Dans les années 1880-1885, Suzanne Valadon pose comme modèle, sous le sobriquet de « Maria la terrible », pour Puvis de Chavannes, Renoir, Toulouse-Lautrec et, à leur contact, apprend la peinture. Toulouse-Lautrec la pousse à montrer son travail à Degas qui l’encourage à poursuivre et lui enseigne la gravure.
En 1909, déjà âgée d’une quarantaine d’années, elle rencontre par l’intermédiaire de son fils, Maurice Utrillo, le jeune peintre André Utter – il a vingt-quatre ans – dont elle s’éprend. Les années qui suivent marquent alors un tournant important dans la carrière de Valadon ; elle abandonne le dessin pour se consacrer à la peinture.
Le thème biblique de Adam et Ève cache un autoportrait de l’artiste avec son amant, sous la forme d’un hymne à l’amour et à la liberté des corps. Les figures se détachent d’un décor archaïque, orné du pommier symbolique traditionnel, comme flottant, dansant dans le paradis. Des feuilles de vigne cachent le sexe de Utter, alors qu’Ève s’apprête à croquer la pomme. Une photographie du premier état de la peinture nous révèle que la ceinture de feuilles de vigne est un repeint, ajouté plus tard, sans doute à la demande des organisateurs du Salon d’automne de 1920, où le tableau a été révélé. Cet acte de censure pudibond trahit la difficulté affrontée par les femmes artistes de présenter, à l’époque, des corps d’hommes entièrement nus et confirme le rôle pionnier joué par Suzanne Valadon dans la rupture avec les conventions.