Demonlover

2002

Genre : Espionnage

Avec : Connie Nielsen (Diane de Monx), Charles Berling (Hervé Le Millinec), Chloé Sevigny (Elise), Dominique Raymond (Karen), Jean-Baptiste Malartre (Henri-Pierre Volf). 2h10.

Diane travaille dans une société d'investissement française. Dans l'avion qui la ramène d'un voyage d'affaire au japon, elle discute avec son patron, Volf, puis injecte une substance toxique dans une gobelet d'eau minérale à Karen, sa collègue et supérieure hiérarchique. La drogue agit quelques temps plus tard dans l'aéroport où sa victime se fait dérober de précieux documents et doit être hospitalisée.

Diane prend sa place au sein de l'entreprise et partage avec Hervé le Millinec le soin de contracter auprès du japonais Tokyoanimé, une société spécialisée dans le hentaï, la version pornographique du récit graphique puis de revendre les droits de diffusion aux américains de demonlover.com.

Diane n'est pas une arriviste mais un agent de Mangatronic, les concurrents directes de demonlover.com, infiltrée dans le groupe Volf pour faire échouer le projet. Il apparait pourtant bientôt que celle qui croyait tout manipuler à affaire à trop forte partie. Tous ses collègues de chez Volf sont achetés par Demonlover.com depuis plus ou moins longtemps. Cette puissante société controle aussi un réseau de torture et de snuff movies (filmage de meurtes en directe) qui va bientôt fasciner Diane au fur et à mesure qu'elle perd le controle de la situation.

Pour Thomas Sotinel (le Monde) :
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L'enjeu de ce combat n'existe pas dans le monde physique. Cette exploitation de corps générés par des ordinateurs relève d'une espèce de proxénétisme digital, évoqué avec cruauté pendant une séquence japonaise, estampe impitoyable du voyage d'affaires salace au long duquel l'argent sert d'aphrodisiaque. Mais le désir a besoin de corps humains, et Diane se trouve bientôt mêlée aux menées des promoteurs de , site de torture interactive : on propose des modèles à l'internaute, et il choisit les sévices qu'il veut leur faire subir.

Cette horrible histoire est parée des plus beaux atours. Olivier Assayas se tient à la frontière entre deux âges, l'analogique et le digital. Aux pixels des hentaïs répond la décomposition de l'image en ronds pointillistes que forme la pluie sur les pare-brise, à travers lesquels on voit les héroïnes qui luttent à mort. A la splendeur hiératique de Connie Nielsen répond la beauté charnelle de Gina Gheerson (elle incarne un autre type de femme d'affaires, louche, qui vit au temps des réseaux familiaux, elle est aussi l'une des dernières représentantes de la caste des stars de série B). Dans les décors artificieux des lieux de luxe (la boîte de nuit japonaise, l'hôtel parisien), on entend le rock furieux et profondément sincère de Sonic Youth, le groupe new-yorkais qui a composé la bande originale de Demonlover.

Demonlover est à la fois l'aboutissement logique d'une tradition de fiction populaire (revendiquée tout au long du film, jusqu'au costume d'Emma Peel – Diana Rigg, la plus belle des bottes de cuir de chapeau melon – que l'on voit vers la fin) et l'annonce d'une période nouvelle. Les héroïnes des feuilletons du XIXe siècle vivaient à un moment où la valeur du travail, mais aussi des sentiments ou de la beauté, ne se comptait plus qu'en argent. Diane de Monx découvre, pour sa grande douleur et notre profond émerveillement, que tout, la chair et le sang compris, se calcule désormais en 1 et en 0. Au seuil de l'âge digital, Demonlover est un conte magnifique et prémonitoire.
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