Rencontre avec Isabelle Huppert
dans le cadre des séminaires de l'Exception, du Café des images et du CDN, le samedi 2 avril 2005.
© Jean-Marc Piel

Geneviève Troussier rappelle qu'Isabelle Huppert est déjà venue au Café des Images pour présenter un spectacle de Claude Régy et s'associe à Jean-Michel Frodon pour remercier l'actrice qui doit jouer le soir même Hedda Gabler au Théâtre d'Hérouville-saint-Clair. Jean-Michel Frodon remercie aussi Isabelle Huppert de clôturer la succession de rencontres sur le thème des acteurs, de se prêter au jeu de la réflexion et du questionnement sur ce thème. On inclut en effet rarement les acteurs dans la réflexion sur la mise en scène comme si on ne comprenait rien à leur jeu.

J. - M. F. : Dans Une affaire de femme (Claude Chabrol, 1988) quel est ton souvenir d'interprète, de ta relation entre toi, le personnage et Chabrol ?

I. H. : C'était il y a longtemps. J'ai eu l'occasion de me souvenir de mes interprétations avec le travail que je viens de terminer, il y a quinze jours, avec Reny Horn, vidéaste photographe. Elle m'a photographiée pendant quatre jours rejouant cinq ou six films que j'avais joués. Il s'agissait de retrouver le sentiment de Une affaire de femme, Madame Bovary (1991), Merci pour le chocolat (2000) presque que des Chabrol. Pour chaque rôle, il convenait de trouver un axe, un regard, une expression précise, une attitude, un sentiment qui appartient à ce rôle. Les retrouver si tardivement a été plus facile pour Madame Bovary, rôle assez théâtral que pour Merci pour le chocolat, rôle plus mystérieux.

J. - M. F. : La photographe connaissait-elle les films ?

I. H. : Oui mais c'était très différent d'essayer de traduire le film en seulement quelques expressions.

J. - M. F. : As-tu essayé de retrouver ton état comme personnage ou comme comédienne ? Ou, si l'on veut, as-tu essayé de te souvenir de comment tu étais ou as-tu essayé de te souvenir d'une technique ?

I. H. : Le plus dur dans le cas d'Une affaire de femme, qui parle d'une avorteuse, était qu'il n'y avait pas de gestuelle connue. Comme d'habitude, je ne posais pas beaucoup de questions à Chabrol mais, là, je lui ai quand même demandé. Il m'a simplement répondu : "C'est comme si tu faisais de la plomberie". Il a évidemment tout à fait raison : l'important ce n'est pas pourquoi on le fait mais comment on le fait. Le sentiment est là mais il ne vient que dans un second temps. Je ne parlerai pas vraiment d'une technique pour trouver l'interprétation juste, plutôt d'un artisanat.

J. - M. F. : S'agit-il de retrouver des gestes ?

I. H. : Les acteurs américains aiment bien retrouver une pratique (bien trop souvent celle d'un pilote d'avion !) Je crois davantage à la force de l'imaginaire. Les sœurs Brontë, qui ont écrit les chefs-d'œuvre que l'on sait, ne sont jamais sorties de leur monastère.

J. - M. F. : Tu dois bien retrouver une technique quand tu joues un professeur de piano ?

I. H. : Là j'ai beaucoup travaillé car Haneke tenait à ce que ce soit nous qui jouions, du moins au début pour une question de vraisemblance. C'est encore plus remarquable pour Benoît Magimel qui n'avait jamais touché un piano de sa vie. Je me suis aussi inspirée des attitudes des pianistes.

J. - M. F. : Tu as un long parcours commun avec Chabrol, Violette Nozière (1978) puis Une affaire de femme et quatre autres films encore. Qu'est-ce que vous avez construit sur cette durée longue ?

