Les mosaïques et les fresques présentées sont en quantité et en qualité les œuvres picturales parmi les plus importantes de celles léguées par les artistes byzantins. Théodore Metochites, un érudit en textes classiques qui fit don de sa bibliothèque personnelle à la Chora, occupa le poste de Mesazon, ou « premier ministre », de l'empereur Andronikos II Paléologue, faisant de lui le deuxième homme le plus puissant de l'empire. En tant que ktetor (« fondateur », ou dans ce cas, re-fondateur) de la Chora, Théodore Metochites supervise la restauration de l'église du XIIe siècle ainsi que l'ajout des narthex intérieur et extérieur et d'une chapelle subsidiaire, ou parekklesion, comme chapelle funéraire. Les riches mosaïques et fresques de la Chora, parmi les plus beaux exemples de l’art byzantin tardif, illustrent l’ambition de Théodore Metochites et son espoir de salut après la mort.
Elles ont été réalisées à peu près au temps de Giotto. On peut noter des similitudes avec le réalisme et la vitalité qui sont la marque de la pré-Renaissance, mais à l'examen des détails de l'exécution, les différences se révèlent importantes et les peintures italiennes de cette époque ne partagent pas le trait traditionnellement très stylisé de l'art byzantin. Les mouvements gracieux des personnages donnent à leurs représentations une légèreté et une élégance incomparables, par ailleurs soulignées par une coloration fraîche. De plus, la vaste gamme de thèmes bibliques donne une idée de la force créatrice des maîtres byzantins, malgré l'ordre iconographique imposé.
Le thème principal de ces mosaïques riches de détails est l'incarnation de Dieu en Homme et le salut apporté aux Hommes. La résurrection du Christ, motif central des fresques de la chapelle funéraire, vient compléter cette notion de salut.
L'entrée pour les visiteurs se fait par la porte latérale du paracclesion et non par la porte principale réservée aux croyants venant prier. Il est diffcile de résister à la splendeur des fresques mais il est plus logique de commencer la visite par ce qui est l'entrée principale de l'église, c'est à dire en se plaçant dans l'exonarhtex face au portail du narthex intérieur.
Le narthex vu de l'exonarthex.
À l'entrée dans l'église de la Chora, le regard tombe sur la représentation du Christ Pantocrator au-dessus du portail du narthex intérieur.
Malgré son regard apparemment sévère, la mosaïque de l'entrée du Christ Pantokrator est étiquetée avec optimisme « Jésus-Christ, la terre (chora) des vivants », un jeu de mots sur le nom du monastère, qui faisait probablement à l'origine référence à son emplacement « à la campagne » en dehors du monastère. les murs de la ville construits par l'empereur Constantin. Cette expression – « terre des vivants » – vient du Psaume 116 : 9 : « Je marche devant l’Éternel sur la terre (chora) des vivants. » Le même texte du Psaume 116 : 9 apparaît également dans le service funéraire orthodoxe, qui aurait eu lieu dans la chapelle funéraire de la Chora. Ainsi, en qualifiant le Christ de « terre des vivants », Theodore Métochites a donné une tournure spirituelle au nom du monastère tout en exprimant l’espoir d’une vie éternelle au sein de l’église où il envisageait d’être enterré.Cette mosaïque du Christ fait face à une mosaïque du mur opposé, qui représente la Vierge.
Mère de Dieu, contenant de l'incomensurable
En opposition au-dessus de l'entrée principale, se trouve la Vierge Marie avec les mains levées en prière et l'enfant Jésus sur son torse comme dans son ventre la Vierge avec les mains levées en prière et l'enfant Jésus sur son torse comme dans son ventre . La Vierge est étiquetée : « Mère de Dieu, contenant (chora) de l'incomensurable (achoritou). » Cette phrase, qui décrit le paradoxe selon lequel un humain (Marie) pourrait contenir le Fils de Dieu (Jésus) dans son sein, fait également référence au nom du monastère. Ces images proéminentes du Christ et de la Vierge dans la Chora reflètent leur rôle important dans l'histoire chrétienne du salut, ainsi que le fait que le monastère et le parekklesion de Chora étaient probablement dédiés à la Vierge et l'église principale au Christ.
L'exonarthex (ou narthex externe) est la première partie de l'église dans laquelle on entre. C'est un couloir transversal de 4 m de large et 23 m de long, qui est partiellement ouvert sur sa longueur orientale dans l'ésonarthex parallèle. L'extrémité sud de l'exonarthex débouche à travers l'ésonarthex formant une antichambre occidentale au parecclésion.
