L'heure suprême

1927

Genre : Mélodrame

(Seventh Heaven). Avec : Janet Gaynor (Diane), Charles Farrell (Chico), Ben Bard (Col. Brissac), Albert Gran (Boul), David Butler (Gobin), Marie Mosquini (Madame Gobin), Gladys Brockwell (Nana). Jessie Haslett (Tante Valentine), Brandon Hurst (Oncle George). 1h50.

Chico nettoie les égouts de Paris. Les sœurs Vulmir vivent à Montmartre dans des conditions sordides : Nana, l'aînée, alcoolique, fouette sa sœur Diane et l'oblige à vendre des bijoux volés pour s'acheter à boire. Le père vient annoncer à Nana que leurs Oncle George et Tante Valentine arrivent des Etats-Unis avec l'intention de prendre en charge le destin de leurs nièces orphelines. Le lendemain L'oncle et la tante viennent accompagnés de leur ami le colonel Brissac. Comme ils s'enquièrent de leur moralité, Diane avoue la vérité ; ils rebroussent chemin, scandalisés.

Nana, furieuse, le fouet à la main, pourchasse Diane à travers les rues et tente de l'étrangler sous les yeux de papa Boule impuissant. Chico, l'égoutier, intervient in extremis et maîtrise Nana, qui s'enfuit. Chico qui déclare ne plus croire en Dieu depuis qu'il lui a été refusé de devenir laveur des rues et d'obtenir une jolie blonde à la maison alors qu'il avait dépensé dix francs de cierge. Il reçoit un emploi de laveur des rues de la part du père. Comme il s'en réjouit avec Gobin, son futur collègue, Diane tente de se suicider avec un couteau, mais Chico lui sauve la vie une nouvelle fois.

Alors que Nana dénonce sa sœur à la police, Chico prend Diane sous sa protection en affirmant qu'elle est sa femme. Chico se désespère car la police a affirmé vouloir contrôler ses dires. En cas de mensonge avéré, il perdra son travail. Diane lui propose de s'installer chez lui. Commence alors une autre vie dans la mansarde sous les toits, havre de paix et paradis loin du cauchemar. "Chico, Diane, Paradis". Chico demande à Diane de l'épouser : elle accepte avec empressement.

Mais c'est la mobilisation d'août 1914. Les deux fiancés prononcent symboliquement les paroles rituelles du mariage sous le ciel de Paris. Ils se promettent de se rejoindre en pensée chaque jour à onze heures précises. Alors que Chico s'en va, Nana, menaçante, vient voir Diane. Mais cette fois, c'est celle-ci qui la fouette et la jette dehors. Chico et ses compagnons Rat et Gobin échappent au carnage de la bataille de la Marne, où "Eloïse", le taxi de Papa Boule, est pulvérisé par une bombe.

Les années passent et la guerre continue. Diane, qui travaille dans une usine de munitions, repousse les avances du colonel Brissac. Au cours d'une bataille nocturne, Chico est rendu aveugle par un éclat d'obus. Avant de se faire tuer, Rat parvient à le ramener dans les lignes françaises, où l'accueille le père Chevillon. Chico lui remet son médaillon et lui fait promettre de le rendre à Diane en lui annonçant sa mort. Mais Diane refuse de le croire. Le jour de l'Armistice, alors que sonnent onze heures, Chico réapparaît comme par miracle. Les époux sont de nouveau réunis. Désormais, Diane sera les yeux de Chico.

Le film muet le plus célèbre et le plus typique de Borzage. Tous les éléments de son style et de son univers sont ici rassemblés dans une cohérence parfaite. Les décors, les atmosphères, fortement contrastés (égout et mansarde, intimité du foyer et horreur des tranchées), transcendent leur pittoresque originel, tout comme le lyrisme du regard de Borzage transcende les conventions du mélodrame populaire pour installer les personnages dans l'éternité quasi mystique de leur amour, lui-même plus fort que les vicissitudes et les obstacles du monde.

Le film est adapté d'une pièce à succès de Austin Strong qui joue à guichet fermé pendant trois ans à Brodway. Toutes les actrices veulent le rôle et notamment Mary Pickford, Bessie Love, Dolores Costello et Joan Crawford. Mais Borzage a déjà choisi Janet Gaynor, qui a tout juste vingt ans, une femme enfant ingénue qu'il a déjà repéré sur un plateau.

John Gilbert est pressenti pour le rôle masculin mais Borzage impose aussi Charles Farrell, colosse d'une candeur à la limite de la naïveté. Le couple Janet Gaynor Charles Farrell tournera douze films ensemble.

William Fox engage tous ses réalisateurs à venir sur le plateau de L'Aurore voir les innovations en provenance de Berlin. Borzage doit attendre la fin du tournage de 'Aurore pour entreprendre L'heure suprême. Il part vivre deux mois à Paris où est censé se dérouler l'action avec son frère, Lou Borzage, qui restera toujours son assistant, le chef opérateur Ernest Palmer et Harry Oliver le décorateur. Ils ne tournent pas mais ramènent dessins, photos et même le taxi du film.

L'influence de Murnau se remarque dans la stylisation de l'image qui s'éloigne du réalisme. Les mouvements d'appareil accentuent l'expressivité de l'image.

C'est histoire d'une ascension, d'un éboueur qui travaille dans les égouts de Montmartre et rêve de nettoyer les rues, de passer de l'eau souillée à l'eau qui purifie. Il habite près des étoiles en vivant au septième étage d'un immeuble de Montmartre

Les stéréotypes victoriens vont devenir des archétypes universels. Mariage sous le firmament, communication transfigurée par la passion amoureuse. André Breton insiste pour que tous ses amis voient le film dans lequel il reconnaît les prémisses de l'amour fou.

C'est John Ford qui tourne les scènes de bataille. Borzage déteste les armes et la guerre. En 1932, dans L'adieu aux armes ce sera Jean Negulesco qui les tournera. le film sera diffusé dans le monde en entier et notamment en Asie où il donnera lieu à quatre remakes en Chine et deux à Hong kong. Dans Jour de jeunesse de Kurosawa, on voit un poster de l'heure suprême. Henry King réalise en remake en 1932 mais le son n'apporte rien et le film semble aussi vieux que la pièce de théâtre.

Test du DVD

Editeur : Carlotta-Films, novembre 2010. 3DVD, 4 films. Nouveaux masters restaurés aux formats d'origine de 1.20 à 1.30, cartons en version originale, sous-titres français. 50 €.

DVD1 : L'heure suprême. DVD2 : L'ange de la rue. DVD3 : Lucky Star, La femme au corbeau. Suppléments : Entretiens avec Hervé Dumont (0h20, 0h12, 0h12), une analyse de Michael Henry Wilson(0h15). Un entretien audio avec Frank Borzage de 1958 (0h21). Trois courts métrages de Frank Borzage pour Screen directors playhouse de 1955-56 : Day is done, A ticket for Thaddeus, The day I met Caruso.