I. H. : Je n'en ai pas eu conscience immédiatement mais Chabrol est l'auteur flaubertien par excellence. Il dresse des figures féminines anti-romantiques, pas idéalistes. C'est ce sillon que j'ai reproduit de film en film en cherchant une place pour ce genre de regard. Souvent tout tourne autour d'un personnage en état de survie, dur certes, mais moins dur que le monde qui l'entoure. Il est moins responsable de ce qu'il fait que le monde qui l'entoure.
Je n'aime pas le moralisme au cinéma. On dit d'Hedda Gabler qu'elle est dure, antipathique. C'est le sujet de la pièce. C'est pour ça qu'elle est intéressante. Cette ambivalence du personnage attire les gens puisqu'ils viennent voir la pièce.
Je ne trouve pas intéressant de sauver un personnage à tout prix. Le rendre aimable, le sauver oui mais pas à tout prix, sur chaque scène.

J. - M. F. : Chez Chabrol, les personnages sont toujours différents de l'image que les gens ont d'eux. Je n'ai jamais vu autre part que sur les tournages avec toi et Chabrol auxquels j'ai assisté une telle connivence, une connivence active qui produit des effets de mise en scène. Il ne ferait pas ce film là exactement si ce n'était pas avec toi.

I. H. : Merci pour le chocolat se termine sur l'image d'un châle comme une raie qui enchâsse le personnage. Je ne veux pas minimiser le rôle de l'acteur (je ne suis pas là pour ça - rires) mais il agit moins qu'il n'est agi. Il est pris en charge par une force extérieure qui est le metteur en scène. On ressent intellectuellement et physiquement cette force. Chabrol a l'habitude de dire : " Ce n'est pas difficile de trouver la place de la caméra, il n'y en a qu'une" ... encore faut-il la trouver. Je sais comment je vais jouer une scène si la distance par rapport à la caméra ou aux personnages est juste. C'est à dire pour que le sentiment soit juste par rapport à ce qui doit être dit. Pas besoin alors de poser des questions. Des rails sont aussi placés au début du film : les costumes, les coiffures, comment le personnage est coiffé, habillé comment il marche, s'il a des talons ou pas. La pianiste par exemple marche plat, une démarche induit un sentiment. Tout cela, ce sont autant d'indices pour trouver le personnage.

J. - M. F. : Sur les indices, tu as plus d'informations que le spectateur, car tu as lu le scénario. Contient-il des indices déterminants ? Et après, tu demandes toutes les informations possibles au metteur en scène où considères-tu que ce sont tes prérogatives ?

I. H. : C'est sur le scénario qu'on décide de faire ou non le film. Une fois que l'on a décidé, une grande partie du travail est fait. Quelque chose naît à l'intérieur de soi. C'est mystérieux. Ce n'est pas à la mesure des informations données. Cette figure que je sens à l'intérieur du scénario, je vais pouvoir la traverser ou elle va me traverser.

J. - M. F. : Les acteurs masculins ont des rapports de pouvoir avec le metteur en scène et les femmes plutôt des rapports de séduction ?

I. H. : Oui, Doillon ne supporte pas les hommes il ne tourne plus qu'avec des adolescents. Le vrai pouvoir c'est le metteur en scène qui l'a et c'est plus dur à accepter de la part d'un homme que d'une femme.

J. - M. F. : Je viens de retrouver le passage du livre de Chabrol " Comment faire un film " où il parle de toi : " Isabelle Huppert, par exemple, est incroyable. Il suffit que je lui dise où je vais mettre la caméra, elle devine immédiatement comment la scène va être tournée, quelle sera sa place dans le cadre. Je n'ai besoin de rien lui expliquer " (1).

I. H. : Faire confiance, un pacte, une croyance il ne faut pas avoir peur de ces mots. Dans La dentellière (Claude Goretta, 1977), je suis conduite, yeux bandés par Yves Beneyton au bord de la falaise. Un acteur et son metteur en scène, cela pourrait être cela : un acteur avance en état de cécité jusqu'au bord de la falaise et il fait confiance

J. - M. F. : Reçois-tu parfois des propositions qui te surprennent par la façon dont le metteur en scène te voit ?

I. H. : Oui, cela m'est arrivé récemment avec Olivier Dahan pour La vie promise (2001). On me donne d'habitude des rôles cérébraux. Cela m'a fait plaisir qu'on me propose un rôle plus féminin, histoire de me mettre sur des talons hauts... pour que je vacille dessus, qu'il y ait nécessité de ne pas tenir dessus.

