(1748-1825)
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Néo-classique |
Jacques-Louis David est le chef de file du mouvement néo-classique, dont il représente le style pictural. Il opère une rupture avec le style galant et libertin de la peinture rococo du XVIII siècle représentée à l'époque par François Boucher et Carl Van Loo, et revendique l’héritage du classicisme de Nicolas Poussin et des idéaux esthétiques grecs et romains, en cherchant, selon sa propre formule, à « régénérer les arts en développant une peinture que les classiques grecs et romains auraient sans hésiter pu prendre pour la leur ».
Formé à l'Académie royale de peinture et de sculpture, il devient en 1784 un peintre renommé avec Le serment des Horaces. Membre de l'Académie royale, il combat cette institution sous la Révolution et entame en parallèle à sa carrière artistique une activité politique en devenant député à la Convention et organisateur des fêtes révolutionnaires. Son engagement l'amène à voter la mort du roi Louis XVI, et son soutien pour Maximilien de Robespierre lui vaudra, à la chute de celui-ci, d'être emprisonné lors de la réaction thermidorienne. Ses activités politiques prennent fin sous le Directoire, il devient membre de l'Institut et se prend d'admiration pour Napoléon Bonaparte. Il se met à son service quand celui-ci accède au pouvoir impérial, et il réalise pour lui sa plus grande composition Le Sacre de l'empereur Napoléon 1er.
Sous la Restauration, son passé de révolutionnaire régicide et d'artiste impérial lui vaut d'être exilé. Il se réfugie à Bruxelles et continue jusqu'à sa mort en 1825 son activité artistique.
Son œuvre est constituée principalement de tableaux d'histoire et de portraits. Il fut un maître pour deux générations d’artistes, venues de toute l’Europe pour se former dans son atelier qui, à son apogée, comptait une quarantaine d’élèves, dont Girodet, Gérard, Gros et Ingres furent les plus réputés. Il fut l’un des artistes les plus admirés, enviés et honnis de son temps, autant pour ses engagements politiques que pour ses choix esthétiques.
Érasistrate découvrant la cause de la maladie d'Antiochus | 1774 | Paris, École nationale supérieure des beaux-arts |
Bélisaire demandant l'aumône | 1781 | Lille, Musée des beaux-arts |
Le serment des Horaces | 1784 | Paris, Musée du Louvre |
Les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils | 1789 | Paris, Musée du Louvre |
L'assassinat de Marat | 1793 | Paris, Musée du Louvre |
Les Sabines | 1799 | Paris, Musée du Louvre |
Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard | 1803 | Vienne, Palais du Belvédère supérieur |
Sacre de l'empereur Napoléon Ier | 1807 | Paris, Musée du Louvre |
La distribution des Aigles | 1810 | Versailles, Château de Versailles |
La colère d'Achille | 1819 | Fort Worth, Kimbell Art Museum |
JJacques-Louis David naît à Paris le 30 août 1748 dans une famille de la petite bourgeoisie En 1764, après avoir appris le dessin à l’Académie de Saint-Luc, David est mis en relation par sa famille avec François Boucher, premier peintre du roi, afin d’être formé au métier de peintre. Boucher étant malade et trop âgé pour enseigner (il meurt en 1770), celui-ci estime qu'il pourrait tirer un meilleur bénéfice de l’apprentissage des nouvelles tendances picturales que peut lui apporter Joseph-Marie Vien, artiste dont le style antiquisant n’est pas encore exempt d’inspirations galantes.
En 1766, entré à l’atelier de Vien, mais encore influencé par l’esthétique de Boucher, David commence à étudier l’art à l’Académie royale, dont l’enseignement devait permettre aux élèves de concourir pour le Prix de Rome. En 1771, il obtient le second prix avec son œuvre Le combat de Mars contre Minerve, dans un style hérité du Rococo et d’une composition jugée faible par le jury de l’académie ; le lauréat fut Joseph-Benoît Suvée. En 1772, il manque à nouveau le premier prix avec Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobén , le grand prix étant décerné ex-æquo à Pierre-Charles Jombert et Gabriel Lemonnier, à la suite d’un vote arrangé du jury. Après cet échec, qu’il vécut comme une injustice, il résout de se laisser mourir de faim. Mais, après deux jours, l’un des jurés, Gabriel-François Doyen, le convainc d’abandonner sa tentative de suicide.
En 1773, c’est encore un échec avec La mort de Sénèque, sujet inspiré de Tacite ; le lauréat fut Pierre Peyron, dont le style antique était récompensé pour sa nouveauté, la composition de David étant jugée trop théâtrale. Ne pouvant recevoir deux fois le second prix, en guise de consolation, l’Académie lui décerne cette année là le prix de l'Étude des têtes et de l'expression pour son pastel intitulé La Douleur. À la fin de l’année 1773, Marie-Madeleine Guimard, première danseuse de l’Opéra, charge David de reprendre la décoration de son hôtel particulier transformé en théâtre privé, que Fragonard avait laissé inachevé à la suite de mésententes
En 1774, il gagne finalement le premier prix de Rome, qui lui permet de séjourner pendant quatre ans au palais Mancini, alors résidence de l’Académie de France à Rome. L’œuvre présentée, Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochus, est conforme au nouveau canon de la composition dramatique.
