| La série La Carrière d'un Roué 
          (The Rake’s progress), entamée en 1731 et achevée en 1733, 
          paraît en juin 1735 : Hogarth en retarda la diffusion jusqu'à 
          ce qu'une loi sur la propriété artistique eût été 
          votée par le Parlement Cette loi, connue Sous le nom de "loi 
          Hogarth" instituait un copyright et donnait aux artistes un moyen 
          de protection légale contre le piratage. La Carrière d'un Roué raconte en huit 
          planches les aventures de Tom Rakewell, depuis le moment où il 
          hérite d'un riche marchand avare jusqu'à sa fin dans une 
          maison de fous. Les descriptions des scènes de La Carrière 
          du Roué sont empruntées à la monographie de Burke 
          et Caldwell consacrée à l'oeuvre gravé de Hogarth 
          (Paris, 1988). Igor Strawinsky s'est inspiré de la série 
          de Hogarth pour son opéra The Rake's Progress (1951) et Mark 
          Robson pour Bedlam. 
           
            | I. Le jeune héritier prend 
              possession des biens de l'avare |   
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 (Burin, 31,5 x 38,5 cm) | Un tailleur prend les mesures de Tom Rakewell, 
                qui se fait faire des vêtements de deuil : il vient d'hériter 
                d'un riche marchand. Mrs Young et Sarah, sa fille, font irruption. 
                Tom Rakewell a séduit la jeune fille, elle est enceinte 
                et il lui avait promis le mariage. Il lui offre maintenant de 
                l'argent pour se débarrasser d'elle. De nombreux détails traduisent I'avarice 
                du défunt. Un ouvrier en train de tapisser la pièce 
                d'un drap mortuaire, découvre un magot caché. Sur 
                la tablette de la cheminée, on distingue un "économiseur" 
                de chandelle. Le placard contient une collection de vieilles perruques 
                et de vieilles chaussures, etc. Un coffre est plein d'argenterie 
                et de sacs d'argent, et sur un journal particulier on peut lire 
                : "Fait passer mon shilling faux". L'intendant, ou notaire, 
                remarque que l'héritier n'a pas compté la poignée 
                de guinées qu'il a prises dans le sac, et il dérobe 
                d'autres pièces derrière son dos. |   
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            | II. Le Lever du Roué (entouré 
              d'artistes et de professeurs) |   
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 (Burin, 31,1 x 38,3 cm) | Le lever du roué se fait en 
              présence d'une assemblée de flatteurs : maître 
              de danse français avec son violon, un architecte paysagiste 
              , James Fogg, le boxeur avec ses bâtons d'escrime, et le maître 
              d'armes français Dubois, tué en duel le 10 mai 1734; 
              de l'autre côté un jockey à genoux avec un trophée 
              signé à Epsom par le cheval "Silly Tom", 
              et un personnage qui essaye un cor de chasse. Le musicien au clavecin 
              à gauche est Nicolas Porpora, qui dirigeait le Théâtre 
              du roi à Haymarket et était l'ennemi du favori de 
              Hogarth, Haendel. Le rouleau de papier est une liste de cadeaux 
              ridicules mais coûteux, que la noblesse anglaise aurait offert 
              à Farinelli, le fameux castrat italien lancé par Porpora; 
              dans le fond le petit poète rabougri, en train de lire une 
              "Epitre à Rake..,", est une allusion à la 
              pratique courante de Pope de dédier des épîtres 
              à des protecteurs aristocratiques. |   
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            | III. L'Orgie |   
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 (Burin, 31,2 x 36,5 cm) | Le Roué et ses compagnons sont à 
                la Taverne de la Rose à Drury Lane : le Roué vient 
                de s'emparer de la lanterne et du bâton d'un veilleur de 
                nuit. Il est complètement saoul et ne s'aperçoit 
                pas qu'on lui vole sa montre. Au premier plan, une femme se déshabille 
                et se prépare à s'exhiber sur le plateau qu'apporte 
                un garçon. Une fille ivre, montée sur une chaise, 
                essaie de mettre le feu à une carte du monde avec une chandelle. 
