Les feuilles mortes

2023

Ecouter : Maustetytöt - Syntynyt suruun ja puettu pettymyksin

Cannes 2023 (Kuolleet lehdet). Avec : Alma Pöysti (Ansa Grönholm), Jussi Vatanen (Holappa), Janne Hyytiäinen (Hanes Huotari), Nuppu Koivu (Liisa). 1h21.

Ansa met des produits en rayon dans un supermarché. Le soir, elle dit au revoir à sa collègue Liisa et rentre chez elle. Elle met un plat au micro-onde et écoute la radio : l’hôpital pour enfants de Marioupol assiégée vient d'être bombardé.

Holappa nettoie des pièces de fonderie avec de l’air comprimé. Il enlève ses boules-quies et va fumer sur un banc. Son collègue et ami, Hanes Huotari, le rejoint. Ils échangent quelques mots sur les dangers de la cigarette. Ce à quoi Holappa répond : "chacun à ses vices, toi c’est d’être trop bavard".

C’est vendredi soir. Dans le baraquement de chantier, la radio parle de la guerre en Ukraine : un missile a touché un centre commercial à Krementchouk. Huotari convainc Holappa de s’habiller pour le karaoké en ville. Là, Huotari se vante de sa belle voix de basse-baryton et chante "sous le sorbier d’automne" où il évoque les terre froide et ses habitants condamnés à y vivre comme les grues qui n’ont pas d’ailes. Holappa juge qu'il a une voix de soprano, ce que conteste Huotari estimant être au moins tenor. Liisa lui dit "Tu as une belle voix pour ton âge" et Huotari tente vainement de lui faire croire qu’il a moins de 50 ans. Alors qu’un chanteur reprend Sérénade, un lied de Schubert, Ansa et Holappa échangent des regards timides.

Le soir à la sortie du supermarché, un contremaître et le vigile font ouvrir son sac à Ansa dans lequel se trouve un hamburger périmé. Elle est renvoyée sans préavis mais elle ironise sur le contrat zéro heure qui ne lui donnait aucun droit. Par solidarité, Liisa démissionne et l’autre collègue pourrait le faire aussi.

Le patron de l’usine reproche à Holappa d'être en retard de quatre minutes. Trois fois cette semaine, précise-t-il; ce à quoi Holappa réplique que c'est impossible puisque l'on est lundi. Il signale que le compresseur est défectueux. Comme le patron ironise sur sa volonté d'avoir aussi une voiture de fonction, il réplique que cela attendra; il n'a pas encore le permis. Près du compresseur, Holappa picole.

Chez elle, Ansa reçoit des factures. Elle éteint immédiatement tout appareil électrique dont la radio qui annonçait 80 missiles sur l’Ukraine et 150 en une semaine avec le départ de la croix rouge. Elle va dans un bar pour avoir internet (8 euros la demi-heure après négociation) et se renseigne ainsi auprès de l'agence pour l'emploi. Elle trouve alors un emploi de serveuse-plongeuse au California pub qui passe Mambo italiano en boucle. Ansa surprend le trafic de drogue auquel se livre son patron.

Holappa se plaint auprès de Huotari d’être déprimé parce qu'il boit beaucoup, ce qu'il fait car il est déprimé ; "raisonnement circulaire" commente son ami. Un soir, Ansa trouve Holappa saoul dans un arrêt de tram, dévalisé par des jeunes gens. Il la voit partir en tram.

Ansa et Holappa constatent que le patron du California pub est arrêté par la police. "vous ne m’aurez pas vivant" déclare hors-champs la patron avant "d'accorder" quinze jours de congés à Ansa. Holappa invite Ansa pour un café et un gâteau. Il met de l'alcool dans son café, elle le voit faire. Il l’invite au cinéma. Ils voient The dead don't die de Jim Jarmusch. Ils restent impassibles. A la sortie, deux spectateurs échangent : l’un trouve que le film ressemble à Journal d’un curé de campagne, l'autre à Bande à part. Pour sa part, Ansa a aimé le film ; "Je n’ai jamais autant ri". Elle lui donne son numéro de téléphone mais le papier est emporté par le vent quand il cherche ses cigarettes dans sa poche.

