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Piste cavalière

1939

Bridle path
Edward Hopper, 1939
Huile sur toile 72,1 x 107
Washington, Collection particulière

Cette piste cavalière est située dans Central Park, à hauteur de la 72ème rue, et passe non pas dans le tunnel sombre représenté par Hopper, mais sous un petit pont mégalithique en schiste de Manhattan, construit sans aucun ciment .

L’immeuble à l’arrière, avec ses allures de château-fort, est le célèbre Dakota, devant lequel fut assassiné John Lennon.

Ce tableau pourrait être travaillé par l’angoisse du conflit mondial. Tandis que Roosevelt multipliait les programmes d’aide à l’Angleterre, une grande partie des Américains – dont Hopper, demandaient à brider ces initiatives pour éviter d’être entraînés dans le nouveau conflit européen. Ce tableau représenterait la résistance à entrer en guerre, symbolisée par les chevaux qui rechignent à s’engouffrer dans le tunnel sombre.

En anglais, bridle (la bride) et bridal (nuptial) se prononcent de la même façon. Bridal Path peut ainsi se traduire par « chemin nuptial » ou "passage de la mariée " Et, si Hopper a élaboré son jeu de mots sur l’homophonie des deux termes, le motif sous-jacent obtenu par le redoublement du premier serait la « bride de la mariée » ou, mieux encore, la "bride nuptiale" .C'est en effet ce à quoi peuvent faire penser le trio de personnages

La cavalière de gauche, blonde, monte un cheval roux (alezan) ; la cavalière du centre, rousse, monte un cheval blond (champagne, ou palomino) ; le cavalier de droite, chapeauté, monte un cheval gris (flancs blancs, marques noires aux pattes). Hopper a pris soin de varier les robes des chevaux de manière à illustrer les trois types les plus courants (sauf le cheval noir) : on sait par le journal de Jo qu’il s’est inspiré d’un livre d’anatomie chevaline. Deux femmes-chevaux Les deux femmes, la blonde et la rousse, illustrent les deux types hoppériens les plus courants. Et les chevaux qu’elles montent ont des robes de couleur inversée. Supposons que chaque cavalière représente un type complet de femme, la partie humaine faisant référence à la tête, et la partie équine au corps, ou plus précisément à l’attitude vis-à-vis de la sexualité : alors la cavalière de gauche est une cérébrale montée sur un corps de feu, tandis que celle du centre a la tête chaude, mais le corps froid. Celle-ci designerait alors sa femme Jo, tandis que la blonde émarge au registre du fantasme. Hopper tenait beaucoup à son couvre-chef et l'homme à cheval pourrait ainsi être un autoportrait. L’amazone rousse expulse latéralement l'homme pour le séparer de son fantasme et le stopper à l’entrée du tunnel. C'est sans doute heureux : au galop dans le tunnel bas de plafond, peut-être un cavalier unique, en se tenant bien au centre, peut-il passer en galopant ; mais certainement pas trois de front.

Les arbres de Central Park redoublent ce motif. Comme à son habitude, Hopper a multiplié les croquis préparatoires, se rendant plusieurs fois sur le motif.

On voit que, dans la réalité, de nombreux arbres se trouvaient sur le côté gauche au-dessus des rochers : fidèle à son procédé de simplification, Hopper les a impitoyablement élagués, sans doute pour rendre plus lisible la façade du Dakota. L’arbre planté au milieu de la voûte illustre ce cavalier téméraire capable de traverser à toute vitesse : autrement-dit l’écuyère blonde. Les deux arbres plantés sur le bord, aux troncs entremêlés en X, expliquent précisément le nœud conjugal qui empêche de sengoufer imprudemment dans le tunnel au fantasme. 

Source : L'artiste se cache dans l'oeuvre.

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