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Mother

2009

Genre : Film noir

Cannes 2009 :  Un certain regard (Madeo). Avec : Kim Hye-ja (la mère), Won Bin (Do-joon), Jin Ku (Jin-tae), Je-Mun (le lieutenant) et Hong-Jo (le sergent). 2h09.

Une petite ville au sud de la Corée du Sud. Kim Hye-ja, une veuve, élève son fils unique, Do-joon, qui est sa seule raison d'être. A 28 ans, il est loin d'être indépendant et sa naïveté le conduit à se comporter parfois bêtement et dangereusement envers quiconque se moque de sa déficience intellectuelle ce qui rend sa mère anxieuse. Ainsi s'en est-il pris à de riches professeurs d'université qui l'avaient frôlé avec leur Mercedes. Sous l'impulsion de son ami Jin-tae, il les a poursuivis jusqu'au terrain de golf. Jin-tae a cassé un rétroviseur de la Mercedes et si Do-joon, trop maladroit, n'y est pas arrivé, il les a quand même combattus à coups de poings. Arrêtés par la police qui souhaiterait classer l'affaire, Do-joon avoue qu'il est responsable de la casse du très cher rétroviseur comme l'en a accusé Jin-tae, qui sait se tirer d'affaire en comptant sur les trous de mémoire de Do-joon, par ailleurs très influençable.

Tout en réconfortant son fils et en s'inquiétant de sa sexualité, Hye-ja se demande comment, elle va payer le rétro. Elle demande un prêt à son amie photographe sur laquelle elle pratique l'acuponcture au noir et qu'elle abreuve de potion pour qu'elle puisse être enceinte.

Un soir, alors qu'il a attendu vainement Jin-tae dans un bar, Do-joon suit une jeune fille qui se cache à son approche dans un bâtiment abandonné. Le lendemain matin, la lycéenne, Moon Ah-jung, est retrouvée morte, le corps exposé aux yeux de tous sur le toit du bâtiment, choquant ainsi les habitants qui font pression sur la police incompétente pour qu'elle trouve le meurtrier. Do-joon est arrêté car on a retrouvé une de ses balles de golf près du corps. La police contente d'avoir si facilement arrêté le garçon, lui fait signer des aveux avec lesquels il risque une longue peine de prison

Afin de sauver son fils, sa mère remue ciel et terre mais l'avocat incompétent qu'elle a choisi ne lui apporte guère d'aide. La police classe très vite l'affaire. Comptant sur son seul instinct maternel, ne se fiant à personne, la mère limoge l'avocat et part elle-même à la recherche du meurtrier. Elle pose des questions sur Ah-jung aux gens de la ville. La mère apprend qu'elle était surnommée "riz sauté" car elle échangeait facilement des faveurs sexuelles contre des gâteaux de riz. Elle était par ailleurs en couple avec un garçon appelé "Crazy JP", qui s'était échappé d'un sanatorium.

Do-joon frappe un autre prisonnier qui l'appelait "retard". La Mère lui rend visite peu après et Do-joon se souvient que celle-ci essaya de le tuer avec de la mort au rat quand il avait cinq ans. La mère essaie de s'excuser en disant qu'elle voulait les libérer toutes les deux et lui propose de le soulager avec de l'acupuncture pour oublier sa douleur. Il la chasse, lui disant souhaiter ne plus la revoir.

La mère apprend de son amie photographe qu’Ah-jung saignait souvent du nez. Un peu plus tard, Crazy JP, l'ami d'Ah-Jung est attaqué par deux garçons qui cherchaient le téléphone de la jeune fille, mais la mère le protège. Elle paye Jin-tae pour interroger les deux garçons, qui avouent que des hommes ont donné des gâteaux de riz Ah-jung en échange de ses faveurs et qu'elle a utilisé son téléphone pour prendre en secret des photos.

Do-joon se souvient d'avoir vu un homme dans l'immeuble la nuit de la mort d'Ah-jung. Il identifie l'une des images sur le téléphone d'Ah-Jung, celle d'un vieil homme. La mère se souvient que l'homme en question est un brocanteur auquel elle avait acheté un parapluie. Elle se rend chez lui et lui demande ce qui s'est passé. Il lui dit être allé dans le bâtiment abandonné, probablement pour coucher avec Ah-jung, car il avait du riz en guise de paiement, et a vu un Ah-jung suivie de Do-joon. Do-joon lui avait posé des questions sur les garçons, mais elle l'avait chassé avec une grosse pierre le traitant d'attardé. Do-joon, d'un geste instinctif lui avait retourné la pierre qui l'avait frappé à la tête. Il l'avait ensuite traînée sur le toit. La mère comprend alors que Do-joon est bien responsable de la mort d'Ah-jung. Lorsque le brocanteur apprend que Do-joon sera relâché faute de preuve suffisante, il se décide à signaler qu'il est coupable. La mère, craignant pour son fils, le frappe à mort et brûle sa maison.