En octobre 1775, David accompagne son maître Joseph-Marie Vien, qui vient d’être nommé directeur de l’Académie de France à Rome, et deux autres lauréats, le premier prix de sculpture en 1774, Pierre Labussière, et Jean Bonvoisin, second prix de peinture en 1775. Lors de son périple, il s’enthousiasme pour les peintures de la Renaissance italienne qu’il voit à Parme, Bologne et Florence. La première année de son séjour à Rome, David suit le conseil de son maître en se consacrant essentiellement à la pratique du dessin. Il étudie attentivement les Antiques, réalisant des centaines de croquis de monuments, de statues et de bas-reliefs. L’ensemble de ses études compose cinq volumineux recueils in-folio. Il réalise en 1776 un grand dessin, Les Combats de Diomède (Vienne Graphische Sammlung Albertina), qui représente un de ses premiers essais dans le genre historique, essai qu’il concrétise deux ans plus tard avec Les Funérailles de Patrocle (Dublin, National Gallery of Ireland), une étude de grandes dimensions peinte à l’huile, destinée à la commission de l’Académie des beaux-arts, qui était chargée d’évaluer les envois des pensionnaires de Rome. Celle-ci encouragea le talent de David, mais souligna des faiblesses dans le rendu de l’espace et déplora l’obscurité générale de la scène, ainsi que le traitement de la perspective. Il peint aussi plusieurs tableaux dans un style emprunté au caravagisme : deux académies d’homme, l’une intitulée Hector (1778) et la seconde dite Patrocle (1780), inspirée du marbre Galate mourant du musée du Capitole, un Saint Jérôme, une Tête de philosophe et une copie de la Cène de Valentin de Boulogne.
De juillet à août 1779, David se rend à Naples en compagnie du sculpteur François Marie Suzanne. Durant ce séjour, il visite les ruines d’Herculanum et de Pompéi. Il attribua à ce voyage l'origine de sa conversion au nouveau style inspiré de l’Antiquité ; il écrit en 1808 : Il me sembla qu’on venait de me faire l’opération de la cataracte [...] je compris que je ne pouvais améliorer ma manière dont le principe était faux, et qu’il fallait divorcer avec tout ce que j’avais cru d’abord être le beau et le vrai.
Après ce voyage, il est sujet à une profonde crise de dépression qui dure deux mois, dont la cause n’est pas clairement définie. Selon la correspondance du peintre à cette époque, elle est due à une relation avec la femme de chambre de madame Vien, associé à une période de doute après la découverte des vestiges de Naples. Pour le sortir de cette crise de mélancolie, son maître lui fait avoir une commande pour un tableau à thème religieux commémorant l’épidémie de peste survenue à Marseille en 1720, Saint Roch intercédant la Vierge pour la guérison des pestiférés, destiné à la chapelle du Lazaret de Marseille (musée des beaux-arts de Marseille). Même si l’on perçoit quelques résurgences du caravagisme, l’œuvre témoigne d’une nouvelle manière de peindre chez David, et s’inspire directement du style de Nicolas Poussin, en reprenant la composition en diagonale de l'Apparition de la Vierge à saint Jacques le majeur (1629, musée du Louvre). Achevé en 1780, le tableau est présenté dans une salle du palais Mancini et produit une forte impression sur les visiteurs romains. Lors de son exposition à Paris en 1781, le philosophe Diderot est impressionné par l’expression du pestiféré au pied de saint Roch. Pompeo Batoni, doyen des peintres italiens et un des précurseurs du né-oclassicisme, tenta sans succès de le convaincre de rester à Rome, mais David quitte la ville éternelle le 17 juillet 1780 en emportant avec lui trois œuvres, le Saint Roch, et deux toiles alors inachevées, Bélisaire demandant l'aumône et le Portrait du comte Stanislas Potocki. Stanislas Potocki est un gentilhomme et esthète polonais qui a traduit Winckelmann ; le peintre l’avait rencontré à Rome et il le représente en s’inspirant des portraits équestres d'Antoon Van Dyck.
David arrive à Paris à la fin de l’année et termine son Bélisaire demandant l'aumône, tableau de grandes dimensions destiné à l’agrément de l’artiste par l’Académie royale de peinture et de sculpture, seul moyen pour les artistes de l’époque d’obtenir ensuite le droit d’exposer au Salon de l’Académie, à la suite de la décision du comte d’Angiviller, directeur général des Bâtiments du Roi, de limiter l’accès du Salon aux seuls artistes reconnus par l’Académie et à interdire les autres expositions publiques. C’est après avoir vu le tableau sur le même sujet peint pour le cardinal de Bernis par Pierre Peyron, ancien concurrent pour le prix de Rome, que David décide de réaliser lui aussi une toile sur le général byzantin déchu. Tous les deux s’inspirent du roman de Marmontel. L’œuvre témoigne de sa nouvelle orientation picturale et de son affirmation du style néo-classique. Reçu à l’unanimité, il peut présenter ses trois peintures ainsi que sa grande étude des Funérailles de Patrocle au Salon de 1781, où elles sont remarquées par la critique, en particulier par Diderot qui, paraphrasant Jean Racine dans Bérénice, avoue sa fascination pour le Bélisaire : Tous les jours je le vois et crois toujours le voir pour la première fois.
Il épouse, en 1782, Marguerite Charlotte Pécoul, de dix-sept ans plus jeune que lui. Son beau-père, Charles-Pierre Pécoul, est entrepreneur des bâtiments du Roi, et dote sa fille d’une rente de 50 000 livres, fournissant à David les moyens financiers pour installer son atelier au Louvre où il dispose aussi d’un logement. Elle lui donnera quatre enfants. David Il ouvre son atelier, où il reçoit des candidatures de la part de jeunes artistes désirant faire leurs apprentissages sous son enseignement. Fabre, Wicar, Girodet, Drouais, Debret sont parmi ses premiers élèves.
Après l’agrément, David peint en 1783 son « Morceau de réception », La Douleur d'Andromaque (musée du Louvre), sujet qu’il choisit d’après un épisode de l'Iliade et dont le motif est inspiré du décor d’un sarcophage antique, La Mort de Méléagre, qu’il avait copié sur ses carnets à Rome. Avec cette œuvre, David est reçu comme membre de l’Académie le 23 août 1783, et, après la confirmation, il prête serment entre les mains de Jean-Baptiste Pierre, le 6 septembre.
