Karin, fille unique de Tore et de Mareta, a revêtu sa plus belle robe pour aller porter des cierges à l'église du village voisin. Inger, fille adoptive et servante est chargée de l'accompagner. En cours de route, elle s'attarde chez un vieux passeur, grand prêtre du culte d'Odin. La jalousie et la haine qu'Inger porte à Karin se manifestent dans un rituel de sorcellerie qui doit provoquer un mauvais sort.
Pendant ce temps, Karin rencontre deux bergers accompagnés d'un enfant. Elle les invite à partager son repas, mais elle est violée et tuée.
À la tombée de la nuit, les assassins demandent l'hospitalité à la ferme de Tore. Les parents s'inquiètent du retard de leur fille. Ils découvrent bientôt l'horrible vérité lorsque les bergers proposent de leur vendre la robe de Karin.
Tore se purifie et profitant du sommeil de ses invités, il les massacre.
La famille se rend sur les lieux du crime. Dans sa crise de désespoir Tore interroge son Dieu. Pour se réconcilier avec lui-même et avec les hommes et avec le monde, il promet de construire une église en pénitence pour sa vengeance sanguinaire. Dieu répond : au moment où on déplace le corps de Karin une source jaillit.
Avec La Source, Bergman livre une transposition de la ballade intitulée La Fille de Töre à Vänge. Selon la romancière Ulla Isaksson, à qui lon doit ladaptation et le scénario du film : "Le sujet revêt sur le sol nordique son véritable caractère de légende et devient lié au jaillissement dune source et à la construction dune église. Le scénario sefforce de conserver la clarté à la fois cruelle de la ballade, sa compréhension vigoureuse et son message chrétien."
Alors quil assume la problématique religieuse du Septième sceau (1957), Bergman nuance cette motivation pour La Source : "La représentation divine a commencé à se craqueler. Elle subsiste plutôt comme décor. Mes propres représentations étaient en voie de disparition". Il abandonnera toute croyance relieuse avec A travers le miroir (1961) qui détruit le mythe d'un dieu transcendant symbolisé par l'araignée hallucinatoire vue par une jeune femme au bord de la folie. Les communiants (1962) consacre la mort d'un Dieu-Amour qui n'est, pour le croyant, qu'une manière de parler vainement à soi-même. Le silence (1963) marque la fin des interrogations métaphysiques.
Avec La source, Bergman est encore imprégné
de la philosophie de Kierkegaard, pénétré de culte de
l'intériorité, de l'individualité et de l'instant dans
l'espoir d'approfondir la subjectivité dans ce qu'elle a de plus pur,
jusqu'à y retrouver un sujet transcendant et absolu avec lequel elle
se trouve dans une relation paradoxale mais nécessaire. Cette conception
tragique de l'existence trouve ici son aboutissement. La présence de
Dieu est réaffirmée par Tore comme seul moyen de se réconcilier
avec les hommes après deux crimes affreux, celui subit de sa fille
et celui provoqué par vengeance de la mort du jeune frère des
violeurs.
Cette conception est presque panthéiste :
"Regarde ! Est-ce que tu vois frissonner la fumée, là haut sous les toits ? Un tremblement de peur à l'air de l'agiter, elle n'a qu'à sortir cependant et c'est facile. Dès qu'elle sera dehors, elle sera au grand air et s'ébattra à son aise. Mais elle ne le sait pas ; c'est pourquoi elle tremble et se tapit dans la suie sous les poutres des toits. Pour les humains, c'est la même chose hélas. Ils frissonnent d'angoisse. Ils sont ainsi que des feuilles dans le vent à cause de ce qu'ils connaissent et plus encore à cause de ce qu'ils ignorent. Toi, tu as à traverser une passerelle étroite, tellement étroite que tu ne sais pas où poser le pied. Sous toi, tu entends un torrent qui mugit. Il est tout noir et il veut t'engloutir mais tu arrives sain et sauf de l'autre coté. Alors une vallée s'ouvre devant toi, une vallée ténébreuse dont tu ne peux apercevoir le fond. Des mains se tendent pour te saisir mais elles ne t'atteignent pas. Ensuite, ensuite, tu te trouves devant une montagne de terreur. Cette montagne est chaude comme un four. Elle crache le feu et à ses pieds s'ouvre un gouffre d'angoisse. Toutes sortes de couleurs y flamboient : le cuivre et le fer, le vitriol bleu et le soufre jaune. D'immenses flammes aveuglantes s'élancent, elles brûlent la pierre et ronge le roc et tout autour des hommes plus petits que des fourmis se débattent et bondissent. Car c'est dans ce gouffre que se consument les malfaiteurs et les meurtriers. Mais heureusement une main se tendra vers toi à l'instant où tu te croiras condamné et tu sentiras un bras rassurant t'entourer et tu seras enlevé très loin de la montagne là où tu n'auras rien à craindre les forces du mal n'ont plus d'action.
"Je ne te comprends pas, je ne te comprends, pas ! Et pourtant, je te demande pardon. Je ne connais pas d'autre moyen de me réconcilier avec mes propres mains, je ne connais pas d'autre moyen de vivre. Je te promets seigneur, seigneur sur le corps de mon unique enfant sur les saintes écritures je te promets qu'en pénitence, je bâtirai une église, je la bâtirai ici en chaume et en pierre avec ces deux mains. (champs d'oiseaux)".
Lorsque le film sort sur les écrans, Bergman est plutôt au creux de la vague. En effet, contrairement au Septième sceau et aux Fraises sauvages, dont le succès fut unanime, son film précédent, Le visage, n’a rencontré ni la critique ni le public.
Néanmoins, La source est porté aux nues à Cannes, et remporte le Grand prix de la critique, puis plus tard l’Oscar du meilleur film étranger. Mais malgré ces récompenses, l’accueil est plutôt mitigé : propos incompréhensible, sujet trop banal, œuvre mineure, et, par-dessus tout, enfle une polémique autour de la scène de viol que comporte le film, jugée gratuite et insoutenable.
En 1972, Wes Craven s’inspire de La Source pour réaliser son premier film, La dernière maison sur la gauche.
Editeur : Opening. 2006. VOST
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