Le lendemain matin dans le baraquement, la radio est allumée et parle du bombardement de la gare de Tchaplyne. Holappa constate qu'il a perdu le papier avec le numéro de Ansa. Celle-ci attend son appel en écoutant les mêmes infos mais change de station pour de la musique. Holappa résiste à boire et va l’attendre, vainement, au cinéma. Ansa arrive trop tard et voit les cigarettes par terre.

Holappa s’est blessé au bras, le tuyau du compresseur aurait dû être remplacé. Il est soigné mais l'alcootest est positif : il est renvoyé sur le champ avec mépris. Il va au bar et, sous l’affiche de Rocco et ses frères, dit à Huotari qu’il a perdu le téléphone de Ansa. Huotari croit savoir qu'elle travaille dans un supermarché mais, licenciée, Ansa travaille en usine. Elle rentre tristement chez elle pendant que Holappa fait les bars. Il a retrouvé du travail mais boit sur le chantier de construction.

Holappa attend devant le cinéma. C’est là, qu’un soir Ansa le retrouve. Elle l’invite pour le lendemain soir à dîner. Elle achète une petite bouteille de champagne, des asperges et des couverts neufs, lui des fleurs. Holappa a du mal à se contenter du petit apéritif. Ils discutent sur le canapé. Elle le surprend à boire. L’alcool a tué son frère et son père, le chagrin a tué sa mère : elle le chasse. Holappa boit dans les bars. Ansa travaille dur, rentre seule. Il est chassé pour alcoolisme. Ansa discute avec Liisa dans un bar, se dit déçue par Holappa." -Les hommes sont tous des porcs" dit Lisa. "Ce n’est pas vrai : les porcs sont futés et sympathiques" répond Ansa. Devenu SDF, Holappa dort sur un banc. Ils pensent l'un à l’autre. Ansa adopte un chien. Au bar puis au foyer où Holappa vide les bouteilles, il renonce à boire.

C’est le magnifique automne. Holappa déclare au téléphone à Ansa qu'il est sobre comme un rat du désert ; que c'est pour elle. Elle l'invite à venir tout de suite. Il emprunte une veste à un locataire du foyer. Il est renversé par un train.

Quelque temps plus tard, Huotari croise Liisa et lui dit qu'Holappa est dans le coma à l'hôpital des diaconesses. Ansa va le voir et, pour le réveiller du coma, lui fait la lecture et l'interroge sur les mots croisés. Ansa est bientôt informée qu'Holappa se réveille. Il lui dit avoir rêvé qu'ils marchaient vers la mairie avec elle. Elle le juge un peu confus. Tonja, l'infirmière, lui donne les vêtements de son ex-mari qu'elle ne veut plus jamais revoir. Elle a changé de serrure. Ansa et Liisa discutent devant l'hôpital. Cette dernière revoit Huotari, le roi du karaoké, qui s'est fait retendre le visage. Ansa est certaine que Holappa saura marcher tout seul, moins qu'il saura penser tout seul.  Ils marchent avec le chien,Chaplin, à leurs côtés.

Le finlandais Aki Kaurismaki développe le réalisme poétique dans ce nouveau portrait d'ouvriers après ce qui constituait sa "trilogie prolétarienne". Les symptômes d'un monde déréglé et dérégulé s'incarnent dans la poubelle du supermarché qu'alimente Ansa, sorte de Moloch auxquels appartiennent jusqu'aux rebuts d'un capitalisme sans humanité ; dans la dangerosité de la nuit (on s'y fait dévaliser ou être à la merci d'un train) ; dans la permanence des catastrophes et des guerres avec l’agression de la Russie en Ukraine ; les chansons tristes ou bien encore l'autodestruction par l'alcool. L'amour, qui pourrait sauver les personnages, apparaît comme un miracle acquis après un parcours toujours difficile et dont l'avenir est précaire. Plus certain comme force de résistance du prolétariat est une obstination à la distinction, avec des personnages qui, comme ceux de Chaplin, sont toujours bien habillés et ont l'ironie mordante au bout des lèvres. Ils la partagent avec le metteur en scène qui fait de chaque plan une splendeur d'harmonie colorée et de références discrètes aux cinéastes qu'il aime. Comme une résistance à la laideur d'un monde envahi par la surconsommation de quelques-uns.