Depuis 1781, David pensait faire, pour répondre à la commande des Bâtiments du Roi, une grande peinture d'histoire inspirée du thème du combat des Horaces et des Curiaces et indirectement de la pièce de Pierre Corneille, Horace. Mais c’est trois ans plus tard qu’il mène à bien ce projet en choisissant un épisode absent de la pièce, Le serment des Horaces (1785), qu’il reprend peut-être de l’Histoire romaine de Charles Rollin, ou s’inspire d’une toile du peintre britannique Gavin Hamilton Le Serment de Brutus. Grâce à une aide financière de son beau-père, David part pour Rome en octobre 1784, accompagné de son épouse et d’un de ses élèves et assistant Jean-Germain Drouais, qui concourt pour le grand prix de Peinture. Il poursuit dans le Palazzo Costanzi la réalisation de son tableau, qu’il avait commencé à Paris. David ne s’est pas tenu à la dimension de dix pieds sur dix (3,30 m sur 3,30 m) imposée par les Bâtiments du Roi, mais agrandit le tableau, lui donnant une largeur de treize pieds sur dix (4,25 m sur 3,30 m). Sa désobéissance aux instructions officielles lui vaut une réputation d’artiste rebelle et indépendant. Il prend l’initiative d’exposer sa toile à Rome, avant la présentation officielle au Salon, où elle connaît un grand retentissement dans le milieu des artistes et des archéologues.
Malgré son succès à Rome, et le soutien du marquis de Bièvre, il doit se contenter d’un mauvais emplacement pour sa toile au Salon de 1785, qu’il impute à ses mauvaises relations avec Jean-Baptiste Pierre, premier peintre du roi et directeur de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, mais qui en fait est dû au retard pris pour envoyer l’œuvre à Paris après l’ouverture du Salon. Cela n’empêche pas Le Serment des Horaces de connaître un grand succès public et critique, et de faire considérer David comme le chef de file de la nouvelle école de peinture, que l’on ne nomme pas encore le néo-classicisme.
Les succès de David comme artiste établi et reconnu par ses pairs, comme portraitiste de la haute société de son temps et comme professeur, l’exposent cependant aux jalousies de l’Académie. Le concours de 1786 pour le Prix de Rome est annulé, car les artistes candidats sont tous des élèves de son atelier, et sa candidature pour le poste de directeur de l’Académie de France à Rome est refusée. Cette même année, en l’absence de commande officielle du roi, il satisfait à celle de Charles Michel Trudaine de la Sablière, un aristocrate libéral, seigneur du Plessis-Franc et conseiller au parlement de Paris, en peignant La Mort de Socrate (1787, New York, Metropolitan Museum of Art). Exposée au Salon de 1787, l’œuvre se trouve en concurrence avec la version que Peyron présente de la même scène, et qui était commandée par les Bâtiments du Roi. De fait, en choisissant sciemment le même sujet, David se confronte à nouveau avec son ancien rival du prix de Rome de 1773 et prend sa revanche par le succès qu’il rencontre lors de son exposition.
Il peint en 1788 Les Amours de Pâris et d’Hélène (1788, musée du Louvre) pour le comte d’Artois, futur Charles X, qu’il avait commencé deux ans auparavant. C’est la seule commande émanant directement d’un membre de la famille royale ; celle d’un portrait de Louis XVI montrant la Constitution au Dauphin, que le roi lui demande en 1792, ne sera jamais réalisée. L’année 1788 fut troublée par la mort précoce de son élève favori Jean-Germain Drouais, des suites de la petite vérole. À l’annonce de cette nouvelle, le peintre écrivit : "J’ai perdu mon émulation".
En 1788, David fait le Portrait d'Antoine-Laurent Lavoisier et de sa femme. Le chimiste Antoine Lavoisier, qui est aussi fermier général et occupe à l’époque la fonction d’administrateur de la régie des Poudres et salpêtres, a provoqué en août 1789 une émeute à l’arsenal de Paris pour y avoir entreposé de la poudre à canon. À la suite de cet incident, l’Académie Royale de Peinture et de sculpture juge plus prudent de ne pas exposer le tableau au Salon de 1789.
C’est aussi ce qui faillit arriver pour le tableau Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils. D’Angiviller, craignant une comparaison entre l’intransigeance du consul Lucius Junius Brutus sacrifiant ses fils qui conspiraient contre la République romaine et la faiblesse de Louis XVI face aux agissements du comte d’Artois contre le tiers état, ordonna de ne pas l’exposer, alors qu’il s’agissait d’une commande des Bâtiments du roi. Les journaux de l’époque se saisirent de l’affaire, y voyant une censure des autorités. Peu après cette campagne de presse, le tableau est exposé au Salon, mais le peintre consent à enlever les têtes tranchées des fils de Brutus plantées sur des piques, qui figuraient initialement sur la toile. Le Brutus connaît une grande popularité auprès du public, allant jusqu’à influencer la mode et le mobilier. On adopte des coiffures « à la Brutus », les femmes abandonnent les perruques poudrées, et l’ébéniste Jacob réalise des meubles « romains » dessinés par David.
David fréquente depuis 1786 le milieu des aristocrates libéraux. Par l’intermédiaire des frères Trudaine, il fait la connaissance entre autres de Chénier, Bailly et Condorcet ; au salon de Madame de Genlis, il rencontre Barère, Barnave et Alexandre de Lameth, futurs protagonistes de la Révolution. Deux anciens condisciples nantais rencontrés à Rome, l’architecte Mathurin Crucy et le sculpteur Jacques Lamarie, lui proposent de faire une allégorie pour célébrer les événements pré-révolutionnaires qui se sont déroulés à Nantes à la fin de l’année 1788 : le projet n’aboutit pas, mais affirme la sympathie de David pour la cause révolutionnaire. En septembre 1789, prenant la tête, avec Jean-Bernard Restout, des « Académiciens dissidents », un groupe fondé pour réformer l’institution des Beaux-arts, il demande la fin des privilèges de l’Académie, et notamment le droit pour les artistes non agréés de pouvoir exposer au Salon.
