Bildmakarna

1921. Victor Sjöström met en scène La charrette fantôme avec Julius Jaenzon, son directeur de la photographie. Les deux hommes ont fait venir Selma Lagerlöf, écrivaine nobélisée et vieillissante qui a écrit le roman dont est tiré le film. Selma n'aime pas beaucoup les rushes qu'elle voit. Elle écarte du rôle principal la jeune et belle Tora Teje, maîtresse du réalisateur.

Tora Teje, obsédée par la nécessité de comprendre parfaitement un rôle avant de l'interpréter, respecte son ainée mais n'hésite pas à la pousser dans ses retranchements pour connaître le "sens profond" de son œuvre maîtresse. Tore Teje pense être plus à même de comprendre le fond de ce récit qui tourne autour d'un père alcoolique. L'écrivaine ne tarde pas à s'ouvrir peu à peu à cette jeune femme dont elle respecte la fougue et lui livre les différents secrets de sa vie. Victor Sjöström et Julius Jaenzon viennent prolonger la réflexion sur le rapport entre la vie de l'artiste et l'image qu'il en donne dans son œuvre, du créateur face au travail d'adaptation et du respect dû au public.

La passion de Bergman pour La charrette fantôme est telle qu'en 1998, près de 15 ans après avoir annoncé sa retraite de metteur en scène de théâtre, il décide de diriger la pièce de Per Olov, Les faiseurs d'images avec les acteurs du théâtre royal de Stockholm. La pièce est une fiction autour d'événements intervenant lors de la réalisation du film de Sjöström. Olv imagine une rencontre entre Sjöström, Jaenzon, Lagerlöf et la star du cinéma muet, l'orageuse et caractérielle Tora Teje pour discuter du quotidien du tournage.

Bergman se considère le seul à même de diriger la mise en scène, non seulement à cause de son admiration pour La charrette fantôme, mais aussi parce qu'il a connu personnellement tous les protagonistes de la pièce.

Le succès de la pièce conduit Bergman à diriger une version pour la télévision en 2000. Le film qui en résulte n'est peut pas être aussi accompli que des travaux antérieurs de Bergman mais est exemplaire de la puissante d'expression qu'il obtient avec un maximum de simplicité. La quasi-totalité du film se déroule dans un seul lieu, le bureau de Sjöström, et suit fidèlement les dialogues de la pièce. Le film n'a pas de musique pour souligner l'action.

Après la longue confrontation entre Tora Teje et Selma Lagerlöf, les révélations surprenantes de celle-ci donnent un nouvel éclairage sur l'œuvre de l'écrivaine qui a toujours su parfaitement cacher son jeu dans un but très précis. Le titre, Faiseur d'images, renvoie aussi bien à cette veille femme qui a donné dans sa création une image bien différente de la réalité, qu'au réalisateur qui a projeté dans son film sa propre histoire personnelle, à partir de la trame de l'écrivaine. L'actrice, qui insistait au départ sur la responsabilité de l'auteur par rapport à ses écrits, se rend compte que la "vérité" d'une œuvre est loin d'être évidente à percer.

Source : Shangols