Les mosaïques qui décorent l'exonarthex comprennent :
Mosaïques de la vie du Christ
1- Le rêve et le voyage de Joseph à Bethléem ;
2- Recensement devant Publius Sulpicius Quirinius (Cyrénius), gouverneur de la Syrie ;
3-
Nativité, naissance du Christ ;
4 -
Voyage des mages
5- Enquête du roi Hérode
6- Fuite en Egypte
7- Deux fresques des massacres commandés par le roi Hérode
8- Les mères pleurent leurs enfants
9- Fuite d'Élisabeth avec son enfant Jean Baptiste ;
10
Joseph rêve, retour de la sainte famille d'Egypte à Nazareth ;
11
Christ emmené à Jérusalem pour la Pâque ;
12
Le Christ représenté comme un jeune ;
13
Le baptême de Jésus avec Jean-Baptiste et la tentation du Christ ;
14
Miracle ;
15
Trois autres miracles ;
16
Jésus Christ ;
17
Vierge et anges priant.
L'ésonarthex (ou narthex interne) est similaire à l'exonarthex, en parallèle avec lui. Comme l'exonarthex, l'ésonarthex mesure 4 m de large, mais il est légèrement plus court, 18 m de long. Sa porte centrale et orientale s'ouvre sur le naos, tandis qu'une autre porte, à l'extrémité sud de l'esonarthex, s'ouvre sur l'antichambre rectangulaire du parecclésion. À son extrémité nord, une porte de l'ésonarthex mène dans un large couloir ouest-est qui longe le côté nord du naos et dans la prothèse.
L'ésonarthex a deux dômes. Le plus petit est au-dessus de l'entrée du couloir nord ; le plus grand est à mi-chemin entre les entrées du naos et du parecclésion.
Mosaïques de l'entrée de l'ésonarthex
1) Cette mosaïque représente Théodore Métochite présentant un modèle de l'église Chora à Jésus-Christ. À côté de lui, l'inscription grecque se lit « Théodore Métochite, le fondateur, le logothète du génikon ». Des deux côtés de Jésus est inscrit « Jésus-Christ, demeure [Chora] des vivants » ;
Après avoir franchi le narthex extérieur, on peut voir la mosaïque représentant le bienfaiteur de l'église, Théodore Métochitès, agenouillé, la présentant au Christ. Deux icônes en mosaïque de saint Pierre et saint Paul flanquent le passage.
En pénétrant dans le narthex intérieur, les spectateurs découvrent une mosaïque du mécène et concepteur lui-même, Théodore Metochites, dans la lunette au-dessus de la porte de la partie principale de l'église, ou naos. Le Christ est assis sur un trône orné de joyaux sur un vaste fond doré. Métochites est agenouillé à la droite du Christ, vêtu de vêtements extravagants et coiffé d'un chapeau flamboyant en forme de turban, l'asymétrie de la composition soulignant l'interaction entre les deux personnages. Cette mosaïque suggère la position élevée de Théodore au sein de l’empire mais aussi sa soumission au Christ. Comme c'était courant dans les scènes de donation médiévales, les Métochites offrent au Christ un modèle de la Chora, l'église même dans laquelle se trouve cette mosaïque.
Pour les spectateurs byzantins, l’image de Théodore Métochite devait rappeler deux images de la grande cathédrale de Constantinople, Sainte-Sophie. Le geste de donation des Métochites évoque la mosaïque du Xe siècle de Constantin et Justinien offrant des maquettes de la ville et de Sainte-Sophie à la Vierge à l'Enfant dans le vestibule sud-ouest. Et le geste et la position agenouillés des Métochites au-dessus de la porte centrale du naos font écho à la mosaïque du Xe siècle représentant l’empereur prosterné au-dessus de la « porte impériale » de Sainte-Sophie.
Dans la voûte sous la coupole de l'éxonarthex, le cycle, qui comptait originellement 20 scènes, commence par la vie de Marie qui était très populaire au Moyen Âge. Le cycle d'images dans le narthex extérieur commence par l'enfance de Jésus et se poursuit dans le narthex intérieur par la représentation des miracles publics du Christ.
2) Saint Pierre ;
3) Saint Paul ;
4) Déisis, Jésus-Christ et la Vierge Marie (sans Jean-Baptiste) avec deux donateurs ci-dessous ;
À droite, sur le mur oriental du narthex intérieur, une mosaïque monumentale de La déisis (intercession) représente la Vierge demandant au Christ d'avoir pitié du monde . En raison de son rôle important en tant que Mère de Dieu, les Byzantins considéraient la Vierge comme un puissant intercesseur entre le Christ et les fidèles. Jean-Baptiste, souvent inclus dans la Deësis, a été omis, probablement pour maximiser l'échelle de l'image dans l'espace. Deux anciens patrons de la Chora s'agenouillent de chaque côté : Isaac Comnène et une religieuse appelée « Mélanie, la Dame des Mongols », qui pourrait être la fille de l'empereur Michel VIII.