En 1790, il entreprend de commémorer le Serment du jeu de paume. Ce projet inspiré à David par Dubois-Crancé et Barère, est la plus ambitieuse réalisation du peintre. L’œuvre qui, une fois terminée, devait être le plus grand tableau de David (dix mètres de large sur sept mètres de haut, soit un peu plus grand que le Sacre), représente les 630 députés présents lors de l’événement. Le projet est d’abord proposé, par son premier secrétaire Dubois-Crancé, à la Société des amis de la Constitution, premier nom du Club des Jacobins, à laquelle David vient d’adhérer. Une souscription pour la vente d’une gravure d’après le tableau pour le financement du projet est lancée, mais celle-ci ne permet pas de réunir les fonds nécessaires pour l’achèvement de la peinture.
En 1791, Barère proposa à l’Assemblée constituante de prendre la suite du financement du Serment, mais, malgré le succès de l’exposition du dessin au Salon de 1791, le tableau ne fut jamais achevé, David abandonnant définitivement le projet en 1801. Selon les biographes, les causes sont multiples, d’abord financières : la souscription est un échec, une somme de 6 624 livres est réunie au lieu des 72 000 livres prévues ; ensuite pour des raisons politiques : l’évolution des événements fait que parmi les personnages du groupe principal, Barnave, Bailly et Mirabeau (mort en avril 1791) sont discrédités par les patriotes pour leurs modérantismes et leurs rapprochements avec Louis XVI ; et pour des raisons esthétiques, David n’étant pas satisfait de la représentation de costumes modernes dans un style antique.
Tout en poursuivant son activité artistique, il entre en politique, en prenant la tête en 1790 de la « Commune des arts », issue du mouvement des « Académiciens dissidents ». Il obtient en 1790 la fin du contrôle du Salon par l’Académie royale de peinture et de sculpture et participe comme commissaire adjoint au premier « Salon de la liberté », qui ouvre le 21 août 1791.
Dès août 1790, Charlotte David, en désaccord avec les opinions de son mari, engage leur séparation et se retire un temps dans un couvent. Le 17 juillet 1791, David fait partie des signataires de la pétition demandant la déchéance de Louis XVI, réunis au Champ de Mars juste avant la fusillade ; il fait à cette occasion la connaissance du futur ministre de l'Intérieur, Roland. En septembre de la même année, il tente sans succès de se faire élire comme député à l'Assemblée législative. Son activité artistique se fait moins présente : s'il trouve le temps de faire son deuxième autoportrait dit Autoportrait aux trois collets (1791, Florence, Galerie des Offices), il laisse inachevés plusieurs portraits, dont ceux de Madame Pastoret et de Madame Trudaine.
En 1792, ses positions politiques se radicalisent : le 15 avril, il organise sa première fête révolutionnaire en l'honneur du régiment suisse de Chateauvieux, qui s’étaient mutinés dans leur garnison de Nancy. Son soutien à cette cause provoque la rupture définitive avec ses anciennes relations libérales, notamment André Chénier et Madame de Genlis. Le 17 septembre 1792, il est élu 20e député de Paris à la Convention nationale, avec 450 voix aux élections du second degré69, et le soutien de Jean-Paul Marat qui le classe parmi les «excellents patriotes». Représentant du peuple à la section du muséum, il siège avec le parti de la Montagne. Peu après le 13 octobre, il est nommé au Comité d'instruction publique et, à ce titre, est chargé de l'organisation des fêtes civiques et révolutionnaires, ainsi que de la propagande. Au Comité, de 1792 à 1794, il s'occupe de l'administration des arts, qui s'ajoute à son combat contre l'Académie. Également membre de la Commission des monuments, il propose l'établissement d'un inventaire de tous les trésors nationaux et joue un rôle actif dans la réorganisation du Muséum des Arts. Il conçoit au début de l'année 1794 un programme d'embellissement de Paris et fait installer les chevaux de Marly de Guillaume Coustou à l'entrée des Champs-Élysées.
Du 16 au 19 janvier 1793, il vote pour la mort du roi Louis XVI, ce qui provoque la procédure de divorce intentée par son épouse. Le 20 janvier, le conventionnel Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau est assassiné pour avoir, lui aussi, voté la mort du roi. David est chargé par Barère de la cérémonie funéraire et fait exposer le corps place des Piques. Il représente ensuite le député sur son lit de mort dans un tableau Les Derniers Moments de Michel Lepeletier, exposé à la Convention. Cette œuvre, qui est ensuite récupérée par le peintre en 1795, a probablement été détruite en 1826 par Suzanne Lepeletier de Mortefontaine la fille du conventionnel assassiné. Elle reste connue par un dessin de son élève Anatole Devosge, et une gravure de Pierre Alexandre Tardieu.
En juin 1793, David est nommé président du club des Jacobins ; le mois suivant, il est secrétaire de la Convention. Il prend une part active dans la politique de la Terreur en devenant le 14 septembre 1793 membre du Comité de sûreté générale et président de la section des interrogatoires. À ce titre, il contresigne environ trois cents mandats d'arrestation, et une cinquantaine d'arrêtés traduisant les suspects devant le tribunal révolutionnaire. Il présida le comité lors de la mise en accusation de Fabre d'Églantine, et cosigna l'arrestation du général Alexandre de Beauharnais, et dans le cadre du procès de Marie-Antoinette, il participe comme témoin à l'interrogatoire du Dauphin, et fait peu après un célèbre dessin de la reine déchue alors qu'elle est conduite vers l'échafaud. Il n'empêche pas l'exécution d'anciens amis ou commanditaires comme les frères Trudaine, Lavoisier, la duchesse de Noailles, pour qui il avait peint un Christ en Croix, ou André Chénier. Carle Vernet lui imputa la responsabilité de l'exécution de sa sœur Marguerite Émilie Vernet qui avait épousé l'architecte Chalgrin. Cependant, il protège Dominique Vivant Denon en le faisant rayer de la liste des émigrés et en lui procurant un poste de graveur, appuie la nomination de Jean-Honoré Fragonard au conservatoire du Muséum des Arts, et aide son élève Antoine Jean Gros, dont les opinions royalistes pouvaient en faire un suspect, en lui donnant les moyens de partir en Italie.