La tétralogie prolétarienne

Entre 1986 et 1990, Kaurismaki s'était fait connaître avec sa trilogie prolétarienne : Ombres au paradis (1986), Ariel (1988) et La fille aux allumettes (1990). Cette thématique ouvrière est chronologiquement la troisième après celle, féconde, des road-movies musicaux déjantés qui donnera 6 films et autant de courts-métrages, son adaptation des classiques de la littérature (5 films) et avant sa saga des exclus (6 films). Son 21e long-métrage, après six ans d'absence (L'autre coté de l'espoir date de 2017) lui permet ainsi de réaliser une tétralogie prolétarienne en y condensant en 1h21 la splendeur de son cinéma.

Si Kaurismaki demeure le grand continuateur du réalisme poétique des années 30, c'est d'abord par le soin apporté à chaque plan, chaque cadrage, chaque lumière ou couleur. La nouvelle vague allait balayer ce cinéma pour l'ouvrir sur le monde contemporain, sur le fourmillement de la vie en décors naturels. Kaurismaki entend lui redonner vie en utilisant toutes les ressources de la litote pour crier sa colère d'une classe ouvrière condamnée à un avenir précaire.

Ce désespoir, ce sont toutes les forces qui risquent d'entraîner le monde ouvrier vers la déchéance. Après l’éboueur amoureux (Ombres au paradis), après le chômeur devenu voleur parce que la société l’a volé (Ariel), l’ouvrière qui devient tueuse parce que la société l’a tuée (La fille aux allumettes), voici les ouvriers condamnés à la solitude à moins qu'un miracle ne vienne les sauver.

La ligne de plus grande pente vers la solitude

Les symptômes du monde déréglé et dérégulé s'incarnent dans la poubelle, sorte de Moloch de la surconsommation à laquelle appartiennent les rebus d'un capitalisme sans humanité ; dans la dangerosité de la nuit (on s'y fait dévaliser ou être à la merci d'un train) ; dans la permanence des catastrophes et des guerres avec l’agression de la Russie en Ukraine, les chansons tristes ou bien encore l'autodestruction par l'alcool.

Le destin des ouvriers toujours menacés de finir dans une poubelle ou une décharge comme les rebuts de l'humanité qu'exècre le capitalisme est une constante chez Kaurismaki souvenir probable de Los Olvidados de Buñuel l'un de ses maitres revendiqués. Chez Buñuel, la pulsion d'appropriation s'incarne dans la saisie de la viande (fétiche de l'abondance) lors du cauchemar de Pedro qui finira jeté dans une décharge sauvage.

Le fétiche de la viande dans le rêve de Pedro La décharge symptôme d'un monde déréglé

On retrouve chez Kaurismaki cette fétichisation de la viande comme symbole capitaliste dès Crimes et châtiment (1983) et, ici, dans le premier plan du film :  la viande qui s'accumule en bout de tapis roulant.

Ouverture de Crime et Châtiment Ouverture des Feuilles mortes

Les poubelles, que l'on retrouve ici au supermarché ou dans l'usine d'Ansa, sont présentes dès Ombre au paradis (1986) avec le personnage de Nikander retrouvé inconscient après s'être fait tabasser derrière deux poubelles, et très symboliquement dans le dernier plan de Juha.

Nikander retrouvé inconscient Dernier plan de Juha.

C'est par la radio ou la télévision que Kaurismaki fait entrer les catastrophes du monde dans son cinéma. La fille aux allumettes était meurtrie par la répression sur la place Tian'anmen, l'explosion de gaz en URSS et ses 700 victimes, la mort de l'ayatollah Khomeiny en Iran. Dans Au loin s'en vont les nuages, Ilona est effondrée devant les nouvelles des Philippines et du Nigeria.

Ilona effondrée devant les nouvelles des Philippines et du Nigeria Ansa abasourdie par les crimes de la Russie

