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Les amants passagers

2013

(Los amantes pasajeros). Avec : Javier Cámara (Joserra), Carlos Areces (Fajas), Raúl Arévalo (Ulloa), Antonio de la Torre (Alex Acero, le commandant de bord), Hugo Silva (Benito Morón, son second), Lola Dueñas (Bruna), Cecilia Roth (Norma Boss), José María Yazpik (Infante), José Luis Torrijo (Sr. Más), Guillermo Toledo (Ricardo Galán), Paz Vega (Alba), Blanca Suárez (Ruth), Carmen Machi (La concierge), Miguel Ángel Silvestre (Le jeune marié), Laya Martí (La jeune mariée), Pepa Charro (Piluca, l'hotesse de l'air), Penélope Cruz (Jessica), Antonio Banderas (León). 1h30.

Sur l'aéroport de Madrid, Jessica conduit le petit train des bagages des passagers du vol 2549 de la compagnie Península à destination de Mexico. Distraite, elle évite de justesse le technicien qui s'apprêtait à enlever les cales de l'appareil. Jessica apprend à Léon, le chef de piste qu'elle est enfin enceinte de lui. Celui-ci l'accompagne précipitamment et laisse le technicien s'arranger comme il peut de sa blessure, des bagages et des cales retenant l'appareil.

L'Airbus A330 décolle. Joserra, Fajas et Ulloa, les stewards et Piluca, l'hôtesse de l'air, expliquent aux sept passagers de la classe affaire, indifférents, puis à ceux de la classe économique, plus dociles, le fonctionnement des gilets de sauvetage. Alex Acero, le commandant de bord et Benito Morón, son second, s'efforcent pourtant de trouver une solution avec le personnel de la tour de contrôle. Le blocage d'un train d'atterrissage, les contraint à tourner au-dessus de Tolède à la recherche d'une piste d'atterrissage. Joserra leur porte leur diner et s'inquiète de la colère de Norma Boss qui a bien compris que quelque chose n'allait pas. Elle n'est pas la seule, Bruna, une voyante appelée au Mexique par les familles des personnes enlevées par les narcotrafiquants, le Sr Mas et l'inévitable Norma Boss entrent dans la cabine de pilotage. Pour les distraire Joserra, non sans boire de multiples tequilas, archonte sa vie privé avec le commandant de bord et apprend incidemment que le second a aussi une relation passagère avec celui-ci.

Alors que les passagers de la classe économique ont été endormis, ceux de la classe affaire sont maintenant tous au courant, les téléphones personnels n'étant pas relié au réseau, c'est le téléphone public dont le haut parleur ne peut être éteint qui sert de liaison entre les passagers et ceux qu'ils ont laissé à terre.

C'est d'abord l'acteur, Ricardo Galán, don juan invétéré qui a mauvaise conscience et qui essaie de dire au revoir à Alba l'une de ses maîtresses. Celle-ci est sur le point de se suicider. Alors qu'elle tente de répondre, son portable tombe dans le sac de Ruth qui passait en vélo sous le pont. Ruth est aussi une ancienne maitresse de Ricardo, et comme celui-ci la rappelle, elle accepte de lui donner des nouvelles d'Alba. Celle-ci, au bord de la crise de nerfs, est emmenée à l'hôpital psychiatrique par des infirmiers, à peine secondés par sa mère. La concierge, qui a remarqué l'attitude de Ruth, la conduit dans l'atelier d'Alba et lui permet de ramener les affaires de Ricardo.

C'est ensuite Norma Boss qui appelle sa secrétaire pour lui dire que c'est certainement elle que l'on vise au travers du sabotage de l'avion car elle possède des bandes vidéo compromettantes de tous les hommes d'état de l'Espagne.

Pour détendre l'atmosphère, Joserra, Fajas et Ulloa interprètent un délicieux numéro de cabaret, "I'm so excited" des Pointer Sisters.. Le jeune marié se réveille et propose de mélanger de la mescaline à l'Agua de Valencia pour que chacun se sente à l'aise.

Norma Boss raconte alors qu'elle peut faire chanter qui elle veut en Espagne. Tout le monde l'admire mais s'aperçoit qu'elle en a trop dit sous l'effet de la mescaline. Tous sont maintenant désinhibés et tous font l'amour sauf Fajas qui reproche amèrement aux dieux qu'il prie de le laisser ainsi en plan. Bruna après avoir observé le couple de jeunes maries en pleine action se fait prendre "par devant" par un jeune mexicain de la classe économique.