À l'annonce de l'assassinat de Marat le 13 juillet 1793, la Convention, par la voix de l'orateur François Élie Guirault, porte-parole de la Section du Contrat-Social, commande à David de faire pour Marat ce qu'il avait fait pour Lepeletier. Proche relation du conventionnel, David avait fait partie des derniers députés à l'avoir vu vivant, la veille de l'assassinat. Il peint, avec Marat assassiné (1793), un de ses tableaux les plus célèbres et emblématiques de sa période révolutionnaire, exposant l'assassinat dans sa crudité. Il s'occupe aussi des funérailles en organisant le 16 juillet une cérémonie quasi religieuse dans l'église des Cordeliers, précédée par un cortège funèbre. En octobre 1793, David annonce l'achèvement de sa toile. De novembre 1793 jusqu'à février 1795, les tableaux de Lepeletier et Marat vont siéger dans la salle des séances de la Convention.Comme ordonnateur des fêtes et cérémonies révolutionnaires, il conçoit avec l'aide de l'architecte Hubert, du menuisier Duplay (qui est aussi le logeur de Robespierre), du poète Marie-Joseph Chénier, frère d'André Chénier, et du compositeur Méhul, la fête de la réunion du 10 août, la translation des cendres de Marat au Panthéon (qui ne sera organisée qu'après la chute de Robespierre), la fête de la reprise de Toulon, et, l'année suivante, le 8 juin, il organise la cérémonie de l'Être suprême dont il dessine les chars du cortège et les éléments de la cérémonie. Influencé par le « prince de la caricature » anglaise James Gillray, il fait aussi des caricatures de propagande pour le Comité de salut public, et dessine les projets de costumes pour les représentants du peuple, les juges, ou même les simples citoyens, un temps invités par les autorités révolutionnaires à arborer un habit républicain.
En 1794, David est nommé président de la Convention, fonction qu'il occupe du 5 au 21 janvier. Avec La Mort du jeune Bara David fait son troisième et dernier tableau sur le thème du martyr révolutionnaire, en prenant cette fois comme exemple le cas d'un jeune tambour de treize ans, Joseph Bara, tué lors de la guerre de Vendée pour avoir, selon la légende, refusé de crier « Vive le Roi ». Il était aussi chargé d'une célébration révolutionnaire pour sa panthéonisation et celle de Viala, mais les événements du 27 juillet, date de la chute de Robespierre, font abandonner le projet. Le26 juillet 1794, Robespierre est mis en difficulté par les députés de la Convention pour avoir refusé de nommer les membres des comités qu'il accuse de conspiration. Lors de cette séance, David déclare publiquement son soutien à l'incorruptible quand celui-ci prononce comme défense la phrase « s'il faut succomber, eh bien ! mes amis, vous me verrez boire la ciguë avec calme », en lui répondant « je la boirai avec toi ». Le 27 juillet, jour de la chute de Robespierre, David est absent de la convention pour des raisons de santé selon ses propres dires ; étant malade, il avait pris un émétique. Mais Barère, dans ses mémoires, affirme l'avoir prévenu de ne pas se rendre à l'assemblée : « ne viens pas, tu n'es pas un homme politique »89. Par son absence, il échappe ainsi à la première vague d'arrestations qui entraîne les partisans de Robespierre dans sa chute.
Le 31juillet, à la Convention, David est sommé par André Dumont, Goupilleau et Lecointre, d'expliquer son soutien à Robespierre ainsi que son absence à la séance du 27 juillet. Celui-ci tente maladroitement, selon le témoignage de Delécluze de se défendre et de renier son passé robespierriste. Lors de cette séance, il est exclu du Comité de sûreté générale, ce qui marque la fin de ses activités politiques. Son arrestation déclenche la réaction contre lla Terreur. David est emprisonné à l'ancien hôtel des Fermes générales, puis, le 10 fructidor, il est transféré au Luxembourg, mais on lui permet de disposer de son matériel de peinture durant son incarcération. Le 29 frimaire (30 novembre 1794) ses élèves se mobilisent, et, avec le soutien de Boissy d'Anglas, font une pétition pour demander sa libération. Entre-temps, Charlotte Pécoul, pourtant divorcée, apprenant son arrestation, revient auprès de son ancien époux ; le remariage sera prononcé le 12 novembre 1796. Le 10 décembre, après l'examen par les trois comités (salut public, sûreté générale et instruction publique) des pièces d'accusation de Lecointre contre David, Barère, Billaud-Varenne, Vadier et Collot d'Herbois constatant l'insuffisance de charges, le non-lieu et la mise en liberté du peintre sont décrétés.
David se retire en banlieue parisienne, à la ferme Saint-Ouen (Favières, Seine-et-Marne), dans la maison de son beau-frère Charles Sériziat. Mais à la suite des émeutes de prairial, et d'une nouvelle mise en accusation émanant de la Section du Muséum, il est de nouveau arrêté, et emprisonné, le 29 mai 1795, au Collège des Quatre-Nations (son ancienne école, devenue alors maison d'arrêt). À la demande de Charlotte David, il est transféré et mis sous surveillance à Saint-Ouen, avant de bénéficier, le 26 octobre 1795 de l'amnistie politique des faits relatifs à la Révolution, qui marque la séparation de la Convention.
