Editeurs : Potemkine et Agnès B, septembre 2012. Coffret 2DVD. Durée du film : 3h19. 20 €.

Suppléments :

  • Entretiens avec le réalisateur Andreï Kontchalovski (27'), le compositeur Edouard Artemiev (8'), le chef décorateur Alexandre Adabachian (6') et le scénariste Valentin Ezhov (12'.
  • Reportage d'époque (3').

Dans un petit village de Sibérie accroché aux berges d'un fleuve, deux familles rivales se font face et s'affrontent depuis toujours. Les Solomine, riches et jaloux de leurs privilèges, et les Oustioujine, pauvres, rebelles, idéalistes. Rien ne semble pouvoir perturber l'ordre établi au coeur des vastes étendues de forêts. Mais l'histoire en marche va bouleverser la vie de la communauté, et c'est par le fleuve qu'arrivera la Révolution, que partiront les soldats pour les guerres, qu'accosteront les pétroliers...

Andreï Kontchalovski le sait : "Il est plus facile de construire trois ponts que d'en construire un seul de la longueur de trois ponts". Ainsi quand il entreprend Sibériade dont le titre, calqué sur L'Iliade, indique la volonté de réaliser un film épique, entend-il se servir de tous les moyens, illimités, mis à sa disposition par la direction du parti communiste qui veut un film pour célébrer son congrès.

Le panthéisme supplante le réalisme soviétique

Andreï Kontchalovski abandonne le projet de La cerisaie avec Gina Lollobrigida et accepte de faire un film sur les travailleurs des puits de pétrole. Mais faire un film sur la classe ouvrière ou l'émulation aurait donné un film trop proche du réalisme soviétique. En six mois, Kontchalovski bâtit avec Ezhov un scenario plus ample : qu'est-ce que le pétrole signifie pour l'homme, l'humanité ? Quelles sont les conséquences de son exploitation sur la nature et l'environnement ? Est-ce un but ou un moyen?

Ils prennent comme point de départ l'histoire d'un village, d'un point sur la terre sur lequel passent les grandes vagues de l'histoire mondiale. Les vagues font rouler les galets, les apportent et les emportent ; les vagues de l'histoire font pareil avec les destinées humaines : les gens quittent un lieu, y reviennent sans cesse comme le ressac du temps. Le principe supérieur du panthéisme qui transparait dans le fait que la terre est un organisme vivant inquiète le ministre de la culture qui a peur d'être limogé.

Des rimes et de l'énergie rythmique pour l'Iliade russe.

Contrairement à la fresque un peu lourde de Guerre et paix (Sergueï Bondartchouk, 1967, 7h00), Kontchalovski est attentif à l'importance des rimes, des répétitions rythmiques de certaines images qui changent de sens peu à peu. Les motifs de l'étoile, de la route, de la chaîne et de la porte scandent le film. L'étoile reste au ciel alors que la route mène vers l'enfer, la terre où le gaz fait perdre la tête. La chaîne est offerte à Nikolaï enfant par Klimentov qui la porte en souvenir des quatre ans qu'il vient de passer en prison. Comme dit-il son compagnon Tommaso Campanella (personnage du XVIe) qui rêvait de construire la cité du soleil, l'homme est enchainé par une idée : la révolution, le communisme, le souvenir. La porte du village, par laquelle on s'enfuit et l'on revient finira par être détruite. Ces rimes sont comme les piliers sur lesquels reposent le film qui se compose aussi de chapitres qui débutent tous par une arrivée et se terminent par un départ du village (On fuit les campagnes et on y revient embrasé par certaines idées)

Sibériade est film épique, non pas par le nombre de personnages mais parce qu'ils sont des archétypes. Le grand-père éternel est une sorte de génie de la forêt, un personnage de conte russe ou Charon qui fait traverser le fleuve des morts. Le grand-père père fait encore partie de la nature : il entend les arbres qui pleurent et s'endort et meurt sur la fourmilière. Les six parties du film qui débute vers 1910 pour s'achever en 1970 sont centrées sur trois générations de Oustoujanine : le grand-père Afanassi, le père, Nikolaï et le fils Alexeï. Nikolaï aimera Anastasia et Alexeï aimera Taï, deux jeunes femmes de la famille rivale des Solomine dont l'un des descendants, Philippe, est le personnage principal de la sixième partie.

Comme contraste avec la vie monotone de la campagne, Kontchalovski fait appel à Pelechian pour sélectionner et monter des images d'archive pour produire une concentration d'énergie en début de chapitre. Les images documentaires procurent de l'énergie et sont comme la locomotive de l'histoire. Pelechian suggère une musique de Bach et Artemiev compose une toccata avec électronique, chœur et orchestre. Pour le reste Kontchalovski lui suggère de s'appuyer sur les quatre éléments : la terre (les hommes), le feu (le pétrole), l'air (le vent de la forêt), l'eau (le fleuve).