                Les tableaux au mur sont les portraits des empereurs romains par 
                Titien, mais les têtes ont été découpées, 
                à l'exception de celle de Néron, le plus dépravé 
                de tous. Le Roué en est au même degré de dégénérescence 
                que Néron, et son univers, ou son empire ne vont pas tarder 
                à s'effondrer autour de lui. |   
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            | IV. Arrêté pour dettes |   
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 (Burin, 31,7 x 38,7 cm) | Le Roué se rend au palais de Saint-James, 
                au lever du roi, ce qui constitue le couronnement de son ascension 
                sociale. Il est cependant méfiant : ses créanciers 
                le poursuivent et le Roué préfère se déplacer 
                en chaise à porteurs fermée. Il est pourtant découvert 
                et arrêté. Sa fidèle maîtresse, Sarah 
                Young, devenue couturière, se trouve fort à propos 
                sur les lieux pour offrir ses économies. Un allumeur de 
                lanterne est si distrait par cette arrestation qu'il renverse 
                l'huile destinée à la lanterne. Hogarth porte une attaque contre le jeu. Un coup 
                de foudre va frapper White's Club, club et maison de jeu de l'aristocratie. 
                A droite, sur un poteau, l'inscription Black, et devant le poteau 
                un groupe de gamins des rues, dont certains sont cireurs de chaussures 
                constituent un club rival à celui de l'aristocratie. Chacun 
                d'eux joue son rôle dans une parodie précise de leurs 
                aînés et supérieurs sociaux, de leurs parasites 
                et de leur conduite. Le premier gamin à gauche est un expert 
                des affaires du monde, qui lit le Farthing Fost et fume la pipe. 
                Le joueur de cartes, au centre, est un petit vendeur de journaux 
                qui s'intéresse, lui aussi, à la politique, car 
                un journal sur lequel on lit "Votez pour ce qui vous concerne, 
                les libertés" est fiché dans son chapeau. Son 
                adversaire triche, en se faisant signaler par un complice les 
                cartes de l'autre. Sans aucun doute le petit vendeur de journaux 
                était flatté d'avoir l'occasion de jouer avec un 
                aussi grand personnage portant perruque carrée, un prince 
                parmi les cireurs de chaussures. Un joueur de dés a gagné 
                tous les vêtements, sauf la culotte, d'un cireur de chaussures, 
                devant lequel se trouvent un petit pot et un verre à liqueur, 
                sens dessus dessous. C'est là une école des roués 
                exclusivement masculine, et non pas une féminine Ecole 
                de la Médisance c'est pourquoi aucun des membres du Club 
                ne prête la moindre attention à la tribulation scandaleuse 
                du héros, à part celui qui lui fait les poches. 
                Le caractère humoristique de ce groupe tient à ce 
                que l'on peut y voir, mutatis mutandis, l'image exacte de ce qui 
                se passe à l'intérieur du White's. |   
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            | V. Marié à une vieille 
              fille |   
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 (Burin 17,2 x 22,5 cm) | Pour se refaire, Tom épouse une vieille 
                héritière borgne dans la vieille église de 
                Mary-le-Bone, lieu bien connu des mariages secrets hors de la 
                ville, tandis que l'ouvreuse de bancs s'efforce d'empêcher 
                Sarah Young, sa mère et l'enfant qu'elle a eu du Roué, 
                d'interrompre la cérémonie. La clé de l'estampe est la Table des Dix 
                Commandements, dont on voit la deuxième moitié, 
                celle qui est consacrée à nos devoirs envers le 
                prochain. Tous les commandements sont fendillés et illisibles, 
                sauf le dernier "Tu ne convoiteras point... de ton prochain.. 
