Blu-ray
Collector 2DVD
édition simple

Editeur : Montparnasse, Edition Blu-ray en septembre 2011 (30 €) après l'édition collector-double DVD (35 €) et l'édition simple (20 €).

Suppléments, en fonction des éditions :

  • Il était une fois… La Règle du jeu (2010, 0h52). Blu-ray exlusivement. Un film d'Anne Kunvari, écrit par Serge July et Marie Genin.
  • Jean Renoir, le patron : La Règle et l'exception (1966, 0h49). Blu-ray et Collector. Emission de de Cinéastes de notre temps, réalisé par Jacques rivette en 1967.
  • Olivier Curchod présente (très brillemment !!) La Règle du jeu (2005, 0h27 mn.). Blu-ray et Collector.
  • "Ma" Règle du jeu (16 mn.) Blu-ray et Collector Entretiens réalisés par NT Binh avec Claude Chabrol, Noémie Lvovsky, Eduardo Serra… - 16 mn. Un montage d'entretiens avec Claude Chabrol (cinéaste) Noémie Lvovsky (cinéaste), Eduardo Serra (chef opérateur, directeur de la photo), Guy-Claude François (chef décorateur). Entretien et réalisation N.T Binh, enseignant cinéma et critique à Positif.
  • "La Règle du jeu" dans la série Image par Image (1987, 0h42 mn). Blu-ray, Collector et édition simple. Documentaire réalisé par Pierre-Oscar Lévy (1987), sur des textes de Jean Douchet.
  • Bande-annonce originale de 1939 (2 mn.)

L'aviateur André Jurieux (Roland Toutain) vient de traverser l'Atlantique en solitaire dans l'espoir de conquérir le cœur de Christine (Nora Gregor), son amour éternel, qui a épousé le Marquis de la Chesnaye (Marcel Dalio), un aristocrate parisien. Celle-ci se montre indifférente à l'exploit et Jurieux tente de se suicider. Son ami Octave (Jean Renoir) le fait alors inviter chez Christine et son riche époux, pour une partie de chasse en Sologne dans leur propriété de La Colinière.

Avec cette édition Blu-ray plus question de rater les détails de la mort du petit lapin dont Renoir fit grand cas pour expliquer le sens de son film.

 

Réalisé deux ans après le triomphe de La grande illusion, La règle du jeu a rencontré bien des infortunes durant son tournage et à sa sortie à l'été 1939, avant d'être reconnu, depuis sa réédition en version intégrale en 1965, comme le chef-d'œuvre de Jean Renoir (voir : suite de la critique).

L'ensemble des bonus proposés sur l'édition Blu-ray permet de faire un point quasi complet sur les enjeux du film pour Jean Renoir, sur les conditions de tournage et de distribution, sur les opinions lors des différentes sorties du films, sur les visions des grands critiques, Jacques Rivette et Jean Douchet, du grand spécialiste du film, Olivier Curchod, et des cinéastes contemporains.

Il était une fois… "La Règle du jeu"(2010, 0h52)
   

Un film d'Anne Kunvari, écrit par Serge July et Marie Genin, produit par Laurence de Rosière, développé en collaboration avec Michel et Thomas Boujut.

Dans ce documentaire, de nombreux documents d'archives [Grand écran, François Truffaut La règle du jeu (Raoul Sangla, 1972); Cinéastes de notre temps, la règle et l'exception (Jacques Rivette, 1967); La joie de vivre, Jean Renoir (Claude Barma, 1957); Les écrans de la ville, La règle du jeu (1965, Colette Thiriet); Pour tout vous dire, entretiens avec Jean Renoir et Jean Serge (archive sonore, 1958); Paulette Dubost à la Ferté saint Aubin (Alexandre Moix, 2001)] font revivre Jean Renoir, tandis que les comédiennes Paulette Dubost et Leslie Caron, ainsi que le neveu de Jean Renoir, Jacques Renoir, témoignent aujourd'hui sur le cinéaste tel qu'ils l'ont connu. Les historiens du cinéma Olivier Curchod et Claude Gauteur ainsi que les réalisateurs Bertrand Tavernier et Olivier Assayas soulignent toute la modernité du film.