Durant son emprisonnement, David peint l'Autoportrait du Louvre (1794), et revient à la peinture d’histoire classique en concevant le projet d’un Homère récitant ses vers aux Grecs, qui n’aboutira pas et n'est connu seulement que par un dessin au crayon et lavis (1794, Paris, musée du Louvre, cabinet des dessins) ; il fait aussi une première esquisse inspirée par le thème des Sabines. Durant son second emprisonnement, il fait les portraits de conventionnels qui sont, comme lui, emprisonnés, notamment celui de Jeanbon Saint-André (1795, Chicago, Institut d'art de Chicago). Peu après son amnistie, il accepte d'être membre de l'Institut, nouvellement créé par le Directoire, dans la section peinture de la Classe de Littérature et Beaux-arts. En octobre 1795, il revient au Salon, où il n’avait pas exposé depuis 1791, avec deux portraits des membres de la famille Sériziat, réalisés lors de ses séjours à Saint-Ouen dans la résidence familiale. Il peint cette même année les portraits de Gaspar Mayer et Jacobus Blauw, les deux diplomates chargés de faire reconnaître par la France la jeune République batave.
Mais son activité sous le Directoire sera principalement accaparée par la réalisation des Sabines, qu'il peint de 1795 à 1798, et dans lequel sont symbolisées les vertus de la concorde. En revendiquant le retour vers le « grec pur », David fait évoluer son style par le choix considéré à l'époque comme audacieux de représenter les héros principaux nus, ce qu'il justifie par une notice qui accompagne l'exposition de l'œuvre Notes sur la nudité de mes héros. Cet exemple est suivi et radicalisé par une faction de ses élèves qui se constituent autour de Pierre-Maurice Quay sous le nom des « Barbus », ou « groupe des primitifs », qui prônent un retour encore plus extrême au modèle grec, au point d’entrer en dissidence et de s’opposer à leur maître, lui reprochant le caractère insuffisamment archaïque du tableau. David finit par renvoyer les meneurs du groupe, Pierre-Maurice Quay et Jean-Pierre Franque, son assistant pour Les Sabines, qu’il remplace par Jérôme-Martin Langlois. Un autre élève collabore à sa réalisation, Jean-Auguste Dominique Ingres, nouvellement entré à l’atelier en 1797.
La présentation des Sabines est pour David l'occasion d’innover. Refusant de participer au Salon de peinture, et s'inspirant de l’exemple des peintres américains Benjamin West et John Singleton Copley, il organise une exposition payante de l’œuvre dans l’ancienne salle de l’Académie d'architecture, prêtée par l’administration du Louvre. Il installe en face du tableau un miroir où par un effet d'illusion, les visiteurs peuvent se croire intégrés dans l’œuvre. À cause du retentissement dû à la nudité des personnages et à la rumeur que les sœurs de Bellegarde, célèbres dans la société du Directoire, ont posé comme modèles, et à la controverse liée à son caractère payant, l’exposition, qui se déroule jusqu’en 1805, connaît un grand succès, attirant près de 50 000 visiteurs et rapportant 66 627 francs, ce qui permet à David de s’acheter en 1801 un ancien prieuré devenu une propriété de 140 hectares, la ferme des Marcoussis, à Ozouer-le-Voulgis en Seine-et-Marne.
L’admiration de David pour Bonaparte prend son origine à l’annonce de la victoire de Lodi le 10 mai 1796. L’artiste projetant de faire un tableau sur la prise du pont de Lodi, envoie une lettre au général pour lui demander un dessin du site. Un an plus tard, lors du coup d'État du 18 fructidor an V, prévenu des attaques dont David fait l’objet de la part du parti royaliste, Bonaparte envoie son aide de camp pour proposer au peintre de venir se mettre sous sa protection dans son camp de Milan, mais David décline l’invitation, devant se consacrer à son tableau des Sabines103. C’est à la fin de l’année 1797, au retour triomphal de Bonaparte après la signature du traité de Campo-Formio, que les deux hommes se rencontrent lors d’une réception donnée par le Directoire ; à cette occasion, David propose à Bonaparte de faire son portrait, qui demeure inachevé (1798, Louvre). À la suite de l'unique séance de pose que Bonaparte ait acceptée, l'artiste manifeste auprès de ses élèves son enthousiasme pour celui qu'il qualifie comme « son héros ».
Après le coup d’État de brumaire, qu’il accueille avec fatalité : J’avais toujours bien pensé que nous n’étions pas assez vertueux pour être républicains, David entreprend un nouveau projet de grande peinture d’histoire, avec comme sujet la résistance des Spartiates de Léonidas au passage des Thermopyles, qu’il commence en 1800, mais qu’il n’achèvera que quatorze ans plus tard ; de même, à la suite d’insatisfactions et peut-être de l’impatience du modèle, il ne termine pas le portrait de Madame Récamier.
En août 1800, le roi d'Espagne Charles IV, dans le contexte d’une consolidation des relations diplomatiques et de coopération avec le nouveau pouvoir lié aux récentes victoires de Napoléon Bonaparte, commande, par l’intermédiaire de l’ambassadeur Charles-Jean-Marie Alquier, à l'ancien régicide David un portrait du Premier Consul pour son palais royal. Il peint Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, qui est suivi de trois répliques exécutées à la demande du modèle, faisant de cette œuvre le premier portrait officiel du Premier Consul, qui sera largement diffusé par la gravure, ce qui contribue à en faire l’un des portraits les plus célèbres de Napoléon. David décide de présenter les deux premières versions du portrait équestre dans le cadre de l’exposition payante des Sabines, ce qui provoque un tollé dans la presse qui critique le peintre de ne pas les avoir exposées au Salon dont l'accès est libre, alors que les deux toiles ont été payées par leurs commanditaires. Cela vaut à David une réputation de cupidité, aggravée par l’affaire de la gravure du Serment du jeu de paume, dont des souscripteurs, encouragés par Lecointre, réclament le remboursement. David fera paraître une lettre de justifications dans plusieurs journaux.
