Le livre dessine les thématiques qui parcourent l’ensemble de l’oeuvre et les traits décisifs qui signent la mise en scène de Krzysztof Kieslowski.

Depuis ses films d’école jusqu’à L’Amateur qui, en 1980 au Festival de Berlin, lui offrit une reconnaissance internationale, du Décalogue à La Double Vie de Véronique, puis à la trilogie Bleu, Blanc, Rouge qui clôture l’oeuvre d’un auteur trop tôt disparu, le livre dessine les thématiques qui parcourent l’ensemble de l’oeuvre et les traits décisifs qui signent la mise en scène de Krzysztof Kieslowski.

Annette Insdorf s'attache à expliciter le sens des films au-delà des thématiques et motifs récurrents du cinélma de Kieslowski : "Si la fraternité se définit comme le fait d'être proche de ses voisins, il est certain que Rouge traite de liens fraternels. Kieslowki détourne ironiquement le sens du mot, puisque le juge à la retraite "écoute en secret les conversations téléphoniques de ses voisins. Mais le film explore surtout le lien grandissant entre cet homme maussade et la radieuse Valentine, mannequin et étudiante à Genève.

Le troisième volet de la trilogie est moins une construction linéaire qu'un jeu complexe de reflets, émaillé d'images récurrentes (téléphones, voitures, lumières éclatantes et taches de rouge) qui évoquent à la fois un désir de contact et une peur de l'intimité ; une sorte de question : de nos jours l'amitié est-elle possible entre un homme et une femme ?

Le boléro de Preisner est un éblouissant complément sonore : son thème lyrique se développe, puis se répète, sa structure même exprimant la résonnant accumulative de Rouge."

Ce travailde répérage et d'analyse se montre particulièrement utile et apssionant pour décrypter le décalogue :

" Dans le cycle de dix moyens-métrages, Kieslowski tente d'adapter les dix commandements dans la Pologne de son époque. Le film arrive à un moment ou Kieslowski est assez pessimiste. Au milieu des années 80, le chaos et le désordre règnent sur la Pologne ; le manque d'espoir et la crainte que le pire est à venir. Le regard du cinéaste sur les tentatives parfois maladroites et souvent bercées d'illusion de ses personnages pour vivre heureux, mêle la compassion à l'ironie.

Nombre des idées viennent de l'expérience personnelle du scénariste Kryztof Piesiewicz. L'intention est de faire réaliser par dix réalisateurs différents mais Kieslowski prend trop de plaisir à réaliser lui-même le premier pour abandonner. Il tourne les dix épisodes en 21 mois avec un directeur de la photo à chaque fois différent. Malgré des temps de répétition très courts et peu de pellicule le réalisateur parvient à convaincre des acteurs renommés (Olbrycski, Janda) de rejoindre le projet.

Les habitants d'un ensemble immobilier de Varsovie sont confrontés à des choix moraux. Mais chaque épisode revoie à un chiffre plutot qu'à un commandement.

Sous la pression des attachés de presse à la Mostra de Venise 1989 qui veulent savoir à quel commandement il faut relier chaque fragment ainsi que celle, préalable, de certains acteurs croyants du film conduisent Kieslowski à proposer la liste actuelle même s'il affirme que l'on peut échanger le sixième avec le neuvième, le quatrième avec le septième.

En réalité, les épisodes neuf et dix semblent se partager le neuvième commandement (Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain (…) ni la femme de ton prochain ni rien qui appartient à ton prochain) alors que le second (Tu ne feras pas d'idole) est absent de la liste.

Au premier plan du film, la caméra embrasse un paysage désolé, sans habitation. Un jeune homme est assis près d'un feu fumant. Il appartient au paysage, le col de fourrure de son manteau ajoute une touche primitive, animale. Sa figure solitaire fait face à la caméra comme une énigme. Nous ne saurons jamais qui il est. Cet homme (interprété par Arthur Barcis) qui apparaît à cinq reprises dans l'épisode un, on le retrouvera tout au long du décalogue. Il s'agit d'un pur regard capable d'enregistrer (comme une caméra ou un cinéaste) la folie et la souffrance humaine mais incapable de faire dévier le cours des vies dont il est témoin.
"

Annette Insdorf, enseignante à l’Université de Columbia de New York, auteur de l’Holocauste à l’écran (Le Cerf, 1985), ainsi que de François Truffaut : le cinéma est-il magique ? (Ramsay, 1989), traductrice et journaliste pour la presse écrite et la télévision.

 

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Kzysztof Kieslowski, doubles vies, secondes chances
Editions Cahiers du Cinéma : collection Auteurs. Traduit par Charles Tatum. 208 pages au format : 16,5 x 23,5 cm. 60 photos N&B, 23 €
Annette Insdorf