Plus tard, la police dit à la mère avoir trouvé le "vrai" tueur. Ce serait Crazy JP qui portait des vêtements tâché du sang de Ah-jung. Bien qu'elle sache que le sang est probablement dû à un écoulement nasal de la jeune fille, la mère laisse la police en déduire qu'il s'agissait d'une tentative de viol. Se sentant coupable, la mère rend visite à JP et pleure avec lui, le sachant accusé d'un crime qu'il n'a pas commis.

Do-joon est libéré de prison. Il enquête sur la maison brûlée du brocanteur. Pendant le dîner, il a dit que celui qui a traîné Ah-jung sur le toit essayait probablement d'alerter les habitants pour qu'ils puissent rapidement lui porter secours. Alors que Mère se rend à la gare routière pour faire un voyage, Do-joon lui montre son kit d'acupuncture, qu'il a trouvé sur le site brûlé. La mère s'en va en pleurant. Dans le bus, elle se fait quelques points d'acupuncture pour oublier sa douleur et danse avec les autres passagers.

Bong met en scène une société coréenne totalement gangrenée par l'irresponsabilité, l'impossibilité de lier raisonnablement action et réaction et où l'individu ne peut être défendu que par une pulsion archaïque : les liens du sang indéfectibles et rétrogrades liés à un traumatisme initial.

La gangrène sociale affecte toute la construction du film depuis sa structure jusqu'au maniérisme du plan en passant par les fausses pistes dramatiques ou liées au montage.

Forme classique gangrenée

Au niveau de la structure du film, le plan initial est un flash-forward que l'on comprend après l'incendie provoqué par la mère suite à la révélation du brocanteur. Celui-ci prend en charge le flash-back explicatif ; flash-back qui révèle lui-même une ellipse du récit, à peine indiquée par un faux raccord.

Le maniérisme du plan est manifeste dans celui où la mère, devant l'arrêt de bus, verse les médicaments dans le gosier de son fil alors que celui-ci urine contre un pan de mur bleu. La position incongrue du cadavre, l'eau qui atteint le doigt de Jin-tae, l'enfant et mère vus en plongée verticale viennent dire qu'une signification plus haute que celle contenue dans l'histoire est à chercher.

Les fausses pistes dramatiques concernent les coupables possibles : Jin-tae, des puritains du quartier ayant voulu exposer la pécheresse, des membres honorables de ce même quartier ayant commandité les deux voyous pour récupérer les photos du portable, le brocanteur.

Celles-ci sont subtilement mises en scène d'une part avec le gimmick (espèce d'idiot) qui fait réagir violemment Do-joon lorsqu'on le traite ainsi, dans le commissariat, le détenu dans la prison qui trouve son aboutissement dans le flash-back. Le sang qui coule du nez de "Riz sauté" révélé par la photographe nous indique dès le départ qu'il s'agit d'une fausse preuve qui est recueillie contre JP par la police.

Le montage contribue également à brouiller les pistes : le doigt coupé monté en alternance avec la rue où une voiture va renverser Do-joon, le défilement des photos du portable avec le souvenir enfin revenu à Do-joon... qui, devant la solution apportée par la mère décide de ne pas tout révéler.

Rancoeur et souvenirs douloureux

Dans cette société où la police se contente des pistes les plus simples, payent les plus fragiles : Do-joon, JP, le brocanteur sans oublier "Riz sauté".

Hye-ja aurait sans doute préféré un fils innocent ou peut-être un fils se croyant innocent. Pourtant Do-joon s'y prend délicatement pour annoncer sa culpabilité à sa mère lui indiquant pourquoi le coupable a porté le corps en haut de l'immeuble, non pas pour l'exposer à la vue de tous comme un linge sale, mais pour que quelqu'un vienne la porter à l'hôpital. En lui remettant sa boite d'aiguilles pour l'acuponcture, il lui indique aussi qu'il sait jusqu'où elle est allée pour le défendre.

Hye-ja n'a plus qu'à se piquer la cuisse pour oublier rancoeur et souvenirs douloureux, entre elle et son fils deux meurtres biens réels ont définitivement anéanti leur innocence.

Jean-Luc Lacuve le 31/01/2010

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