La grande échelle de la Deësis de Chora fait allusion à la mosaïque monumentale de Deësis installée dans la galerie sud de Sainte-Sophie – une section de l’église réservée à l’usage impérial – après l’occupation de Constantinople par les croisés latins de 1204 à 1261. Ces échos visuels, ou « intervisualité » entre la Chora et Sainte-Sophie, suggèrent le désir de Théodore Métochites de s’associer aux empereurs de Byzance, et de son église à la cathédrale de la capitale, Sainte-Sophie.
En bas et à gauche de la Vierge Marie, il y a Isaac Comnène, fils de l'empereur byzantin Alexios Ier, et en bas et à droite de Jésus-Christ, il y a Marie Paléologue, fille de l'empereur byzantin Michel VIII Paléologue.
Les mosaïques du narthex intérieur culminent avec deux dômes de citrouille (du nom de leur forme cannelée qui ressemble à la surface ondulée d'une citrouille) qui présentent des mosaïques du Christ et de la Vierge entourés de leurs saints ancêtres des Écritures Au sein de la Chora, toute l’histoire humaine semble pointer vers ces deux personnages et le rôle central qu’ils jouent dans le salut de l’humanité.
La coupole sud montre un Christ Pantocrator et sa généalogie.
5) Premier registre (neuf fenêtres sont placées entre les personnages), les douze fils de Jacob, deux de Juda et le fils de Pérets. ;
6) Second registre, vingt-quatre prophètes de l'ancien testament.
Mosaïques de la vie de Marie
Les mosaïques des trois premières baies du narthex intérieur rendent compte de la vie de la Vierge et de ses parents. Certains d'entre eux sont les suivants :
1-Rejet des offrandes de Saint Joachim, père de Marie ;
2-
Joachim, sans enfant, va dans le désert ;
Annonciation de sainte Anne, l'ange du Seigneur annonçant à Anne que sa prière pour un enfant a été entendue ;
Les retrouvailles de Joachim et Anne ;
Naissance de la Vierge Marie ;
Les sept premiers pas de la Vierge Marie ;
L'affection donnée à la Vierge par ses parents (la moitié de la plus grande mosaïque) ;
La Vierge bénie par les prêtres (la moitié de la plus grande mosaïque) ;
Présentation de la Vierge Marie au Temple (grande mosaïque) ;
La Vierge Marie nourrie par un ange ;
La Vierge Marie recevant une éducation dans le Temple (largement manquante, seule l'inscription grecque et la partie supérieure visibles) ;
La Vierge Marie recevant l'écheveau de laine violette, les prêtres décidant de faire tisser un voile par les servantes pour le Temple ;
Zacharie priant, quand il était temps pour la Vierge Marie de se marier, le grand prêtre Zacharie a réuni tous les veufs et a placé leurs verges sur l'autel, priant pour un signe montrant à qui elle devait être donnée ;
La Vierge Marie confiée à Joseph ;
Joseph emmenant la Vierge dans sa maison ;
Annonciation à la Vierge au puits ;
Le Christ et la Vierge
Le Christ et la Vierge sont les principaux sujets de la plupart des mosaïques qui remplissent les narthex intérieurs et extérieurs. Des scènes narratives de la vie de la Vierge et du Christ ornent divers espaces architecturaux et présentent souvent des expérimentations avec des figures et des compositions.
Dans une représentation dynamique de l'Annonciation, la Vierge regarde maladroitement par-dessus son épaule alors que Gabriel s'approche d'en haut. L'image répond à la surface architecturale triangulaire dans laquelle elle se situe, ce qui donne lieu à une composition diagonale non conventionnelle.
Une image de la Vierge Marie avec ses parents témoigne d'une intimité remarquable et évoque la vie quotidienne. De telles images « quotidiennes » de la Chora remettent en question les généralisations courantes selon lesquelles l’art byzantin est lointain, spiritualisé et surnaturel.
Joseph prenant congé de la Vierge, Joseph a dû partir pendant six mois pour affaires et à son retour, la Vierge était enceinte et il s'en méfie.
La coupole nord
La coupole nord présente la vie de Marie et ses ancêtres. Seize rainures sont disposées autour du médaillon de la Vierge à l'Enfant, dans ces rainures sont représentés les seize rois de la Maison de David, considérés comme les ancêtres de Marie aussi longtemps que les autres.