                servante." Le Roué a déjà l'oeil sur 
                la servante de la mariée, qui va devenir la sienne, de 
                plus d'une façon. Un chien plein de vigueur, imitant fidèlement 
                son maître, s'en prend vaillamment à une chienne 
                borgne. Le Credo est dans un état si lamentable 
                que les seuls mots lisibles sont : "Je crois." Une grosse 
                toile d'araignées recouvre le tronc des pauvres, l'araignée 
                ayant choisi l'endroit de l'église où elle risque 
                le moins d'être dérangée. Une inscription 
                sur la tribune indique que l'église a été 
                "embellie" en 1725. Ou bien le conseil de fabrique a 
                détourné les deniers de la paroisse, ou bien l'église 
                a été bien mal entretenue. La décoration 
                de plantes vertes fait allusion au Désir et à l'Hiver, 
                c'est-à-dire aux passions, et aux attraits de la mariée. Hogarth a fait un changement intéressant 
                dans le troisième état. Dans le premier état, 
                il se trouvait, par hasard, que le visage innocent de la suivante 
                de la mariée ressemblait à celui de Sarah Young, 
                Si bien que l'intrigue serait devenue incompréhensible 
                si on les avait confondues. C'est pourquoi il a donné à 
                cette femme un aspect qui reste attrayant, mais qui est moins 
                innocent. |   
            |  |  |   
            | VI. Le roué dans la maison de jeux |   
            |  | La sixième scène se déroule dans une 
              maison de jeux à Covent Garden, où Tom vient de perdre toute sa 
              fortune. Fou de rage, il s’agenouille et semble injurier le sort. 
              Le chien noir qui lui saute dessus, symbole de mélancolie, suggère 
              que la santé mentale de Tom décline. Tous les aspects du jeu sont 
              représentés : à gauche un créancier fait une reconnaissance de dette 
              à un lord, derrière la table un aristocrate en colère brandit une 
              épée, en face de cette même table un homme qui nous tourne le dos 
              rassemble l’argent qu’il a gagné, tandis qu’un pasteur se détourne, 
              désespéré. L’homme assis en face du feu a des pistolets, c’est probablement 
              un voleur de grand chemin qui vient de perdre son argent. A gauche, 
              un veilleur de nuit montre du doigt la fumée qui s’échappe du plafond, 
              mais la plupart des gens sont trop obnubilés par le jeu pour se 
              préoccuper que le bâtiment soit en feu. |   
            |  |  |   
            | VII. Le roué en prison |   
            |  | Tom, l’air abasourdi, est assis dans 
              la prison des débiteurs, The Fleet,. A sa gauche, sa femme le réprimande, 
              à sa droite un serviteur, une chope à la main, et le geôlier demandent 
              de l’argent. Sarah Young est venue lui rendre visite avec leur enfant 
              et s’est évanouie à la vue de son ancien amant. La pièce que Tom 
              a écrite pour gagner de l’argent gît sur la table près de lui ; 
              elle lui a été retournée avec la mention : « J’ai lu votre pièce, 
              elle ne me convient pas ». Dans cette planche, il est fait allusion 
              à d’autres plans tout aussi fous ayant la même finalité : dans le 
              fond, un alchimiste tente de trouver la pierre philosophale, à gauche 
              le débiteur qui aide Sarah vient de laisser tomber un papier sur 
              lequel est écrit : « Nouveau projet pour rembourser les dettes de 
              la Nation ». Au sommet du lit, les ailes font peut-être allusion 
              à un autre plan un peu fou : celui d’Icare. |   
            |  |  |   
            | VIII. Le roué à Bedlam |   
            |  | La planche finale montre Tom à Bethlehem 
              Royal Hospital (Bedlam), une institution qui recueillait les pauvres 
              et les aliénés. Tom, presque nu, se contorsionne sur le sol, tandis 
              qu’un gardien de prison lui met les fers et que Sarah la fidèle 
              pleure à ses côtés. D’autres détenus montrent des signes de délire 
              : un musicien et un tailleur, à la droite de Tom ; un amoureux mélancolique 
              et un homme faisant le pape, sur les escaliers. A gauche, dans les 
              deux cellules, on voit des exemples de délire de la part d’autorités 
              religieuses et séculaires : un détenu muni d’un sceptre et d’une 
              couronne semble être assis sur un trône, tandis qu’un autre est 
              en extase mystique. Ainsi, les prétentions de Tom à vivre comme 
              un aristocrate sont vues comme un délire du même genre. Prisons 
              et hôpitaux étaient des objets de curiosité, ils ouvraient leurs 
              portes aux gens qui payaient, telles la dame et sa servante dans 
              cette planche. |   
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