L'agression russe en Ukraine fait l'objet d'un traitement constant et répété dans Les feuilles mortes. C'est un déchirement pour Kaurismaki qui a toujours revendiqué son attachement à la culture russe avec Les aventures des Leningrad cowboys qui culmine avec l'ahurissant concert filmé à Helsinki devant 70 000 personnes du Total balalaika show. La guerre en Ukraine est dénoncée chaque fois qu’Ansa ou Holappa écoutent la radio, soit cinq fois au cours du récit. Ansa chez elle, le premier soir, écoute les nouvelles du bombardement de l’hôpital pour enfants de Marioupol assiégé. Le commentaire souligne un acte normal pour les Russes qui, en Syrie, ont bombardé les hôpitaux pour détruire l'infrastructure sanitaire. Le vendredi soir, dans le baraquement de chantier, la radio informe qu'en Ukraine les attaques contre les civils continuent, un missile russe a touché un centre commercial à Krementchouk au centre du pays où se trouvaient des milliers de personnes, faisant 18 morts et des dizaines de blessés. Ansa, une fois licenciée, reçoit des factures mais, avant d'éteindre tous ses appareils éclectiques, elle entend que 80 missiles ont frappé l’Ukraine dans la nuit ce qui porte à 150 ceux tombés durant la semaine, forçant le départ de la croix rouge. La quatrième occurrence est celle au lendemain de leur soirée au cinéma. On y apprend que des tirs de roquettes ont eu lieu sur la banlieue de Kiev et le bombardement de la gare de Tchaplyne dans le centre de l'Ukraine qui a fait plus de 20 morts et 50 blessés, le jour de l'indépendance, le 24 août 2022. Lors du repas Ansa met la radio qui parle des victimes du théâtre de Marioupol, plus de 1200 personnes s'y étaient réfugiées. Elle déclare "maudite guerre".

Les chansons s'accordent avec les sentiments des personnages et participent de la mélancolie qui les étreint. "Sous le sorbier d’automne" évoque la terre froide et ses habitants qui comme des grues qui n’ont pas d’ailes ne peuvent aller ailleurs. Alors qu’un chanteur reprend Sérénade, un lied de Schubert, Ansa et Holappa échangent leurs premiers regards timides. La symphonie n°6 de Tchaïkovski, rengaine mélancolique que l'on trouve dans presque tous les films de Kaurismaki revient trois fois : lorsque le tram s'éloigne avec Ansa, lorsque le papier avec son numéro s'envole, et lors du plan du bel automne. Lorsque Ansa attend l'appel d'Holappa, elle écoute les mêmes infos que lui mais change de station pour de la musique (tu n’oses pas m’aimer pourquoi ne réponds tu pas ?). Quand Holappa a perdu l'adresse et fait les bars (Sous la pluie du matin, j’avance avec quelques pièces dans la main avec une douleur dans mon cœur, je me demande pourquoi je me suis enfui et j’ai choisi l’alcool et la drogue). Quand, après le repas Holappa boit dans les bars, résonne « ton amour est si froid, froid comme l’hiver et la glace.". Ansa adopte un chien comme une chance de survie : "le café moisi dans la cafetière et la vaisselle sale au sol. Je ne sais pas si j’arriverai jusqu’à ma tombe, je suis prisonnière ici à jamais, même le cimetière a des clôtures".

La nuit est terrible :Holappa se fait dépouiller de son portefeuille (vide) quand il attend, saoul, l'arrivée du tram. Surtout il se fait percuter par un train quand il part rejoindre Ansa une fois redevenu sobre. Ce dernier élément grossit à l'extrême celui de Elle et Lui, où Johanne Fontaine était fauchée par une voiture en bas de l'empire state building où Cary Grant l'attendait, accident également filmé hors champs avec le cri effrayé d'un témoin.

L'alcool enfin est un comportement masculin de nouveau dénoncé par Kaurismaki ; plus nettement ici comme une addiction dont Hoppala sera miraculeusement sauvé par son espoir d'un amour possible avec Ansa.

Hoppala avant d'aller au karaoké Un insert sur sa personnalité sur le point de se briser

La beauté vaincra peut-être

Une solitude distinguée, à la manière de Chaplin, habite les personnages de Kaurismaki, toujours bien habillés et l'ironie mordante au bout des lèvres. Ils la partagent avec un ou une collègue, tant la solidarité leur est naturelle. Pour résister aux forces puissantes qui menacent le prolétariat restent, demeurent l'amitié indissociable et l'humour. Le cinéma surtout contrebalance la noirceur du propos par la rigueur formelle ;  le réalisateur se mettant à l'unisson de ses personnages pour revendiquer le goût de la beauté, des lumières et des éclairages.

L'humour à la manière de Kaurismaki est omniprésent avec la figure de britannique "L'understatement" qui minimise, atténue ou déguise la réalité d'une situation pour créer un effet ironique ou humoristique. Ses acteurs récurrents Matti Pellonpää et Kati Outinen en avaient été les grands représentants. Ici Jussi Vatanen et Alma Pöysti, acteurs inconnus jusque là, en reprennent les codes et les attitudes.