Sur les conseils de Joserra, le commandant de bord dit adieu a ses enfants et sa femme. Norma appelle l'une de ses escortes girl et permet ainsi au Sr mas de se réconcilier avec sa fille. La tourde contrôle annonce enfin qu'ils vont pouvoir atterrir

Bruna pourtant sent une mauvaise odeur, une odeur de mort. Ce n'est pas l'atterrissage qui est en question mais Infante qui doit avouer être un tueur à gage dont le contrat était de tuer Norma mais que refusant de tuer eu femme, il s'était débrouillé pour la faire enlever. Il renoncera à son projet pour fuir avec elle.

L'atterrissage se passe bien et tous rentrent chez eux.

Pour son retour à la comédie depuis Kika (1993), il y a tout juste vingt ans, Almodovar est bien loin de revenir à la Movida de ses débuts et qui a fait sa renommée ; à ses personnages de marginaux, d'exclus ou de traumatisés. Dansant au-dessus de la catastrophe économique et sociale qui menace l'Espagne, Almodovar s'en prend aux passagers de la classe affaire d'un Airbus A330 pour un festival de drôleries légères et pétillantes proche de l’esprit de la screwball comedy des années 1930-1940.

Le roi et les 600 plus hauts dignitaires compromis, un banquier véreux, un tueur à gage, une journaliste people, un acteur draguer, une voyante vierge qui confond les pets foireux avec l'odeur de la mort, tous se congratulent et s'entraident pendant que l'on endort les passagers de la classe économique. Un avion qui tourne en rond au-dessus de l'Espagne pour se crasher en douceur sur une piste d'aéroport qui n'ouvrira peut-être jamais... comme une dernière chance pour nos classes dirigeantes d'une catharsis qui leur éviterait un bien plus brutal réveil du peuple.

Loin de l'esthétique un peu cheap de ses premiers film, Almodovar prend grand soin d'esthétiser l'espace, celui du huis clos de la carlingue, celui des extérieurs de l'avion ou du court intermède sur terre. Trois stewards ultra gays, un commandant de bord bisexuel, un copilote en plein doute et une hôtesse de l'air travesti, l'Agua de Valencia (cava, jus d'orange, vodka, gin, sucre), philtre associé à la Movida explosent cette version espagnole d'Airport (George Seaton, 1970).

Jean-Luc Lacuve le 01/04/2013

Notes :

1- L'aéroport introuvable pour atterrir, est celui de Ciudad Real, terminé en 2010 et aujourd'hui fermé pour cause d'inutilité, symbole d'un gaspillage éhonté. Son promoteur, le businessman véreux présent dans l'aéronef, se nomme Mas, comme le président de la generalitat de Catalunya. Celui-là même qui, en novembre dernier, avait souhaité une "émancipation catalane" contre laquelle 300 personnalités, dont Almodovar, s'élevèrent. L'aéroport n'a vu décoller qu'une poignée d'appareils depuis son inauguration en 2010.Aux yeux des Espagnols, l'aéroport central de Ciudad Real incarne le pire symbole du gaspillage dont a souffert le pays ces dernières années. Le premier aéroport privé d'Espagne, l'aéroport, dont le chantier a débuté en 2008, a été conçu pour recevoir 2,5 millions de passagers par an. Un investissement de 500 millions d'euros, financé par des capitaux privés, mais encouragé par les pouvoirs publics, dans une ville de 75 000 habitants située à seulement 200 km de Madrid. Au final, la société propriétaire, CR Aeropuertos, a accumulé 290 millions de dettes. La Caisse d'épargne de Castille-La Manche (CCM), qui a financé l'opération à 40 %, a été placée en 2009 sous tutelle de la Banque d'Espagne après avoir frôlé la banqueroute. Et Ryanair, qui avait un temps envisagé de s'installer dans l'aéroport, a finalement plié bagage. Cela fait plus d'un an qu'aucun vol commercial n'a atterri dans cet aéroport. Seuls s'y posent parfois de rares avions privés, quand la saison de la chasse est ouverte. Après avoir licencié près de deux cents salariés, CR Aeropuertos n'en emploie plus qu'une douzaine, dans un aérodrome complètement vide.

2- C’est le dessinateur Mariscal qui a imaginé le générique animé des Amants passagers, ainsi que l’identité esthétique de la compagnie aérienne du film, Península. Le tournage a eu lieu en 2012 à Madrid, dans l’aéroport abandonné de Ciudad Real où la coquille d’un Airbus A340 a été importée d’Allemagne et remontée pièce par pièce pour les besoins du tournage, et à Barajas où ont été prises certaines vues extérieures, cette fois d’un A330.

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