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L'annonciation

1426

L'annonciation
Attribué à Fra Angelico, vers 1426 ou 1435-45
tempera à l’oeuf, argent et or sur panneau de peuplier, 162,3 x 191,5 cm.
Musée du Prado, Madrid

Le musée du Prado situe ce tableau au sein des premières œuvres documentées du peintre, entre 1423 et 1429. Cette œuvre, peinte pour le couvent de Saint-Dominique à Fiésole, a probablement été commandée par Angelo di Zanobi di Taddeo Gaddi, petit-fils du peintre Taddeo Gaddi. Si on s'en tient à cette date, le tableau aurait été produit à un moment décisif pour la L'art florentin, lorsque les épigones du gothique international comme Lorenzo Monaco ou Gerardo Starnina travaillaient dans la ville ; des peintres sensibilisés aux innovations nordiques, à Gentile da Fabriano et aux artistes révolutionnaires comme Masaccio ou Brunelleschi.

Iconographiquement, c'est une œuvre traditionnelle dont le tableau central montre le cycle de la chute (Adam et Eve expulsés du paradis) et le salut de l'homme (Annonciation de Marie), tandis que les cinq panneaux de la prédelle illustrent autant d'épisodes de la vie de la Vierge. Cependant, dans la représentation visuelle de ces thèmes, Fra Angelico démontre qu'il connaissait les transformations en cours dans l'art toscan. Ainsi, la minutie dans la représentation des fleurs et des objets dérive de Gentile da Fabriano, qui est également responsable du désir d'unifier l'espace à travers l'architecture; tandis que la tentative de profondeur spatiale de la chambre de la vierge fait référence à ce que Masolino et Masaccio avaient fait dans la chapelle Brancacci. De même, la structure qui abrite l'Annonciation a été l'une des premières à suivre la recommandation donnée en 1425 par Brunelleschi pour les retables de San Lorenzo, qui devraient être carrés (194 x194 avec la predelle) et sans décorations.

Fra Angelico est un Dominicain qui sait le latin, qui connait la géométrie et qui est capable d’avoir une vision mesurée, mathématique de l’espace. Il a lu Saint Thomas d’Aquin et Alberti alors qu'il connait aussi le théâtre et la scénographie, l’architecture, les mathématiques et la perspective. Il veut concilier l’émulation poétique de la nature et la vérité mathématique, d’où, quelques libertés prises avec la perspective albertienne, quelques illusions délibérées, afin que l’histoire ne soit pas dominée par l’architecture.

La foi sans doute le fit moine, mais, comme peintre, il en bénéficia grandement : pas de soumission aux règles contraignantes des guildes d’artistes, une abondance de riches mécènes, et surtout le bonheur de peindre, non pour le peuple plus ou moins inculte des églises régulières, mais pour ses condisciples, Dominicains savants à même de comprendre ses allusions théologiques et ses symboles, qu’aujourd’hui nous avons du mal à déchiffrer (que vient faire une hirondelle messagère dans l’Annonciation ? Dans l'antiquité du Moyen-Orient, L'hirondelle était considérée comme un oiseau messager d'où peut-être sa présence dans cette pièce). C’est d’ailleurs pour cette raison que Daniel Arasse doutait que cette Annonciation fût de lui, non point pour des raisons techniques, mais pour une incohérence théologique : comment Adam et Eve, chassés du Paradis pour aller devoir cultiver à la sueur de leur front un désert aride, peuvent-ils se retrouver dans le jardin luxuriant, clos, de la Vierge, marchant sur les roses de Marie ? « Pour qu’un tableau mérite d’être attribué à un peintre aussi cohérent, rigoureux, profond, médité que Fra Angelico, il faut qu’il ne comporte pas d’absurdité théologique. » Et en effet, cette partie gauche du tableau est assez curieuse : Adam et Eve sortent vers la gauche, Eve semble jeter un regard en coin à la Vierge (nouvelle Eve), tous deux sont vêtus (contrairement à chez Masaccio), les arbres sont couverts de fruits mûrs et une plante semble pousser sur le cadre même du tableau.

Arrasse suppose donc qu'il sagit d'une oeuvre d'atelier, une variation sur l'Annonciation de Cortone mais il faudrait alors dater ce tableau de 1435; ce que le musée du Prado se refuse à faire. Dès lors, on peut penser que Fra Angelico a peut-être été saisi d'un repentir plus tard ou qu'il a accepté un recadrage théologique par ses supérieurs. Dans le jardin ouvert du tableau de Cortone, Adam et Eve, ne sont plus que deux minuscules figures reléguées au lointain sur une montagne aride.

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