va se laisser charmer par le jeune homme…

Nul hasard dans le choix du roman Une veille maîtresse que Catherine Breillat envisageait de porter à l'écran depuis une douzaine d'années : "Si j'étais née au moment de Barbey d'Aurevilly, j'aurais été comme lui, le même genre d'auteur aux prises avec la même réprobation morale et religieuse". Publié en 1851, ce roman vaudra à son auteur, le très libertin et néanmoins catholique Barbey d'Aurevilly, les foudres de la critique et de la censure.

Après la trilogie un peu aride sur le sexe et la pornographie (Romance, Sex is comedy, Le pornocrate), l'adaptation littéraire courait le risque de l'exercice de style un peu vain. Rarement pourtant un écrivain et une cinéaste séparés par un siècle et demi auront eut des univers aussi proches. Univers proches sans doute mais angles différents. Barbey se devait d 'insister sur la force inextinguible du lien sexuel lorsqu'il est éprouvé pour lui-même, Catherine Breillat, qui a depuis longtemps fait sienne cette vérité, accentue le romantisme échevelé de cette éternité amoureuse.

Catherine Breillat reprend du roman les brillants et prolixes dialogues, elle reprend aussi la thématique du sang et de la blancheur. La blancheur de la peau est l'érotisme convenu de l'aristocratie. Le vicomte de Prony l'éprouve, sensible aux charmes de la femme de chambre, lors de sa visite chez la Vellini. Mais c'est Hermangarde qui le pousse à l'extrême, Breillat ne se fait pas faute d'isoler son visage sur fond monochrome comme pour répondre à la description qu'en fait Barbey : "Sa beauté était plus royale encore que n'avait été celle de sa grand-mère. Blonde aussi, comme toutes les de Flers, mais d'un blond d'or fluide, elle avait un teint pétri de lait et de lumière, pour lequel toutes les boîtes de rouge inventées à cette époque de mensonge auraient été d'affreuses souillures (p. 67)".

L'exil en Bretagne se présente comme une possibilité de vivre ce pur amour loin des attaches parisiennes notamment dans la séquence d'Hermangarde allongée nue, blanche dans la blancheur des draps avec sa joie de l'enfant à naître.

Face à cette blancheur royale, Barbey et Breillat opposent les ombres de la passion sexuelle et le sang qui bouillonne sous la peau. Les traits d'Hermangarde semblent figés dans la blancheur du marbre ceux de la Vellini changent perpétuellement. Le sang semble devoir toujours sortir de cette peau bronzée : estafilade sur la main puis estafilade sur le front. Ryno de Marigny n'est pas en reste. Il cravache au sang le mari et s'offre à la mort lorsqu'il voit la Vellini accompagner son mari en duel : "Et puisque la fille du toreador a soif de sang, qu'elle le voit couler (p130)". Pour guérir, il boira le sang d'une poule égorgée alors que sa maîtresse léchera le sang de sa blessure. Un coup de dague sur la joue de Ryno marquera la reprise de leurs étreintes après la séparation due à la mort de l'enfant.

Pour tous ces éléments présents dans le roman, Breillat opère classiquement par simplification et condensation. Elle renonce au flash-back dans le flash back. La blessure léchée est racontée par la Vellini à son amant pendant sa convalescence. Breillat la fait intervenir juste après la blessure. La petite fille meurt à Trieste après cinq jours de fièvre, Breillat place ce drame dans la continuité du séjour en Algérie avec la succession implacable du scorpion mortel, du cadavre pleuré durant cinq jours puis du bûcher allumé en plein désert (sur la mer chez Barbey).

L'histoire se termine mal. La blancheur solaire et le sang des pulsions restent irréconcilliés. La vieille marquise de Flers est morte et seule sa veille amie La comtesse d'Artelles se souvent encore que l'amour exista entre Ryno et Hermangarde.

Du moins la révolte demeure : "Ce que j'aime bien chez monsieur de Marigny, c'est que je ne connais personne comme lui capable de jeter le gant à l'opinion. S'il devient ministre, il mettra sa gloire à être impopulaire".

Jean-Luc Lacuve, le 05/06/2007

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