Sous le Consulat, David est sollicité par le pouvoir comme conseiller artistique ; il conçoit un costume pour les membres du gouvernement, qui n’est pas retenu, participe à la décoration des Tuileries, et il est chargé de réfléchir sur le projet de colonnes nationales et départementales. Il prépare aussi un projet de réforme des institutions artistiques, dont il envisage de devenir administrateur des arts, qui est refusé par le ministre de l’Intérieur Lucien Bonaparte. Ce dernier lui propose à la place de devenir « Peintre du gouvernement », mais l’artiste refuse, selon Delécluze, par dépit de n’avoir pu accéder à de plus hautes fonctions. Il refuse aussi de devenir membre de la Société libre des arts du dessin, créée par le ministre Chaptal.
Indirectement impliqué dans la conspiration des poignards, une tentative d’assassinat contre Bonaparte qui devait avoir lieu en octobre 1800 à l’Opéra de la rue de Richelieu, notamment pour avoir laissé distribuer dans son atelier des billets de la représentation des Horaces (pièce lyrique de Bernardo Porta inspirée par son tableau Le Serment des Horaces), à des membres de la conspiration, David doit expliquer lors du procès ses relations avec deux des conjurés, son ancien élève François Topino-Lebrun, ancien partisan babouviste et le sculpteur romain Giuseppe Ceracchi. Son témoignage à décharge n’empêche pas leur exécution en janvier 1801 peu de temps après l’attentat de la rue Saint-Nicaise, et réveille le passé jacobin du peintre qui voit son atelier mis sous surveillance par la police de Fouché.
Plusieurs voyageurs britanniques profitent de la paix d'Amiens pour voyager en France, visiter entre autres le Louvre, et rencontrer David considéré par John Carr, l’un de ces voyageurs, comme le plus grand artiste français vivant. C’est dans ces circonstances que l’entrepreneur et quaker irlandais, Cooper Penrose, demanda au peintre son portrait. La commande fut acceptée pour une somme de 200 louis d’or (1802, San Diego, Californie, Timken Museum of Art).
Le 18 décembre 1803, David est nommé chevalier de la Légion d’honneur et est décoré le 16 juillet de l’année suivante. En octobre 1804, David reçoit de Bonaparte devenu empereur sous le nom de Napoléon Ier, la commande de quatre tableaux de cérémonie : Le Couronnement, La Distribution des Aigles, L’Intronisation et l’Arrivée à l’hôtel de ville. Peu après la cérémonie il l'investit dans la fonction de « Premier peintre », mais sans disposer des mêmes attributions liées à ce titre que Charles Le Brun auprès de louis XIV. En fait, depuis 1802, l’administration des arts était confiée à la seule charge de Dominique Vivant Denon.
Il dispose d'une loge à Notre-Dame d'où il peut suivre les épisodes et les détails de la cérémonie du sacre. Il y prend des croquis, et réalise Le Sacre de Napoléon en trois ans. Il a relaté lui-même comment il opéra112 :
« J'y dessinai l'ensemble d'après nature, et je fis séparément tous les groupes principaux. Je fis des notes pour ce que je n'eus pas le temps de dessiner, ainsi on peut croire, en voyant le tableau, avoir assisté à la cérémonie. Chacun occupe la place qui lui convient, il est revêtu des habillements de sa dignité. On s'empressa de venir se faire peindre dans ce tableau, qui contient plus de deux cents figures... »
David, qui, comme les autres artistes résidents, venait d’être expulsé du Louvre où il possédait deux ateliers, disposa de l’ancienne église de Cluny pour les besoins de la réalisation du tableau, dont les dimensions importantes (9,80 mètres sur 6,21 mètres) nécessitaient un grand local. Si David a conçu seul la composition de l’œuvre, qui à l’origine devait montrer l’empereur se couronnant lui-même, mais qui fut remplacé par le couronnement de Joséphine de Beauharnais sur la suggestion de son ancien élève François Gérard, Napoléon lui fait subir d’autres modifications, dont la plus remarquée est d’ajouter la mère de l'empereur Letizia Bonaparte, qui, en réalité, n’avait pas assisté à la cérémonie. Il fait aussi attribuer au pape Pie VII un geste de bénédiction, alors que David lui avait fait prendre une attitude passive : « Je ne l'ai pas fait venir de si loin, pour qu'il ne fasse rien ». David profite de la venue du souverain pontife pour faire aussi son portrait (1805, Paris, musée du Louvre), ce qui mécontente Napoléon. De même, celui-ci refuse un portrait impérial destiné à la ville de Gênes qu'il juge : ... si mauvais, tellement rempli de défauts, que je ne l'accepte point et ne veux l'envoyer dans aucune ville surtout en Italie où ce serait donner une bien mauvaise idée de notre école. L’exposition du Sacre est l’événement du Salon de 1808 ; Napoléon, voyant l’œuvre terminée, témoigne de sa satisfaction et promeut l'artiste, qui est fait officier de la Légion d’honneur.
Dans le tableau La Distribution des Aigles, David doit, sur ordre de l'empereur, réaliser deux modifications importantes : il vide le ciel de la « Victoire qui fait pleuvoir sur la tête des Drapeaux une pluie de laurier » et, après 1809, il fait disparaître de la scène Joséphine, répudiée, la première modification rendant sans objet le mouvement de tête des maréchaux qui regardent désormais le vide à l'emplacement où se trouvait l'allégorie.
À partir de 1810, les relations entre David et le pouvoir se distancient, principalement à cause des difficultés de paiements des tableaux du Sacre et de La Distribution des Aigles, qui fut son dernier travail pour Napoléon. Le pouvoir, par l'intermédiaire de l'administration des arts, conteste les prétentions financières du peintre, jugées exorbitantes. Par ailleurs, il est exclu de la commission pour la réorganisation de l'école des Beaux-arts. Le dernier portrait qu'il peint de l'empereur, Napoléon dans son cabinet de travail, est une commande privée émanant d'un politicien et collectionneur écossais, Alexander, marquis de Douglas et Clydesdale futur dixième duc de Hamilton. La même année, l'Institut organise le concours des Prix décennaux, qui distinguait les œuvres considérées comme marquantes pour la décennie 1800-1810. Le Sacre est récompensé du prix du meilleur tableau national, mais David considéra comme un affront de voir les Sabines classé deuxième derrière la Scène de déluge de Girodet, primé meilleur tableau d'histoire de la décennie.
