Henri Cartier-Bresson. L'imaginaire d'après nature.


Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris.


19 juin au 13 septembre 2009

Pour remercier le musée de lui avoir consacré deux expositions, HCB lui fait don de celle-ci en 1982. Déjà conçue comme une rétrospective, elle présente ce que le photographe considère lui-même comme le meilleur de son œuvre.

Elle s'organise ici selon quatre parties : les premières œuvres, témoin de son temps, photographe de la vie quotidienne et portraitiste.

Les travaux de ses débuts confirment l'intérêt de HCB pour la peinture et en particulier pour le mouvement surréaliste. Adepte de "l'équilibre expressif", il fait confiance à son intuition et au "hasard objectif". Il n'en reste pas moins que ses photographies sont extrêmement composées. Les lignes y sont toujours fortes et les équilibres entre les masses soigneusement entretenu.

La deuxième partie rassemble des images qui relèvent plus nettement de la photographie de reportage. Après la couverture de la libération, HCB co-fonde l'agence Magnum et séjourne longuement en Asie. Il s'éloigne provisoirement du pittoresque qui marquait ses premières œuvres pour rendre compte de la souffrance liée aux bouleversements induits par la guerre (ici). Ce qui ne change guère, c'est l'intérêt porté à la condition humaine, constant dans l'épreuve, et qui lui vaudra d'être associé à l'esprit qui préside à la célèbre exposition Family of Man (Museum of Modern Art, New York, 1955). Sous l'égide d'Edward Steichen, elle tente de rendre compte de la photographie de son époque sous l'angle de l'universalité de l'expérience humaine.

Les années 50 voient HCB revenir à une photographie apaisée mais fidèle aux mêmes principes. Grand voyageur, il rapporte maintes scènes de rue où l'individu évolue dans son environnement naturel, le plus souvent harmonieux et rigoureusement organisé. Les lignes de constructions y découpent des espaces volontiers contrastés. Contrastes de lumières, contrastes de matières qui soulignent les contrastes de situation. Les sujets sont en mouvement et représentent une humanité joueuse ou industrieuse. Une attention soutenue est apportée au quotidien, aux activités marquées par les particularismes locaux mais dans lesquelles tout le monde peut se retrouver. Le réalisme poétique n'est pas loin et l'humour naît souvent du détail, de l'insolite.

La dernière partie est consacrée au portrait. Sollicité par les artistes, HCB livre des portraits où l'environnement prend aussi une place importante. L'ironie est marquée une nouvelle fois par les oppositions entre les thèmes ou entre les formes. Ainsi le visage en rondeurs de Calder répond à une structure métallique toute en lignes qui évoque son œuvre (ici), ou encore ce cliché de Giacometti en homme qui marche longiligne qui traverse la rue en s'abritant de la pluie (ici, tout en bas).

La théorie du "mouvement décisif" s'accompagne donc de solides partis pris quant à la composition et la logique interne des images. Le hasard objectif et le "pressentiment" des débuts s'effacent quelque peu devant nombre de principes, dont beaucoup sont énoncés au cours de l'exposition : respect de l'ambiance, intégration du milieu, évitement de l'artifice, choix de la discrétion, refus de la retouche. C'est en somme une éthique de la photographie qui s'expose ici, de celles qui fondent un classicisme.

Christophe Cormier, le 24 juillet 2009.

 

 

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