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Depuis 2012, le Frac Normandie Caen, L’Artothèque Espaces d’art contemporain et l’école supérieure d’arts & médias de Caen/Cherbourg (ESAM) se sont associés pour construire un socle commun de conférences d’histoire de l’art. En 2019, pour ce 8e cycle, entre janvier et avril 2019, ce partenariat est étendu au Cargö-Scène de musiques actuelles.

Après Le corps à l’œuvre dans l’art du XXe siècle en 2018, quatre conférences explorent les arts sonores pour une histoire du son dans l'art contemporain par Alexandre Castant, essayiste et critique d’art.

Né en 1965, Alexandre Castant est, depuis 2003, professeur d’esthétique et histoire de l’art contemporain à l’École nationale supérieure d’art de Bourges où il dirige le séminaire sur la création sonore et les arts visuels, L’Atelier sonore d’esthétique. Il a été chargé de cours à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg (1997-2007), à l’École supérieure d’arts et médias de Caen (2000-2003). Il a accepté de répondre à quelques questions avant la conférence du 18 mars 2019.

Alexandre Castant, le 18 mars 2019

Nous nous installons au café Marcel, café des Rives de l'Orne, entre la gare et l'Esam. Alexandre Castant est heureux de revenir à Caen pour ce cycle de conférences. En effet, les souvenirs du temps où il enseignait à Caen sont  maintenant anciens : les cours qu'il donnait alors se tenaient dans l'ancienne Ecole des Beaux-Arts, rue de geôle.

Le son dans l'art contemporain est un sujet plutôt inhabituel. Qu'est-ce qui vous a amené vers ce champ d'études ?

Ma thèse portait sur l'image dans la littérature d'André Pieyre de Mandiargues; donc déjà sur les relations entre les arts ; il s'agissait de comprendre comment les écrivains prennent en charge le visuel. Diderot qui inaugure la critique d'art parle pour ses lecteurs qui ne voient pas les œuvres. Il parle du "vif de l'image" ou comment donner à voir par le texte. Ce sujet sera abordé par le Colloque à Cerisy-la-Salle en 2020, écrire entre les arts.

Ecrire entre les arts m'a conduit à des textes parlant de photo, de cinéma mais surtout à travailler le rapport image et son, et à chercher comment, en parlant de médium différents, utiliser des méthodes critiques différentes.

A la fin des mes études, j'ai d'abord exercé le métier de journaliste, de critique. J'ai ainsi été producteur de documentaires avec les archives de l'INA puis pour France Culture. La radio permet tout à la fois de penser le son et de pratiquer le montage.

Existe-t-il une œuvre fondatrice qui vous a décidé sur cette voie ?

Probablement Citizen Kane où le son "Rosebud", entendu au tout début du film, devient image lors du dernier plan. La neige, comme la page blanche, associée au nom de la luge, m'a aussi sans doute marqué.

Poursuivez-vous toujours cette double approche : d'une part enseignant et théoricien à Bourges et d'autres part journaliste rendant compte de différentes expositions ?

Bourges est une école d'art d'où sont sortis des artistes prestigieux : Claude Levêque ou  Mathieu Mercier par exemple. Elle est spécialisée en arts (pas de design par exemple) avec un large panel incluant la vidéo et les performances.

Le travail théorique se traduit surtout par des livres : Planètes sonores, radiophonie, arts, cinéma (2007), Journal audiobiographique : les pratiques sonores dans l'art contemporain (2016) et,  Les Arts sonores – Son & Art contemporain qui, entre synthèse et panorama, revêt aussi les allures d’un livre-manifeste sur le champ esthétique du son dans l’art (2017).

Dans ce Journal audiobiographique vous racontez votre voyage à Shanghai est-ce un lieu à conseiller à qui s'intéresse à la problématique du son aujourd'hui ?

Oui et non : à Shanghai, on se rend compte aussi de la mondialisation des enjeux esthétiques.

Est-ce que ce voyage a changé votre façon d'écrire ?

Le récit est intégré dans Journal audiobiographique : les pratiques sonores dans l'art contemporain (2016) qui prend la forme libre d'un récit au jour le jour. Mais ma façon d'écrire ne change pas pour autant : opérer un panorama historique, être attentif à la micro-analyse, rendre compte précisément d'œuvres et porter une attention particulière à l'écriture.

Qu'est-ce qui a changé dans les arts sonores depuis 10 ans ?

L'art contemporain reste toujours un peu confidentiel mais l'étude du son l'est peut-être moins qu'auparavant. Elle a explosé depuis 15 ans avec des festivals spécialisés. Bruce Nauman aux Etats Unis a obtenu une large reconnaissance. Mais surtout, avec la démocratisation des ordinateurs, portables notamment, tout devient plus facile. Les magnétophones à bandes ont été remplacés par les k7 magnétiques, puis les CD, MySpace et maintenant les clés USB et le Cloud.

Mutation importante aussi au Palais de Tokyo avec l'intérêt des artistes pour la pop musique.

L'art du son est aussi plus en prise avec les préoccupations écologiques, avec des œuvres qui mettent en jeu la perception des quatre éléments : le son végétal, de la terre, du feu ou de l'eau.

Et puis on rencontre souvent des œuvres fortes au cours d'expositions, comme celle du Casino Luxembourg : Buveurs de quintessences. Cette expression mélancolique synonyme d’artiste, extrait du poème en prose de Charles Baudelaire Perte d’auréole (Le Spleen de Paris, 1869), donne à l’exposition son titre. Le poème y relate l’histoire d’un poète dont l’auréole est tombée dans le macadam et, ce faisant, alors qu’on le presse de la récupérer, il préfère, quant à lui, s’accommoder de cette aura perdue et faire sans elle. Signature de la fin du geste artistique et du sublime en art, métaphore de l’œuvre en creux, absente, et même de son abandon. L'exposition présente ainsi une synthèse des recherches de l’art actuel le plus pointu telle l’immatérialité des formes, l’effet perceptif du vide ou les limites de l’espace perçu.

Annick Polin et Jean-Luc Lacuve, le 27 mars 2019

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