J. - M. F. : Contrairement au théâtre, la caméra découpe le corps à chaque fois à des endroits différents. C'est quelque chose qu'on anticipe ?

I. H. : Non, on sait que c'est comme cela au cinéma mais je fais confiance au cinéaste. On voit que le corps est morcelé au cinéma ; que contrairement au théâtre le langage du corps est morcelé. Au théâtre, la scène donne l'impression d'être grandie, tout est illusion. Au cinéma, on se voit de face, rarement de profil, presque jamais de derrière. Mais de tout cela on s'en fiche un peu, comme disait Chabrol : " Le travail du spectateur c'est de voir des films, celui de l'acteur de les faire. "

Projection d'extraits de La pianiste (Haneke, 2000), 8 femmes (François Ozon, 2001), La vie promise (Olivier Dahan, 2001), Ma mère (Christophe Honoré, 2003).

J. - M. F. : Dans les deux premiers extraits, tu joues une fille face à sa mère. Tes interprétations étaient-elles différentes ?

I. H. : Les situations étaient très différentes. Il n'y a pas vraiment de point commun. Dans 8 femmes, il n'y a pas d'exploration de la relation avec la mère.

J. - M. F. : Avec Annie Girardot ou Danielle Darieux et Catherine Deneuve, aviez-vous l'impression de partager un savoir commun entre vous ?

I. H. : J'avais déjà joué avec Annie Girardot dans Docteur Françoise Gailland (Jean-Louis Bertolucci, 1976). Ça nous a amusées de nous retrouver si longtemps après. Maintenant c'est un peu passé, une histoire ça s'oublie très vite. Mais c'est vrai que le rôle est intéressant s'il est entouré de tout un imaginaire qui se construit autour de lui.

J. - M. F. : Dans un film où tu retrouve de grandes actrices, créez-vous un espace entre vous, à distance du cinéaste ?

I. H. : Non, pas dans ces films. Avec des cinéastes avec moins de personnalité que Ozon ou Haneke peut-être un peu. Mais, non, on n'a pas l'impression de prendre le pouvoir.

J. - M. F. : Dans le troisième extrait, tu ne dis rien, ton jeu est minimaliste, le contraire de l'hyper-activité, de l'outrance des comportements.

I. H. : Dans le film elle est parfois bien plus active. Ici c'est un moment d'absence, elle essaie de se souvenir de l'endroit où elle était. Dans La pianiste, les scènes d'action physique étaient très dures. A la fin de la scène, il s'agissait de savoir si la façon dont je lui tirais les cheveux était bonne ou pas. L'éthique de Haneke sur ce genre de scène peut le conduire à y consacrer six mois. Pareil avec le coup de pied dans une scène avec Benoît Magimel. Pour Haneke, on peut faire croire, faire semblant sur le sentiment mais pas sur l'acte physique. Finalement sur la scène des cheveux tirés, il a coupé assez vite alors que je la trouvais très bonne.

J. - M. F. : Est-ce que tu plaides ta cause entre deux prises pour garder celle où tu es la meilleure ?

I. H. : Non, Haneke fait faire et refaire. Parfois cela peut aller jusqu'à 45 prises. Losey faisait une prise quoi qu'il arrive. C'était très risqué, surtout lorsque l'une des prises était tournée au Japon. Bunuel se contentait d'une prise aussi, mais par provocation. A l'inverse, Doillon fait beaucoup de prises. Cela génère de la lassitude, puis on retrouve autre chose. Le cinéma est plein d'impondérable. Pialat disait que les vrais films, on ne les voit jamais : c'est ceux qui sont composés des moments avant le mot moteur et après couper. C'est un sentiment que je n'ai jamais retrouvé avec aucun autre cinéaste. La caméra s'allumait mais il ne le disait pas. Caroline Champetier ne coupe pas non plus au mot "couper" mais laisse tourner encore un peu. "Couper" cela évoque guillotine, couperet.

J. - M. F. : Tu ne fais pas partie de ceux qui vont voir les rushes ?

I. H. : Maintenant les films sont montés en numérique, on peut les voir en vidéo, en K7 avant de se coucher. Le labo c'est très loin. Il faut parfois des semaines avant de le voir. Avant tous les soirs, ils étaient projetés, maintenant on ne voit plus les rushes.

