(1697 - 1764)
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Rococo |
La carrière d'un roué | 1735 | |
Le peintre et son dogue | 1745 | Londres, The Tate Britain |
William Hogarth nait à Londres le 10 novembre 1697. Son père, originaire du Westmorland, fait modestement vivre sa famille de son métier de maître d'école, puis de correcteur d'épreuves d'imprimerie. À seize ans, l'adolescent entre comme apprenti dans l'atelier d'un graveur sur argent, Ellis Gamble, où il cisèle des emblèmes sur des pièces d'orfèvrerie.
En 1725, il réalise dix-sept gravures pour Hudibras, de Samuel Butler,
qui lui fournit également le sujet de douze estampes publiées
séparément. Parallèlement, le jeune homme entre cette
même année dans l'académie de dessin fondée trois
ans auparavant par sir James Thornhill.
De fait, depuis déjà une année, le jeune homme, qui continue de graver, s'affirme aussi comme peintre. Comme ses gravures, certaines de ses premières toiles témoignent de ses qualités de satiriste. D'autres manifestent une sensibilité particulière à la puissance d'expression du théâtre qui ne le quittera jamais. Ainsi illustre-t-il The Beggar's Opera (L'Opéra des gueux), 1728) de John Gay et Scene from The Tempest (Une scène de " La Tempête ") de Shakespeare v. 1736-1738. "Ma peinture est ma scène, écrira Hogarth, et mes personnages sont des acteurs qui y donnent une pantomime silencieuse. "
C'est d'ailleurs dans la représentation de gens simples ou de représentants
de la classe montante bourgeoise qu'il parvient à la plus grande expressivité.
Mais Hogarth atteint à sa plus grande virtuosité dans les sujets
contemporains et moraux qu'il appelait ses " pièces morales ".
Sous la forme satirique que connaît alors la littérature anglaise
avec Jonathan Swift, le peintre fustige les murs de la société
britannique. Il s'intéresse aux réformes sociales, il est l'ami
d'écrivains comme Tobias Smollett et Henry Fielding, dont il partage
le mépris pour la corruption politique. Aussi, malgré le succès
de ses portraits, Hogarth, comme il l'écrira dans ses Notes autobiographiques
(autobiographical notes, tourne ses pensées "vers un genre encore
plus original : la peinture et la gravure de sujets moraux modernes, un champ
qui [n'a] encore été exploité à aucune époque
et dans aucun pays ".
Ayant peint une toile représentant le lever d'une prostituée, Hogarth la montre à ses amis, qui l'en félicitent. Peut-être inspiré par un roman contemporain de Daniel Defoe, il décide alors de lui donner un pendant, et enfin de l'intégrer dans un ensemble de six tableaux qui content l'histoire malheureuse, mais au dénouement édifiant, d'une fille de la campagne : La carrière d'une prostituée( A Harlot's Progress) sera achevée à la fin de 1731. Sir James Thornhill, admirant cette première série de tableaux, aurait déclaré, selon Hogarth lui-même : " L'homme capable de peindre des compositions comme celle-ci peut entretenir une femme ", ajoutant toutefois, " sans dot " et Hogarth devint effectivement son gendre.
Ce succès encourage l'artiste à mettre en chantier dès la fin 1733 une nouvelle série, La carrière d'un roué (A Rake's Progress), achevée en 1735 qui narre les désordres auxquels peuvent conduire l'alcool et les femmes.
En 1735, l'artiste est l'un des signataires d'une pétition qui aboutira au vote par le Parlement de la "Loi Hogarth", qui interdit de tirer des estampes d'une uvre d'art sans le consentement de l'auteur. Le souci de toucher le plus de monde possible, et dans toutes les couches de la société, pousse également le graveur à varier le style de ses estampes. Ainsi, Hogarth n'hésite pas à faire réaliser "par les plus grands maîtres de Paris", comme il l'annonce les six gravures sur cuivre du Mariage à la mode (v. 1743-1745), description satirique mais raffinée d'" une aventure moderne dans la plus haute société. " En revanche, il se rapproche de l'estampe populaire pour opposer les effets bienfaisants de la bière aux désastres provoqués par le gin (Beer Street and Gin Lane - La Rue de la Bière et la Ruelle du Gin, 1751) ou pour " écrire "les douze chapitres truculents d'une fable où s'opposent les carrières de deux apprentis (Industry and Idleness - Le Zèle et la Paresse, 1747). Les vertus de l'un l'amènent à devenir lord-maire de Londres, les vices de l'autre sont sanctionnés par l'échafaud.
Si Hogarth réussit pleinement comme "peintre d'histoire comique" ainsi que l'appelle Fielding, il s'essaye également à la grande peinture d'histoire et à la peinture religieuse : il réalise notamment en 1735-1736 Le Bon Samaritain et La Piscine de Béthesda pour l'escalier d'honneur du St. Bartholomew's Hospital et, en 1756, un grand triptyque pour St. Mary Redcliffe, à Bristol. Mais dans la protestante Angleterre, la peinture religieuse est peu prisée.
Dans son Analysis of Beauty (Analyse de la beauté, 1753), Hogarth affirme que le principe de la beauté réside dans la ligne ondulée ou serpentine baptisée par lui du nom de ligne de beauté. Dans la préface, Hogarth fait part des grandes motivations qui animent son projet : en bonne logique des Lumières, il s'agit, dans ce domaine comme dans tant d'autres, de sortir le discours sur la beauté et sur la grâce des brumes élitistes (le je-ne-sais-quoi, le " mystère de la création ") et des hiérarchies académiques (seule la copie des modèles anciens permet d'atteindre le beau idéal). Le traité est ensuite divisé en 17 chapitres : 6 consacrés aux grands principes de la composition picturale, 5 à une théorie des lignes, 3 à l'éclairage et la couleur, et 3 au visage, à l'attitude et enfin à l'action.
Sa mort, le 26 octobre 1764, allait priver l'Angleterre d'un artiste éminemment original dont le réalisme et la puissance dramatiques sont restés inégalés. Il est enterré dans l'église de Chiswick. Hogarth faisait partie de l'avant-garde culturelle de Londres, et passait beaucoup de temps avec des dramaturges, des acteurs et des artistes. Premier peintre anglais à donner à son pays une identité picturale distincte de celle du continent, Hogarth est une figure majeure de l'Europe artistique du XVIIIe siècle. Par son uvre de théoricien, Hogarth ouvre la voie à une reconnaissance des genres mineurs que sont le portrait, le paysage et la gravure, qui joueront un rôle essentiel dans l'émergence d'une école anglaise, de Joshua Reynolds et Thomas Gainsborough, jusqu'à Joseph Mallord William Turner et John Constable, en passant par Thomas Rowlandson, William Blake et James Gillray.