Après l’exposition de 2020 , Les villes ardentes. Art, travail, révolte 1870 - 1914, consacrée à la représentation du travail urbain, le musée des Beaux-Arts de Caen s’intéresse à la manière dont le développement commercial sans précédent des villes se manifeste dans le regard des artistes de 1860 à 1914. Elle recoupe en partie Enfin le cinéma ! Arts, images et spectacles en France (1833-1907), (2021)la première partie de l'exposition Le Paris de la modernité (1905-1925) (2024).
À nouveau, le musée adopte un point de vue élargi sur les oeuvres produites avant la Première Guerre mondiale, déplaçant les oppositions habituelles pour mêler différentes visions d’une même modernité : Jules Adler et Fernand Pelez sont exposés aux côtés de Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Raoul Dufy, Maximilien Luce ou Théophile Steilen... Le parcours fait revivre le bouillonnement des villes marchandes à travers une centaine d’oeuvres (peintures, photographies, films, dessins, gravures) auxquelles se mêlent de petits ensembles d’enseignes commerciales, d’affiches publicitaires et d’objets promotionnels.
Commissariat scientifique : Anne-Sophie Aguilar : historienne de l'art, maitresse de conférence à l'Université Paris-Nanterre ; Éléonore Challine : enseignante-chercheuse en histoire de la photographie à l'Université Paris1 Panthéon-Sorbonne ; Emmanuelle Delapierre, conservatrice, directrice du musée des Beaux-Arts de Caen
Dans les grandes métropoles, au premier rang desquelles Paris, les lieux de commerce se multiplient et se diversifient. L’apparition des grands magasins n’entraîne pas la disparition des vendeurs ambulants, des échoppes ou des boutiques traditionnelles. La rue prolonge la boutique. Les marchandises abondent et le spectacle est permanent.
L'avenue de l'Opéra Camille Pissaro,1897 |
Boulevard des italiens la nuit Alexandrowitch Tarkhoff, 1900 |
Boulevard de Clichy Pierre Bonnard,1911 |
Au 19e siècle, les descriptions de magasins et de marchandises prennent une place grandissante dans les récits de voyage et les guides. De signes de prospérité générale de la ville, les lieux de commerce deviennent des lieux de « shopping ». Défini comme le plaisir de comparer et d’évaluer les marchandises et les boutiques, le « shopping » - terme apparu progressivement au 19e siècle - constitue une activité sociale, culturelle et de loisir. Il est alimenté par des artifices de vente et un arsenal publicitaire bientôt omniprésents.
La disposition des étalages et des devantures, les annonces dans la presse, les voitures siglées, les catalogues de vente, les objets promotionnels, les affiches et les enseignes : tout concourt à créer un petit théâtre de la marchandise. Les artistes de la vie moderne sont les témoins privilégiés des transformations économiques, visuelles et sociales des villes. Leur regard s’attarde sur l’effervescence consommatrice. Sensible à la présence des commerçants ambulants, aux gestes des modistes, aux attitudes des garçons de café, il relève encore les lettres des enseignes et des publicités qui font de la ville un « magasin d’images et de signes » comme l’écrivait Charles Baudelaire en 1859.
Le carreau des Halles Victor-Gabriel Gilbert, 1885 |
Rue des Abesses, L'épicerie Maximilien Luce, 1896 |
Le marché de Marseille Raoul Dufy, 1905 |
A la boucherie Jean-Emile Laboureur, 1938 |
Promenade en calèche Guiseppe de Nittis, vers 1877 |
Regent street Jacques Emile Blanche |
Vitrine d'un magasin d'images John Sloan, 1907 |
Place de Clichy (Pierre Bonard , 1895) | Vue de Paris (Louis Valtat, 1893) |