J. - M. F. : Le fait de te voir, ça te sert pour le lendemain ?

I. H. : Je me dis que sur la 5 j'étais bien et sur la 7 nulle. Parfois je vais voir la scripte et je lui laisse le message. Mais Renoir disait que si on remontait le film avec d'autres prises, il resterait le même film.

J. - M. F. : Mais bien sur ce n'est pas vrai. C'était de la provocation.

I. H. : Je pense qu'il le disait sérieusement. Et Chabrol n'est pas loin de penser la même chose. Quand je lui exprime ma préférence pour une prise, il me répond "si tu veux l'autre, on prend l'autre ".

 

Question : Vous avez dit un jour "C'est parce que j'ai la faculté de regarder celui qui me regarde que je me constitue un espace de résistance". Cela m'a beaucoup impressionné. Pourriez-vous développer ce que vous avez voulu dire ?

I. H. : Sans doute qu'il y a nécessité à instaurer une certaine distance avec celui qui me regarde. Il ne faut pas non plus avoir le nez collé sur le personnage. C'est dans cet espace que l'imaginaire peut se constituer. Mais c'est un peu compliqué, on va oublier.

Question : Vous nous avez parlé des films avec de grands metteurs en scène mais referez vous aussi des premiers films comme Les sœurs fâchées avec Catherine Frot ? Avez-vous une attitude différente avec les jeunes réalisateurs ?

I. H. : Bien sûr, Catherine Frot ne fait que des films qui marchent. Christophe Honoré est aussi un jeune réalisateur, Ma mère son adaptation de Georges Bataille était son premier film. Pour Les sœurs fâchées, premier long métrage d'Alexandra Leclère, j'ai porté une attention plus méticuleuse au scénario. Alexandra Leclère n'avait peur de rien ni de personne. Et c'est tant mieux : les acteurs c'est un peu comme les animaux : la peur ne les rend pas aimables.

Question : Contrairement au théâtre, au cinéma l'histoire nous échappe car le tournage est morcelé. Comment faire pour savoir où en est le personnage sur chaque scène ?

I. H. : C'est une bonne question mais, vous savez, dans Les chemins de la haute ville (Jack Clayton, 1959), Simone Signoret a raconté avoir tourné la scène clé le 1er jour en 5 minutes. Elle y est formidable et a remporté l'Oscar. Certains cinéastes font l'effort de tourner dans la continuité. Heureusement que Haneke ne nous a pas fait jouer la scène de la patinoire dès le premier jour. C'est une question d'énergie : on a le rôle dans la tête, cela permet de faire face au saupoudrage du tournage. Au cinéma, il ne faut pas jouer la fin du film avant le début. On a le temps. Il ne s'agit pas de jouer tout le film à chaque instant. C'est un film qui se déroule et la pelote on l'a. Je sais ce qui va se passer et là où ça va me mener. Parce que le rôle est en moi. Je sais à quel endroit de moi il se situe, il arrive facilement... comme un bébé (rire)

Question : Faites-vous une différence entre vos interprétations au théâtre et au cinéma ?

I. H. : Ce qui m'a plu, c'est de ne pas me poser la question de la différence. Faire comme s'il n'y en avait pas. D'ailleurs, en me plaçant à tel ou tel endroit avec plus ou moins de décors, Lacascade fait des gros plans, me saisit parfois au plus près, dans l'intimité ou plus loin, en plan large. Au théâtre, les gens ont aussi le tort d'être habitués à certaines conventions : il faut parler fort. Si l'on parle plus bas, les spectateurs entendent mais ils pensent que ce n'est pas du théâtre si le texte n'est pas proféré. Au théâtre aussi, on peut perdre un mot, tendre l'oreille.

