Antonio Magnano revient à Catane, après avoir passé trois ans à Rome où il s'est essayé à la carrière diplomatique. Très beau, Antonio a toujours exercé un charme profond sur les femmes. Sa réputation de séducteur a encore grandi à la suite de son séjour romain. Il est vrai que son père, Affin, pour qui l'honneur et la virilité vont toujours de pair, a contribué à colporter cette renommée.
Ses parents ont décidé de le marier à Barbara Puglisi, la fille d'un riche notaire. Antonio tombe aussitôt éperdûment amoureux de Barbara qui est belle, douce, pure et amoureuse. Le jour de leur mariage, nombre de jeunes et vieilles filles et de femmes sont inconsolables. Les jeunes époux se rendent alors à la campagne où ils coulent des jours heureux et offrent l'image du bonheur...
Mais un an après, les parents de Barbara demandent l'annulation du mariage, car il n'est pas consommé. Alfio se récrie, hurle au complot, mais doit se rendre à l'évidence : son fils n'a pas eu de rapports physiques avec sa femme. Bien que nombre de gens et notamment toutes les femmes aimantes, ne croient pas à l'impuissance d'Antonio et rejettent la faute sur Barbara, Alfio est abattu par le déshonneur qui frappe ainsi sa famille. Pendant ce temps, Antonio vit un véritable calvaire, car il aime profondément Barbara... qui s'est empressée d'épouser un riche Prince du sang...
Vivant pratiquement cloîtré, une nuit, Antonio confesse à son cousin, Eduardo, qu'il est quasiment impuissant et qu'il n'a pu avoir de rapports sexuels avec une femme depuis plusieurs années... Puis Alfio meurt. Quelques mois après, Santuzza, la petite bonne de la maison, s'évanouit. Elle avoue rougissante être enceinte d'Antonio. C'est aussitôt la liesse chez les parents et amis de celui-ci qui accepte tristement leurs marques de sympathie.
L'impuissance d'Antonio ne survient que lorsqu'il essaie de faire l'amour avec une femme qu'il aime. Comme il le confesse à son cousin Eduardo, celle-ci résulte de sa première expérience malheureuse dans un bordel de Catane. Ce blocage initial disparut ensuite lorsqu'il s'installa à Rome. Cette période heureuse prit fin avec son premier amour. Lorsqu'il essaya de faire l'amour avec Paola dont il était profondément épris, l'impuissance revint à nouveau. Il ne put constater alors qu'il n'était plus capable de faire l'amour avec amour.
La mise en scène du film exploite les dimensions politiques, symboliques et romanesques de cette impuissance amoureuse.
L'impuissance d'Antonio c'est aussi celle de toute la jeunesse idéaliste de Catane. Eduardo comme Antonio n'ont pas voulu se salir les mains à Rome et ont échoué dans la carrière diplomatique. Leur retour à Catane est piteux, acceptant plus ou moins de se compromettre auprès du député local qui joue de sa nomination comme conseillé culturel pour se conduire comme un soudard avec les apprenties comédiennes. Le député ne fait là que reproduire l'attitude de tous les mâles de Sicile à commencer par le père d'Antonio prêt à accepter tous les mensonges et compromissions politiques sauf celle de l'honneur sexuel. Cette attitude le conduira à une mort-suicide dans les bras d'une prostituée. C'est toute la société sicilienne qui a abandonné tout idéalisme au profit d'une vile exploitation des pulsions
Antonio s'est ainsi constitué l'une des figures marquantes de l'idéaliste, ce personnage étranger au monde. Son désespoir est palpable dès l'étrange séquence en clair-obscur du début où la jeune femme qui l'aime lui présente comme une preuve d'amour qu'elle soit toujours vierge après leurs moments passés ensemble. Dès son retour, il refuse l'amour de sa voisine proche de lui et se réfugie dans les livres. Avant de se décider à épouser Barbara, il se regarde longuement dans le miroir et c'est sur un reflet d'Antonio dans le miroir que se clôt le film.
Barbara est filmée d'abord comme l'ange que voit en elle Antonio mais transparaît déjà en elle le personnage qu'elle incarnera trois ans plus tard dans le Guépard de Visconti : une jeune femme assez lucide pour mêler amour, sensualité et ascension sociale. Elle accepte tout d'abord l'attente que lu fait subir Antonio. Leur première rencontre a lieu lors de la cérémonie d'enterrement de son grand-père ce qui la contraint à porter une voilette noire. Ce sera ensuite le voile blanc du mariage puis l'attente ce jour même devant le verger. Ce sera ensuite l'acceptation du jeu puéril de la balançoire et des chastes baisers d'Antonio.
Les rôles des deux bonnes, médiatrices féminines entre l'idéalisme et le machisme, celle à la campagne qui rappelle crûment à Barbara la jouissance sexuelle puis celle de la ville que mettra enceinte Antonio doivent certainement beaucoup à Pier Paolo Pasolini.
Jean-Luc Lacuve, le 25/02/2008
Editeur : Les éditions Montparnasse.
Février 2008. Version originale sous-titrée.
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