Nathalie Adler est en mission pour l’Union Européenne à Catane en Sicile. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite de Macron et Merkel dans un camp de migrants. Présence à haute valeur symbolique, afin de montrer que tout est sous contrôle. Mais qui a encore envie de croire en cette famille européenne au bord de la crise de nerfs ? Sans doute pas Albert, le fils de Nathalie, militant engagé auprès d’une ONG, qui débarque sans prévenir alors qu'il a coupé les ponts avec elle depuis des années. Leurs retrouvailles vont être plus détonantes que ce voyage diplomatique…
A la fin du film, les migrants, qui jouaient jusque-là les figurants de cette comédie sociale, prennent la parole par la jeune Elisabeth. Elle s'adresse aux fonctionnaires de l'UE comme aux volontaires radicaux des ONG : "Qui s'occupe de dire combien nous souffrons dans nos sentiments et dans notre chair ? Vous les sous-estimez sous prétexte que nous avons beaucoup subi au cours de la traversée d'un continent à l’autre. Mais pour nos souffrances physiques et nos sentiments qu'êtes vous prêts à faire ?"
Personne ne répond. Albert et Nathalie s'en vont alors ensemble ouvrir les lourdes portes qui enferment les cartons de fiches signalétiques des migrants pour les jeter au vent : au moins ceux-ci ne seront pas privés d'un éventuel droit d'asile là où ils sont pour être ramenés en Italie comme l'impose le règlement de Dublin. Ce geste accompli ensemble, les mains l'une sous l'autre, réconcilie mère et fils, évite la guerre entre l'UE et les ONG... et empêche l'atterrissage de l'avion de Merkel et Macron... qui récupéreront l'incident pour faire du greenwashing en prétextant devoir lutter contre la prolifération des déchets.
Ce ton à la fois sentimental, satirique et symbolique est constamment tenu dans le film. En témoigne les séquences symboliques du tour en car de la ville de Catane, l'allusion à Betelgeuse, la météorite tombée du ciel, la réconciliation sur le sarcophage de Gibellina, et le village, tout près au bord de la mer, (géographiquement inexact donc) où les habitants viennent mettre une gerbe de fleurs à la mer, témoignage ému d’un naufrage inacceptable. La satire est parfaite avec le personnage de l'imbuvable Charles-Antoine Dubat, représentant le PLR (Président de La République). La portée politique assume d'être modeste et dérisoire mais, au moins est-elle hélas assez juste. A la dérive des continents répond, de façon plus souriante, l'ancrage des sentiments.
Jean-Luc Lacuve, le 2 septembre 2022.