Vers la fin de l'Empire, David reprend les commandes privées, dont une scène mythologique, Sapho, Phaon et l'Amour, destinée au prince et collectionneur Nicolas Youssoupov, où le peintre renoue avec une antiquité galante déjà traitée avec Les Amours de Pâris et d'Hélène. Il achève en mai 1814 Léonidas aux Thermopyles, commencé quatorze ans auparavant, inspiré de l'antiquité grecque, et dont il renforce l'esthétique du retour au grec pur qu'il avait prôné quinze ans plus tôt avec Les Sabines, et qui en constitue le pendant. Conçu dès 1800, le sujet du tableau prend une signification particulière en 1814, année de la première abdication de Napoléon après la campagne de France.
Durant les Cent-Jours, David est réintégré dans son rang de Premier peintre, dont il avait été déchu sous la première Restauration, et est élevé à la dignité de commandeur de la Légion d'honneur. En mai 1815, David reste fidèle au régime impérial en signant les Actes additionnels aux constitutions de l'Empire, d'inspiration libérale.
Si ses anciens élèves Antoine-Jean Gros, François Gérard et Girodet, se rallient à la monarchie, David, pressentant des représailles dues à son passé révolutionnaire et son soutien à Napoléon, décide, après Waterloo, de mettre en sûreté ses tableaux des Sabines, du Sacre, de la Distribution des Aigles et Léonidas, et de se réfugier en Suisse ; il revient en France en août 1815. Malgré la proposition du ministre de la police Élie Decazes de le soustraire à la loi du 12 janvier 1816 qui exclut de l'amnistie et qui proscrit du royaume les régicides ayant signé l'Acte additionnel, le peintre décide de s'y soumettre, et après avoir confié la gestion de son atelier à Antoine Gros, il quitte définitivement la France. Deux mois après, son nom est rayé du registre de l'Académie des beaux-arts.
Dans un premier temps, il sollicite l'asile auprès de Rome, qui le lui refuse. Il choisit alors la Belgique, qui l'accueille le 27 janvier 1816, et il retrouve à Bruxelles d'autres anciens conventionnels régicides : Barère, qui avait suggéré le projet du Serment du Jeu de paume, Alquier, qui avait été à l'origine de la commande du portrait équestre de Bonaparte, et Sieyès, dont il fait le portrait. Il retrouve aussi plusieurs anciens élèves belges, Navez, Odevaere, Paelinck et Stapleaux, qui l'assistent dans la réalisation de plusieurs tableaux.
Refusant les nombreuses interventions de Gros et de ses élèves, qui ont fait une pétition pour obtenir son retour en France, et les offres de pardon du roi Louis XVIII, ainsi que la proposition du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III qui désire faire de David son ministre des arts, il choisit de rester en Belgique. Il devient un spectateur privilégié de La Monnaie à Bruxelles, et s'enthousiasme pour les œuvres des maîtres hollandais et flamands, qu'il voit à Bruxelles, et qui font évoluer sa manière en ravivant sa palette. Il peint à cette époque un nombre important de portraits d'exilés et de notables belges, et plusieurs tableaux inspirés de la mythologie. Il fait les portraits des filles de Joseph Bonaparte de passage avec leur mère à Bruxelles, et pour qui il donne aussi à l'une des filles, Charlotte Bonaparte, des cours de dessin. Il peint deux tableaux inspirés de l’Iliade et l’Odyssée, La Colère d'Achille (1819) et Les Adieux de Télémaque et d'Eucharis (1822), qui tire son origine du texte de Fénelon Les Aventures de Télémaque, ainsi que L'Amour et Psyché (1817, Cleveland Museum of Art) pour le comte Sommariva, qui, lors de son exposition à Bruxelles, choque les visiteurs par le traitement réaliste de Cupidon directement peint d'après modèle et loin de l'idéalisme antique dont le peintre est coutumier. En 1822, assisté de Georges Rouget, il peint pour des commanditaires américains une copie du Sacre (1822, musée national du château de Versailles et de Trianon).
À 75 ans, il exécute Mars désarmé par Vénus et les grâces (1824, Musées royaux des beaux-arts de Belgique), tableau de plus de trois mètres de haut qui est sa dernière grande peinture d'histoire. Il organise l'exposition du tableau à Paris, qui attire neuf mille cinq cents visiteurs. À l'occasion de cette exposition, paraît la deuxième biographie du peintre, Notice sur la vie et les ouvrages de M. J.-L. David, dont l'auteur est anonyme.
À partir de 1820, David connaît plusieurs problèmes de santé qui s'aggravent quand, en 1824, revenant de La Monnaie, il est renversé par une calèche, ce qui provoque un œdème. En novembre 1825, il est paralysé des mains à la suite d'une congestion cérébrale et ne peut plus peindre. À son retour du théâtre, il prend froid. Peu avant de mourir, il a le temps de donner à Stapleaux des indications pour la gravure d'après Léonidas. Il expire dans son lit le 29 décembre 1825, au numéro 7 de la rue Léopold, située à l'arrière de La Monnaie.
Son corps gît dans l'église Sainte-Gudule, dans l'attente d'une réponse du gouvernement français à la demande de sa famille de faire revenir sa dépouille en France. Le 11 octobre 1826, après que le gouvernement français eut refusé son rapatriement, il est d'abord enterré au cimetière du quartier Léopold à Saint-Josse-ten-Noode ; seul le cœur du peintre repose à Paris au cimetière du Père-Lachaise, auprès de son épouse Charlotte David, morte peu après lui, le 26 mai 1826. En 1882 les restes de David furent transférés au cimetière de Bruxelles à Everen .