Rétif à l'esprit d'innovation de la Renaissance, Grünewald use de l'horreur des détails, de l'étrangeté de l'éclairage, du tourment de l'expression et de la désolation du décor pour parvenir à une vision violemment expressionniste de la mort du Christ.
Démesuré relativement aux autres personnages de la scène, le corps du Christ apparait en état de souffrance extrême, subissant les affres de l'écartèlement et de la suffocation. Les bras semblent sur le point de s'arracher au buste, les pieds sont tordus par l'horreur des clous, les lèvres ne laissent plus échapper qu'un infime souffle de vie.
Identifiée par son pot de parfum, Marie Madeleine dresse vers le Christ des mains tordues dans un ultime mouvement de supplication. Saint Jean, de son bras anormalement allongé, soutient la Vierge au bord de l'évanouissement. Vêtue d'un tissu blanc évoquant le linceul de son fils mourant
Seul élément de stabilité, le puissant Jean-Baptiste, solidement ancré au sol en dépit de l'anachronisme de sa présence (sa mort remonte déjà à cinq an, décapité sur les ordres d’Hérode en l’an 29). Celle-ci est allégorique ; adepte du dogme ancien, Jean-Baptiste désigne le Christ, sacrifié comme l'agneau et porteur de la Nouvelle loi qui doit vaincre, ainsi que l'atteste l'inscription latine : illum oportet crescere. Me autem minui (Il faut qu'il croisse et que je diminue).
La crucifixion, volet fermé du retable d’Issenheim
Durant les jours ordinaires, les volets du retable d’Issenheim étaient toujours fermés donnant à voir cette Crucifixion encadrée par saint Sébastien transpercé des flèches de son martyre, et saint Antoine qu’un monstre effrayant tente d’apeurer. Les deux saints protègent et guérissent des maladies : saint Antoine du mal des ardents, et saint Sébastien de la peste.
Cette Crucifixion est l’une des représentations du Calvaire la plus poignante de l’art occidental à travers l’image du corps atrocement supplicié du Christ. Ce corps couvert de plaies et hérissé d’épines devait terrifier les malades, mais aussi les conforter dans leur communion avec le Sauveur dont ils partageaient les souffrances.