John Harrington est un couturier parisien, jeune, riche et séduisant, qui n'a qu'un seul défaut : il ne peut s'empêcher d'assassiner les jeunes mariées avec un hachoir (ou " feuille " de boucher). Par ces crimes, il cherche à se souvenir des circonstancesdu drame qui a marqué son enfance : la mort de sa mère, lors de sa nuit de noces. Il reçoit de fréquentes visites de l'inspecteur chargé de l'enquête sur les meurtres de jeunes mariées, sans qu'il sache si le policier le soupçonne ou s'il vient le voir pour admirer ses mannequins. Puis Harrington rencontre une nouvelle mannequin de sa maison de couture, qui lui semble différente des autres. L'amour le sauvera-t-il de sa folie meurtrière ? Pourra-t-il se séparer de sa femme, qui le déteste mais qui ne veut en aucun cas divorcer ?
Le film affiche de prime abord un kitsch des années 60 qui fait sourire ; néanmoins, le réalisateur (et directeur de la photo) Mario Bava fait preuve d'une grande maîtrise dans l'exposition d'un cas psychiatrique complexe, celui d'un traumatisme enfantin refoulé, donnant lieu à un fétichisme des robes de mariées (celle que sa mère portait le jour de sa mort), et d'une psychose criminelle (l'assassin s'habillant parfois lui-même en mariée). Les crimes ne sont pas sordides, mais en guise de cure psychanalytique, ils sont mis en scène avec raffinement par un psychopathe à la figure d'ange. Aucune complaisance ni érotique ni macabre, les scènes de crime sont filmées sobrement et esthétiquement, et les décors (notamment l'atelier des mannequins de cire vétus de robes de mariées) créent une atmosphère surréaliste, avec un humour noir (renforcé par les " apparitions " de l'épouse du couturier) qui fait même douter le spectateur de la réalité des crimes.
Bava s'hésite pas à s'autociter, la maison de haute couture et les éclairages lors des meurtres renvoyant à " Six femmes pour l'assassin ". On pense aussi à la " Vie criminelle d'Archibald de la Cruz " (Ensayo de un crimen) de Bunuel, pour la pulsion de meurtre, le fétichisme des mannequins inanimés, et le four crématoire dans la maison. Mais c'est dans les oeuvres " psychanalytiques " d'Hitchcock que Mario Bava a sans doute trouvé l'essentiel de son inspiration : Mr Ballantyne (Gregory Peck) dans " La Maison du Dr Edwards " est rongé par la culpabilité (pour la mort de son frère), Norman Bates (Anthony Perkins) dans " Psychose " souffre d'un dédoublement de personnalité lié à sa mère, et " Marnie " (Tippi Hedren) a comme John Harrington transformé un traumatisme d'enfance en criminalité compulsive. Dans ces trois films, c'est bien sûr l'amour qui permet aux malfaiteurs-victimes de guérir de leur mal et de recommencer une nouvelle vie : ici, John Harrington trouve lui aussi l'amour, mais laissons au spectateur le plaisir de découvrir, entre frissons, humour et émotion, la fin de ce " giallo ".
E. B. le 24/05/2007