Rome, 1978. Chiara, jeune terroriste engagée dans la lutte armée, est impliquée dans l'enlèvement et la séquestration d'Aldo Moro. En contrepoint, elle mène une vie au grand jour, un quotidien ordinaire : le boulot, les collègues de bureau et un petit ami qui semble la connaître si bien, si pleinement mieux qu'elle-même.
Bellocchio était probablement conscient du piège dans lequel
il s'enfermait en acceptant ce film de commande où l'Histoire est déjà
jouée. Son film travaille les trois plans du réel, de l'imaginaire
et du symbolique pour donner de l'épaisseur à un scénario
finalement bien léger qui raconte la préparation de l'enlèvement
d'Aldo Moro qui eu lieu le 16 mars 1978, jusqu'au matin de l'exécution
le 9 mai.
La réalité des années 70 est rendue par les archives
télévisuelles abondement utilisée pour décrire
l'enlèvement, les réactions de la classe politique aussi bien
que l'état social de l'époque : la télévision-paillettes
ou l'approbation par les classes populaires de la condamnation du terrorisme
par les dirigeants du pays. Quelques détails réalistes viennent
aussi soutenir l'attention : les livres éparses, au début, qui
servent à remplir la bibliothèque avec porte secrète
pour le prisonnier ou les séances d'UV et l'alliance que Chiara s'impose
pour faire croire qu'elle est partie en vacances et qu'elle est mariée.
La partie symbolique est fort bien résumée par Paolo Casseta (1) :
"Le film suit le schéma de la tragédie, posant la question éthique centrale à toute révolution : est-il permis d'utiliser la violence pour instaurer la justice, donner al mort à l'ennemi du peuple n'est -il pas le poison qui corrompt et tue la révolution en inversant le but de ses aspirations ? Mais la tragédie de Buongiorno, notte est sans consistance, les figures dramatiques sont ternes et fonctionnelles, elles s'inscrivent dans un schéma moral préconçu. Les grandes idéologies, parvenues au terme du XXème siècle s'y incarnent dans le fanatisme bouffi d'orgueil des brigadistes, eux-mêmes dépeints comme un "groupe familial dans un appartement". L'acte d'accusation final contre la classe dirigeante de l'époque, qui refuse de négocier la libération de son leader au nom de la raison d'Etat, non seulement ne modifie pas le but de l'opération mais au contraire le confirme". (Les cahiers du cinéma n°587, février 2004).
Tout aussi naïf est l'utilisation de la métaphore des canaris où l'intrusion de la voisine avec son bébé, épisode qui marque le début de la déstabilisation de Chiara.
A la frontière du réel et du symbolique le choix d'espaces qui ne s'interpénètrent pas : les terroristes rentent dans l'appartement sans communication avec le monde autre que la télévision, les journaux et les rapports de Chiara. Le monde réel qui n'existe que par la télévision.
C'est sur le travail de l'imaginaire que Bellocchio se montre le plus inventif. En introduisant dans la sacoche d'Aldo Moro le scénario de Buorgiono, note qui se révélera ensuite être écrit par le collègue fonctionnaire écrivain et amoureux de Chiara, il indique que la fiction peut faire dérailler la réalité, semblable en cela au désir de Chiara. Du moins c'est ce qu'espère nous faire croire Anna L Braghetti qui a rédigé (Le prisonnier - 55 jours avec Aldo Moro-Denoël) dont s'est inspiré Bellocchio pour son personnage féminin. Les rêves de Chiara (le banc de Lenine en exil, son retour triomphal, le regard bienveillant de Staline sur les jeunesses communistes, la mise en parallèle des martyrs de la liberté et de l'exécution probable d'Aldo Moro).
(1) Paolo Cassetta est né à Rome en 1961. Militant des brigades rouges (sans avoir joué aucun rôle dans l'affaire Moro), ni repenti ni "dissocié", il a été condamné à trente ans de prison. Soumis à un régime de semi-liberté, il enseigne la philosophie à La Sapienza de Rome.