Au cinéma, il s'agit plus souvent d'une confrontation avec soi- même, au théâtre les rôles sont pleins de références, les rôles de Médée ou Hedda Gabler n'arrivent pas neufs. Mais c'est justement ce qui m'intéresse. Quand je joue Médée, c'est moi, Gabler c'est moi. Mais je ne sais pas qui c'est. On ne les a jamais rencontrées, on ne sait pas quelles têtes elles ont. On se reconnaît dans une personne pas dans un personnage. Au théâtre, les personnages ont des siècles. Je ne joue pas des personnages, je joue des personnes. Lacascade fait porter un chignon à Hedda Gabler. J'accueille cette indication. C'est une hypothèse qui ne doit pas se traduire psychologiquement par des phrases toutes faites du genre : " elle est méchante, elle tue son enfant… ". La complexité est au cœur de la pièce. Il ne faut pas la résoudre. Les pièces sont des énigmes en forme de question ; pas des réponses, des manières de rêver

Question : A quel moment avez-vous été attirée par le métier d'acteur ?

I. H. : Je n'ai pas le souvenir de m'être réveillée un matin avec cette décision. J'ai suivi le cours de Laurent Cochet puis rue Blanche et le conservatoire de Paris. Je n'y ai pas appris grand chose. Ce n'était pas de la faute du conservatoire, seulement ce n'est qu'après que j'ai commencé à travailler.

Question : Dans votre jeu comment définissez-vous votre rapport aux autres acteurs ?

I. H. : On ne se définit que par rapport aux autres. Dans sa mise en scène, Lacascade a supprimé le rôle de la bonne qui introduit les personnages. Toujours dérangée, surprise, Hedda est traversée par les personnages. C'est une plaque de résonance traversée par ses entrées successives des personnages. Le jeu n'est fait que des relations aux autres. On s'écoute davantage maintenant.

J'ai la réputation d'être une actrice minimale. Mais Patrice Chéreau dans Gabriel avec Pascal Grégory (sortie prévue le 24 septembre 2005) m'a soumise à une direction d'acteurs bien différente. C'est une adaptation de Trois soirées où Joseph Conrad cherche à montre ce qui perdure dans un couple uni pendant dix ans et qui se sépare. Au cinéma, la direction d'acteurs passe par des voies souterraines. Au contraire, au théâtre, la forme est nécessaire. On creuse un sillon très différent. Chereau m'a fait vaciller sur une base sur laquelle, confortable, je suis bien assise. Il m'a fait prendre une direction différente.

Question : On parle souvent de la part de féminité chez un acteur rarement de la part masculine chez une actrice.

I. H. : Ce qui me plaît, ce sont les forces cachées. Dans la vie, on ne les réprime pas mais on ne les exprime pas non plus. Brando possède à la fois une force masculine et une force féminine mystérieuse. Cet antagonisme est intéressant. Brando est comme ça. ça advient, il ne faut pas le réprimer

Question : Avez-vous déjà refusé un rôle ?

I. H. : Oui Funny Games (Haneke, 1997). C'est une démonstration de la manipulation du metteur en scène sur le spectateur. Les personnages ne sont pas des personnes. Ce n'est pas de la fiction mais une tentative expérimentale même si elle est basée sur un fait divers dans sa brutalité la plus insupportable. C'est Susanne Lothar, extraordinaire, qui l'a fait.
J'aurais pu le faire mais pas de plaisir. C'est une fonction acteur en position sacrificielle. J'ai besoin d'imaginaire, de fiction. C'est pourquoi j'ai beaucoup de plaisir à jouer Hedda Gabler.

Question : Si le personnage c'est moi, comment réintégrer son identité ?

I. H. : C'est moi et ce n'est pas moi. Sans quoi je serais à l'hôpital. C'est un jeu où l'on peut pousser très loin l'apparence de la réalité. C'est pour ça que les gens vont au théâtre ou au cinéma. C'est un jeu, où l'on utilise la distance entre ce que l'on est et le personnage.

 

Geneviève Troussier conclut en remerciant Isabelle Huppert pour l'engagement mis à répondre aux questions qui prouve bien, une fois de plus, qu'elle est une femme d'engagement. Elle fait également applaudir la troupe de Lacascade venue écouter la fin de la conférence de la comédienne qui dans moins de deux heures jouera Hedda Gabler avec eux.

 

(1) Claude Chabrol, François Guerif "Comment faire un film", 2003, manuels Payot, éditions du Seuil, p. 44

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