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Trois camarades

1938

Voir : Photogrammes de la fin du film
Genre : Mélodrame

(Three comrades) Avec : Margaret Sullavan (Patricia 'Pat' Hollmann), Robert Taylor (Erich Lohkamp) , Franchot Tone (Otto Koster), Robert Young (Gottfried Lenz), Guy Kibbee (Alfons), Lionel Atwill (Franz Breuer), Henry Hull (Dr. Heinrich Becker), Monty Woolley (Dr. Jaffe). 1h40.

L'Allemagne des années vingt. Le climat est à l'amertume depuis la défaite de 1918... Erich, Otto et Gottfried sont trois amis inséparables, trois jeunes gens courageux et dynamiques, qui, veulent éviter de tomber dans la morosité ambiante. Aussi montent-ils ensemble un petit garage qui va leur permettre de subsister. Ils adorent l'automobile, aiment faire de la vitesse, et, lors d'une de leurs balades, rencontrent une charmante jeune fille - Patricia Hollman. Otto et Erich en tombent presque instantanément amoureux ; mais c'est Erich qui va vraiment conquérir le cœur de la jeune fille.

Gottfried, lui, reste plus sérieux et plus préoccupé par les problèmes politiques : il s'est juré de lutter pour la démocratie et la paix, et adhère à une sorte de mouvement libertaire clandestin.

Erich et Patricia vont finir par se marier. Mais, alors qu'ils viennent de partir en voyage de noces, la jeune femme s'évanouit et Erich découvre qu'elle est tuberculeuse. Son état exige une hospitalisation immédiate.

Pendant ce temps, les choses vont mal tourner pour Gottfried : de plus en plus engagé et militant, il se fait repérer et abattre par un jeune fanatique d'un parti militariste qui annonce déjà les nazis et le totalitarisme.

Profondément bouleversés par la mort de leur camarade, Erich et Otto prennent pourtant le soin de cacher le drame à Patricia, lorsqu'ils vont voir celle-ci à l'hôpital. Bientôt, ils doivent vendre leur voiture pour couvrir les frais de l'opération qui doit en principe guérir Patricia. Mais, gardant encore sa fierté, la jeune femme refuse d'être un "poids" à la charge d'Erich et Otto et, dans cet esprit, elle commet finalement une folle imprudence qui provoque sa mort.

Au soir de ce deuxième drame, Erich et Otto se retrouvent très seuls, avec pour unique réconfort le tendre souvenir des deux êtres qui ont le plus compté pour eux. Au loin, résonne déjà le bruit des combats politiques.

Mélodrame fragile constamment nimbé du blanc de l'innocence, de la fragilité et de la spiritualité et comme encerclé et menacé hors champ par la monté de la violence et de la guerre.

Lors de l'un des derniers plans, la caméra fixe en plongé le visage de Patricia. La caméra reste dans cet axe lorsque, décidant de sa mort, elle se lève vers la fenêtre pour un adieu à Erich qui se tient debout dans la neige. Cet axe inhabituel de la caméra prépare les deux plans de la séquence suivante ou les fantômes de Gottfried et Patricia accompagnent les deux survivants qui partent en Amérique du Sud puis le plan final des nuages blanc sur lequel s'inscrit "The end".

Ce n'est pas Dieu qui sauve les personanges (Otto a bien pris soin de dire qu'il n'y croyait pas lorsque Patricia lui a demandé s'il priait quelque fois) mais, comme toujours chez Borzage, leur foi dans l'amour humain.

Certes la bonne humeur et l'amitié indéfectible des trois camarades n'auront pas suffit à éviter la guerre ou à sauver Patricia mais jamais ils ne se seront départis de leur ligne de conduite. Ils ne perdent pas leur temps en vaines querelles (ils ne répondent pas plus aux bouteilles cassées du début qu'aux moqueries lorsque le costume de Erich se déchire de toutes parts). Ils accomplissent en silence et avec une rage froide ce qui leur paraît juste (la course en voiture pour ramener le docteur, l'exécution de l'assassin).

Les décors de studio contribuent grandement à la spiritualié du film. A l'intimité du café d'Alfons répondent le silence des grandes demeures (l'hôtel que loue Patricia, le sanatorium) et la violence de la rue (coups de feu, bagarres émeutes). Dépouillés de détails inutils, légéremenst stylisés, ils semblent magnifier le sacrifice des plus faibles et des innocents depuis l'avion qu'Otto démolit spectaculairement d'une grenade, puis Baby, la voiture, abandonnée à la violence du patron de Patricia jusqu'à celle-ci dont la voix semble toujours prête de s'éteindre sur la plage entre une mer et un hotel aussi irééls l'un que l'autre.

Jean-Luc Lacuve le 29/08/2006

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