La loi du Seigneur

1956

(Friendly Persuasion). Avec : Gary Cooper (Jess Birdwell), Dorothy McGuire (Eliza Birdwell), Anthony Perkins (Josh Birdwell), Richard Eyer (Jess Birdwell Jr.), Robert Middleton (Sam Jordan), Phyllis Love (Mattie Birdwell). 2h17.

1862. La guerre de Sécession n’a pas encore touché l’existence paisible de la famille Birdwell, qui vit dans l’État nordiste de l’Indiana. Jess, sa femme Eliza, et leurs trois enfants, Josh, Mattie et le petit Jess, sont quakers et respectent leur prochain. Comme chaque dimanche, ils vont à la “maison de réunion” faire pénitence. Comme chaque dimanche, en chemin, Jess encourage son cheval à faire la course avec celui de son voisin Sam Jordan, dont le fils, Gard, courtise Mattie.

Malgré les réticences d’Eliza, gardienne des traditions, tout le monde se retrouve à la foire de la ville voisine. Tandis que Jess discute avec un vendeur de musique et que Mattie danse avec Gard, Josh refuse de se battre avec des provocateurs. Le lendemain, Jess et Josh partent faire leur tournée annuelle de pépiniéristes et vendre les plants de leur ferme. Ils font halte chez la veuve Hudspeth et ses trois filles, émoustillées à la vue de Josh. Jess en profite pour lui échanger son cheval, qui déteste se faire dépasser, contre le sien… À leur retour, on livre l’orgue acheté par Jess à la foire. La musique étant bannie de la religion quaker, Eliza fait un scandale et va dormir dans la grange. Jess accepte de mettre l’instrument au grenier. Après avoir gagné la course du dimanche grâce à son nouveau cheval, Jess doit essuyer les reproches des anciens. Il se repent pour couvrir le son de l’orgue dont jouent Gard et Mattie avant de se déclarer leur amour.

On annonce l’arrivée des Sudistes. Gard promet à Mattie de l’épouser à son retour. Enoch, l’homme à tout faire de la ferme, rejoint la milice. Josh, malgré ses convictions et les prières de sa mère, le suit, mais est terrorisé devant l’ennemi. Son cheval revient seul à la ferme et Jess prend les armes à son tour. À peine est-il parti que les pillards arrivent à la ferme. Eliza les invite à dîner et à emporter ce qu’ils veulent. Étonnés par tant de bonté, ils s’inclinent lorsqu’elle frappe de son balai un soldat prêt à tuer son oie préférée. Sur le champ de bataille, Sam Jordan meurt dans les bras de Jess. Ce dernier laisse la vie sauve à un sudiste embusqué qui lui a tiré dessus, puis retrouve Josh, agrippé à l’homme qu’il vient de tuer. Il le ramène à la ferme. Tout rentre dans l’ordre et la vie reprend. Comme tous les dimanches…

Palme d'or 1957 du festival de Cannes, La loi du Seigneur a souvent mauvaise réputation avec un côté "Petite maison dans la prairie" ou chacun, en suivant la loi du Seigneur,  trouverait le bonheur. Le titre original est pourtant bien plus proche de ce que souhaite montrer le film : une authentique réflexion, subtile et touchante, sur la force et les limites que sa propre morale doit appliquer aux événements, petits et grands, de l'existence.

Lorsqu'Eliza tente de convaincre Josh de persuader leur fils de ne pas s'enrôler dans la milice, son mari lui répond : "Je ne suis que son père, pas sa conscience. Et que vaut une vie si l'on ne suit pas ce que nous indique notre conscience ? Laissons lui faire cette expérience." Et jamais Jess ne s'écarte du chemin de l'amicale persuasion dans son rapport aux autres. Avec sa femme, il reste sur sa position aussi bien pour trouver un cheval qui va lui permettre de gagner la course que lorsqu'elle lui interdit de  rentrer l'orgue dans la maison. Il accepte qu'on le conseille, qu'on le guide mais jamais qu'on lui donne un ordre. Aussi rentre-t-il l'orgue comme il l'a décidé puis va négocier la paix avec son épouse en allant dormir dans la grange avec elle... Expérience qu'ils se promettent de renouveler. Un premier compromis est trouvé avec l'orgue rangé dans le grenier. Cette modestie appliquée à ses propres décisions, toujours susceptibles d'être modifiées selon les conseils ou positions des autres, fait beaucoup rire Sam Jordan, le sympathique voisin chrétien. Les rires communicatifs de celui-ci, notamment devant les explications gênées de la famille suite à l'exil dans la grange d'Eliza, ponctuent de manière efficace les moments d'humour du film qui culmine avec le prêche repentant improvisé de Josh convoquant tout les prophètes pour couvrir le son de l'orgue.

Cette morale conciliante n'a sans doute pas vocation à valoir dans les situations les plus extrêmes. Si la guerre continue dans l'Etat, peut-être Jess devra retourner au combat bien qu'il ait ressenti l'horreur de tuer et Josh lui-même pourra en venir aux extrémités de Stadt, le fermier amiche non-violent, dans les inconnus dans la ville (Richard Fleischer, 1955). C'est sans doute pourquoi la mise en scène elle-même se veut modeste, comptant sur la flamboyance des couleurs, quelques cadres soignés et surtout la chaleur de ses acteurs pour emporter l'adhésion.

Jean-Luc Lacuve le 09/08/2015