 

Entretien avec le réalisateur Andreï Kontchalovski (27')

La direction du parti communiste avait décidé de faire un film sur les travailleurs des puits de pétrole pour le congrès et lui offre un budget illimité. Il abandonne le projet de la cerisaie avec Gina Lollobrigida. Faire un film sur la classe ouvrière ou l'émulation aurait donné un film trop proche du réalisme soviétique. En six mois, il bâtit avec Lejov un scenario plus ample : qu'est-ce que le pétrole signifie pour l'homme, l'humanité ? Quelles sont les conséquences de son exploitation sur la nature et l'environnement ? Est-ce un but ou un moyen?

Ils prennent comme point de départ l'histoire d'un village, d'un point sur la terre sur lequel passent les grandes vagues de l'histoire mondiale. Les vagues font rouler les galets, les apportent et les emportent ; les vagues de l'histoire font pareil avec les destinées humaines : les gens quittent un lieu, y reviennent sans cesse comme le ressac du temps.

Le principe supérieur du panthéisme qui transparait dans le fait que la terre est un organisme vivant inquiète le ministre de la culture qui a peur d'être limogé.

Il est plus facile de construire trois ponts que d'en construire un seul de la longueur de trois ponts. D'où l'importance des rimes, des répétitions rythmiques de certaines images qui changent de sens peu à peu. Ces rimes, inscrites dans le scenario, se sont peu à peu inscrites dans le tissu de l'œuvre. C'est un film épique, non pas par le nombre de personnages mais parce qu'ils sont des archétypes. Le grand-père éternel est une sorte de génie de la forêt, un personnage de conte russe ou Charon qui fait traverser le fleuve des morts. Le père fait encore partie de la nature : il entend les arbres qui pleurent et s'endort et meurt sur la fourmilière. Philosophie de Fiodorov pour lequel, dans la vie tout finit par ressusciter. La route, la porte, l'étoile. Elle reste au ciel alors que la route mène vers l'enfer, la terre où le gaz fait perdre la tête. L'homme qui suit la route vers l'enfer, le fond du marais, la chaine du révolutionnaire, l'esclavage que peut constituer une idée.

Ces rimes sont comme les piliers sur lesquels reposent le film qui se compose aussi de chapitres qui débutent tous par une arrivée et se terminent par un départ du village. On fuit les campagnes et on y revient embrasé par certaines idées.

AU XXIe siècle on ne peut plus se permettre ces longueurs caractéristiques de l'époque. Malheureusement, constate Kontchalovski, ça ne se fait pas de couper. Alexeï interprété par Nikita Mikhalkov dans la dernière partie est un personnage étrange de commedia dell'arte. La guerre est filmée en noir et blanc, une guerre épique de poche. Plan séquence de 8'30 pour la dernière séparation.

Les images documentaires devaient procurer de l'énergie comme la locomotive de l'histoire. Il fait appel à Pelechian pour produire cette concentration d'énergie qui contraste avec la vie monotone de la vie à la campagne.

 

Entretien avec le compositeur Edouard Artemiev (8')

Avant Sibériade il y eut Guerre et paix mais cela reste exceptionnel de composer pour une œuvre aussi longue. Trop simpliste de faire un thème par personnage. Kontchalovski lui suggère de s'appuyer sur les quatre éléments : la terre (les hommes), le feu (le pétrole), l'air (le vent de la forêt), l'eau (le fleuve).

Musique avec électronique, chœur et orchestre. Pour les images d'archive, Pelechian suggère Bach et Artemiev compose une toccata sur les images d'archive qu'il sélectionne. Il y a deux sortes de composteurs ceux qui produisent une musique chargée d'énergie et de sentiment religieux (Bach) et ceux qui s'intéressent aux sentiments, à l'âme (Tchaïkovski) qui guident l'auditeur de bout en bout.

 

Entretiens avec le chef décorateur, Alexandre Adabachian (6') et le scénariste Valentin Ezhov (12'.)

Le forage est recomposé à partir d'éléments disparates. Les pompiers ont accepté de faire un exercice anti feu car c'était une commande d'état. Filmage à Krasnodar où tout est calme, Tomsk et Kalinine pour le village et des gros plans en studio.

Quatre scénarios pour quatre films, payés séparément. Il a ainsi fait cinq films avec Kontchalovski avec Le nid des gentilshommes.


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présentent
 
Sibériade d'Andreï Kontchalovski