L'église principale
Seules trois mosaïques subsistent aujourd'hui dans l'église principale. Une mosaïque de la Dormition de la Vierge Marie apparaît sur le mur arrière (ouest) du naos. Et deux icônes proskynetaria du Christ et de la Vierge flanquaient autrefois le templon (la barrière entre le sanctuaire et le naos, qui n'existe plus). Ces trois images indiquent que l'accent mis sur le Christ et la Vierge, commencé dans les narthex, s'est poursuivi dans l'église principale où était célébrée l'Eucharistie.
Les portes centrales de l'ésonarthex mènent au corps principal de l'église, le naos. Le plus grand dôme de l'église (7,7 m de diamètre) se trouve au-dessus du centre du naos. Deux dômes plus petits flanquent la modeste abside : le dôme nord est au-dessus de la prothèsis, qui est reliée par un court passage au bêma ; le dôme sud est sur le diakonikon, qui est atteint via le parecclésion.
La Dormition de la Vierge (en grec, Koimesis de la Vierge) est représentée sur une mosaïque au-dessus de la porte centrale de la nef. L'enfant que tient le Christ derrière elle symbolise son âme. Cette mosaïque de composition classique est l'unique représentante qui nous soit parvenue d'un ensemble de mosaïques représentant les Douze Fêtes, qui occupaient toute la nef. Sans mobilier et dépourvue d'autres décorations, le naos ne laisse plus à voir que les marbres qui le décorent et donne une impression de froideur, renforcée par les tons bleus et verts des veines du marbre ainsi que par le faible éclairage.
1-Koímêsis, la Dormition de la Vierge. Avant de monter au ciel, son dernier sommeil. Jésus tient un enfant, symbole de l'âme de Marie ;
Jesus Christ ;
Théotokos, la Vierge Marie avec l'enfant. Placée au-dessus de la mosaïque de la Vierge à l'Enfant, une sculpture dans un médaillon de Jésus-Christ, le visage est mutilé. Tout autour sont sculptés des décors de végétaux. Aux extrémités de la partie haute, sont représentés deux anges tenant une lance dans une main et montrant la paume de leur autre main.
À droite de l'esonarthex, des portes s'ouvrent sur la chapelle latérale, ou parecclésion. Le parecclésion était utilisé comme chapelle mortuaire pour les sépultures familiales et les mémoriaux. Le deuxième plus grand dôme (4,5 m de diamètre) de l'église orne le centre du toit du parecclésion. Un petit passage relie le parecclesion directement au naos, et hors de ce passage se trouvent un petit oratoire et un cellier.
Les murs et les plafonds du parecclésion sont principalement recouverts de fresques. Au fond du parecclésion se trouve notamment le chef-d'œuvre de l'église : une fresque représentant la Résurrection ou Anastasis. Dans la coupole figure une grande composition du jugement dernier et dans la nef un cycle de représentations de l'Ancien Testament qui préfigurent l'incarnation (l'échelle de Jacob, le buisson ardent, le transport de l'arche de l'alliance).
Le Parekklesion
Les fresques de la parekklesion (chapelle latérale), située au sud de l'église principale, sont mieux conservées et présentent un message de salut digne de cette chapelle funéraire. Des Arcosolia (retraits voûtés pour tombeaux) ponctuent les murs et étaient destinés à l'enterrement des Théodore Metochites et de ses proches.
On pénètre dans le parekklesion sous une coupole ornée de fresques représentant la Vierge à l'Enfant entourée d'anges.
Des hymnographes apparaissent dans les pendentifs sous le dôme. Plus bas se trouvent des scènes de l'Ancien Testament, notamment l'échelle de Jacob, Jacob luttant contre l'ange, Moïse et le buisson ardent, des scènes avec l'Arche d'Alliance, et bien d'autres encore, qui étaient comprises comme des « types » du Christ et de la Vierge. En d’autres termes, les Byzantins croyaient que ces épisodes de l’Ancien Testament préfiguraient le salut de l’humanité par le Christ. Au ras du sol, des saints soldats entourent les tombeaux, brandissant leurs armes tels des gardiens sacrés des morts.
En progressant plus loin dans le parekklesion, le spectateur passe sous une image du Jugement dernier puis de la résurrection des morts (Anastasis) à la fin des temps dans l'abside.
Les vêtements volumineux des personnages de cette scène sont une caractéristique de l'art byzantin tardif. Tiré de textes non bibliques, l'Anastasis représente le Christ libérant les âmes humaines de la captivité de la mort. Entièrement vêtu de blanc, le Christ avance dynamiquement sur les serrures et les portes brisées du monde souterrain, et une personnification de la mort liée et vaincue au bas de la composition. Adam et Ève sont arrachés avec force de leurs tombeaux par le Christ ressuscité.
Vue d'ensemble :
sources :