Matti Pellonpää (Nikander), Kati Outinen (Ilona)
 
Jussi Vatanen (Holappa), Alma Pöysti (Ansa)

L'utilisation de l'understatement permet souvent de révéler la véritable gravité d'un événement ou d'une émotion sans en faire trop (On reprend un deuxième verre, alors que c'est le sixième), tout en invitant le lecteur ou l'interlocuteur à comprendre le message sous-jacent. Ainsi "Regarde mes chaussures; c'est la troisième paire" quand Hoppala veut dire à Ansa qu'il l'a attendu longtemps ; ou bien encore lorsque Ansa a déclaré être la sœur de Hoppala sans en connaître le prénom, elle minore sa parenté pour "être sa sœur... dans la foi". L'understatement peut également servir à exprimer poliment une critique ou une désapprobation (Lorsque Holappa signale au patron que le compresseur est défectueux et que celui-ci ironise sur sa volonté d'avoir aussi une voiture de fonction, il réplique que cela attendra; il n'a pas encore le permis; ou lorsqu'il Il se désigne comme alcoolique; Ansa lui rétorque que c'est un poivrot). L'understatement est une manière délicate et subtile de communiquer des idées fortes ou des sentiments intenses, en jouant sur l'implicite et la retenue ("Un tel franc-parler est rare" quand Huatori remercie Ansa de se souvenir en bien de sa chanson au Karaoké).

Les personnages parlant peu, ils communiquent par l'ironie et le mot d'esprit qui instaure une complicité franche, parfois brutale mais sans agressivité. Ainsi "chacun à ses vices, toi c’est d’être trop bavard" puis "dispute" entre voix de basse, de soprano ou de ténor pour Huotari; ou bien encore la réplique face à la remarque de Liisa. "-Les hommes sont tous des porcs", "-ce n’est pas vrai : les porcs sont futés et sympathiques". Humour par hyperbole, mais sans effet appuyé, avec une lecture de magazine voulue réconfortante mais qui ne parle que de crime et de corps découpé. Ansa préfère une autre hyperbole mensongère: " La Finlande a atteint la finale de la coupe du monde (au Qatar) face au Brésil".

Le cinéma est particulièrement présent dans le film et les affiches du cinéma sont l'occasion pour Kaurismaki de rendre hommage aux cinéastes qu'il admire et qui l'ont influencé. L'affiche du film de David Lean est probablement un gag en rapport avec ce qui n'aurait pu être qu'une brève rencontre. Celle du Mépris vaut peut-être par ses couleurs rouge et jaune et Pierrot le fou . Mais Godard est un des cinéastes fétiches de Kaurismaki qui ironise sur le danger de ramener tout film à ce que l'on préfère comme l'expriment les deux spectateurs qui sortent de la projection du film de Jarmusch, ami personnel de Kaurismaki : l’un trouve que le film ressemble à à Bande à part et l'autre à Journal d’un curé de campagne. Bresson est l'autre grande référence de Kaurismaki avec l'omniprésence de l'affiche de L'argent. Les plans sur les huit euros donnés pour internet où les jeunes gens qui dévalisent Hoppala pourraient aussi évoquer ce film. Sont aussi évoqués au travers des affiches Le cercle rouge, Fat city (John Huston, 1972), Pierrot le fou, Rocco et ses frères et bien sûr Chaplin, le chien.

Les cadres millimétrés rappellent le cinéma de studio avec des couleurs soigneusement choisies, privilégiant deux oppositions entre couleurs chaudes et froides : le rouge et le vert d'une part et, d'autre part, le jaune et le bleu. Kaurismaki réunit souvent ces quatre couleurs dans le plan, des plans raréfiés ou chaque portion se remarque comme chez Bresson et Jacques Tati. Si le réalisme poétique de la fin des années 30 en France était marqué par une attention aux éclairages c'est ainsi par la couleur que Kaurismaki le renouvelle.

Un réalisme poétisé par la couleur (voir: photogrammes) Vert(avec la corde du chien !) , jaune bleu et rouge, partout !

Jean-Luc Lacuve, le 29 septembre 2023, après le ciné-club au café des images