Entre 1867 et 1869, Edouard Manet réalise une série de cinq compositions (présentées ensemble pour la première fois au MOMA entre novembre 2006 et janvier 2007) dépeignant l'exécution de l'empereur Maximilien du Mexique.
Maximilien, membre de la famille des Habsbourg d'Autriche, avait été installé au pouvoir au Mexique par Napoléon III dans une tentative pour recouvrer les dettes impayées et établir une présence européenne. Cette tentative échoue lamentablement, se terminant avec l'exécution de Maximilien et deux de ses généraux par un peloton d'exécution le 19 Juin 1867. L'ordre d'exécution est donné par Benito Juárez, qui avait été destitué de sa présidence lorsque les Français avaient pris le contrôle du Mexique.
1- Genèse
La nouvelles des exécutions arrive à Paris le 1et juillet et Manet, républicain fervent fortement opposé à la politique de Napoléon se met au travail presque immédiatement. Il décide d'immortaliser cet événement avec une échelle traditionnellement réservée pour des scènes de l'histoire ou de la Bible. Il peint immédiatement une première version du tableau, conforme à l'idée qu'il se fait de la scène, dans laquelle les soldats sont vêtus de costumes et de sombreros mexicains.
Cette vision "folklorique" évolue bientôt, tandis que parviennent à Paris de plus amples informations sur l'événement. L'article du journaliste Wolff notamment, paru dans Le Figaro du 11 août et commentant des photographies qui lui ont été communiquées, sert de base documentaire à l'artiste. Dans la seconde version de l'oeuvre (découpée et dont les fragments se trouvent aujourd'hui à Londres), les uniformes se font plus réglementaires jusqu'à évoquer ceux de l'armée française, allusion directe au rôle de Napoléon III
Entre deux états de son travail, Manet réalise une lithographie. Mais en janvier 1869, ladministration refusa le tirage de la pierre et fit également savoir que le tableau serait exclu du Salon. Manet, soutenu par Zola "(Vous comprenez l'effroi et le courroux de messieurs les censeurs. Eh quoi ! un artiste osait leur mettre sous les yeux une ironie si cruelle, la France fusillant Maximilien ! "), protesta mais en vain contre cette décision. Il refusa deffacer la pierre, comme le lui demandait limprimeur, la reprit et la conserva dans son atelier. Après sa mort, Lemercier la récupéra ainsi que dautres pierres inédites, dont il réalisa des tirages en 1884. Doucet acheta lune des épreuves dessai du 1er état de la lithographie il y en avait quatre, dont trois avaient été récupérées par Manet en 1869.
L'étude à l'huile qui suit est moins documentaire. Manet supprime l'exécution dans une cour carrée.
La dernière version, achevée en 1869, porte la date d'exécution de Maximilien :
La teneur politique de ces travaux, a interdit à Manet de les exposer dans le Paris de Napoléon III. Seul le dernier tableau, sera exposé du vivant de l'artiste, grâce à un ami disposé à populariser le tableau, à New York puis à Boston en 1879. Un tract a été fait pour annoncer cette exposition.
Le tableau attire toutefois peu l'attention et reste largement inconnu jusqu'au début du XXe siècle. Il est acheté en 1909 pour le Musée de Mannheim, Empire allemand, dans un contexte politique très hostile à la France.
2-Analyse
Maximilien est exécuté en compagnie de deux fidèles : le général Tomás Mejía (représenté avec une peau brune) et l'ancien président et général d'infanterie Miguel Miramón.
Quand il est abandonné par Napoléon III qui rappelle ses troupes en 1867, Maximilien refuse de partir avec le corps expéditionnaire français : "un Habsbourg ne désertera point le poste que la Providence lui a confié". Il est pris par l'armée républicaine dans la ville de Querétaro après un siège de 72 jours. Dans le cloître où il est retenu, son adjudant trouve la couronne d'épine d'une statue du Christ. Maximilien lui déclare : « Laissez-la moi, elle me va bien ». À l'image du Christ, il déclare se sentir « trahi, trompé et volé... et enfin j'ai été trahi pour onze réaux... ». Dans le tableau de Manet, le sombrero trace autour de son visage une large auréole claire.
Seul le peuple mexicain, placé au second plan sur le muret, exprime par ses réactions toute l'horreur de cette scène d'exécution. L'impassibilité dénuée d'émotion des soldats culmine dans la figure de droite tournée vers le spectateur. Une main disproportionnée sur la gâchette de son fusil - la main du bourreau ? -, il est celui chargé de donner le coup de grâce. Les journaux de l'époque ont bien confirmé le fait : un soldat à l'écart acheva à bout portant Maximilien. Il s'agit d'une représentation imaginaire, Maximilien n'était pas au centre, il était tête nue.
Manet avait un jour affirmé : « Il est une chose que j'ai toujours eu l'ambition de peindre. Je voudrais peindre un Christ en croix... Quel symbole ! L'image de la douleur ». On trouve dans ce tableau une autre évocation de ce thème chrétien : la main gauche de Maximilien et celle de Miramon présentent des taches de sang alors que la salve part à peine. Ce détail non réaliste doit rappeler les stigmates du Christ.
Dans sa première version, Manet se fait l'écho de l'opinion publique qui s'indigne du refus des républicains de gracier l'empereur. Mais durant le mois de juillet 1867, la presse retourne ses accusations vers Napoléon III, à qui elle reproche d'avoir abandonné Maximilien. Dans les deux versions suivantes, Manet change les uniformes des soldats, et donne au sergent en képi rouge les traits de Napoléon III.
Il veut ainsi signifier au public que c'est véritablement la France qui assassine Maximilien. Le peuple mexicain est représenté au fond du tableau, en simple spectateur.
Le résultat est très largement inspiré du Le 3 mai de Francisco Goya. Comme lui, il dénonce une scène de guerre. Comme lui, il met en scène des soldats en uniforme français. Les spectateurs aux figures torturées en arrière plan qui représentent le peuple mexicain, de même que le général Mejía sont traités dans un style très proche de celui de Goya. La composition semble calquée sur le Le 3 mai, mais l'ensemble est cependant traité dune manière radicalement différente. L'Exécution de Maximilien semble en effet dénuée de toute émotion violente : les soldats abattent tranquillement Maximilien tandis que lun deux est occupé à recharger son fusil et que les badauds se pressent au-dessus du mur.
Manet a volontairement renoncé aux éléments dramatiques relatés par la presse de l'époque : les cercueils qui attendent, le prêtre, les fidèles en larmes et les bandeaux sur les yeux des généraux.
Bibliographie :