Le 24e film de Renoir raconte les démêlés sentimentaux de plusieurs aristocrates invités par le marquis de La Chesnaye pour une partie de chasse en Sologne. La marquise découvre l'infidélité de son mari. Durant la fête costumée qu'ils donnent au château, elle se laisse courtiser par un héros de l'aviation, un aristocrate cynique et Octave, l'ami d'enfance de la marquise, un parasite mondain. En miroir, la même intrigue se tisse chez les domestiques. Lisette camériste et confidente de la marquise rend son mari, le garde-chasse Schumacher, fou de jalousie en le trompant avec Marceau, le braconnier promu domestique. Seul octave fait le lien entre les uns et les autres, courtisant aussi bien Lisette que la marquise. A tous les étages malentendus, quiproquos et retournements, s'enchaînent à un rythme endiablé.

En 1972, François Truffaut présente La règle du jeu comme son film préféré. Le film est un échec à sa sortie car son ton, nouveau, le différencie des films avec personnages sympathiques et antipathiques et où scènes gaies et scènes tristes sont clairements réparties. Ici tout est mélangé

Olivier Curchod rappelle le côté chaplinesque, burlesque américain du film : on crie, on se cache sous la table, on se poursuit, croisé avec la tradition française ; alliance entre la haute culture française populaire (Molière, Marivaux) et une tradition populaire américaine du burlesque.

C'est une comédie qui se termine mal ou une tragédie dansante. Clou du spectacle : des personnages déguisés en fantôme qui se répandent dans la salle. C'est comme dans une fête médiévale, la mort qui envahie la salle. Rapports entre maitres et valets à l'inverse de ce que la gauche pouvait attendre sur l'aliénation des domestiques, sur le grand capitalisme et les grands propriétaires terriens. Or ce qui intéresse Renoir c'est les rapports de séduction réciproque. Les choses peuvent se mélanger dans les salades de l'amour, Renoir est revenu de ses illusions politiques. Tous les personnages sont décrit avec leur part d'humanité. Ainsi en est-il du garde-chasse, raide au tire facile qui, pourtant, pleure car il va perdre sa femme. Renoir mutile de lui même son film en mai juin 39, il écarte de nombreuses scènes avec lui et avec Nora Gregor. Projections de presse mauvaises, les coupes rendent l'intrigue encore plus complexe. La chasse impose la mort finale. Le 14 juillet 20 juillet Renoir est en Italie pour préparer la Tosca chez Mussolini. C'est un opportuniste qui veut travailler.

Bertrand Tavernier trouve que La règle du jeu est parfois proche de Ionesco : on se parle pour se dire des choses sans importance. Schéma dramatique joué en comédie. La jalousie est jouée en farce. Plan très longs, en mouvement, pour brasser une série de personnages. Danse des personnages.

Jacques Renoir, petit neveu de Renoir rappelle que si celui-ci se disait non théoricien du cinéma, ce n'était pas à prendre au pied de la lettre. Renoir se définit d'abord comme un conteur.

En 1967, Jean Renoir dit s'inspirer d'une comédie de Musset et d'un mot historique "Nous dansons sur un volcan". Le sentiment général n'est pas improvisé mais les manières de l'exprimer sont très souvent improvisées. Importance de la profondeur de champ où il se déroule autre chose qu'au premier plan. Le spectateur attrape ce qu'il peut mais le film donne l'impression de désordre recherché. En 1957, Renoir dit que l'important dans la direction d'acteur est d'aider l'acteur à se trouver lui-même

Paulette Dubost, trés émue de sa relation avec Renoir, dit qu'à sa sortie, le film est incompréhensible pour les spectateurs.

Pour Olivier Assayas, Renoir sait voir dans son époque quelque chose que personne d'autre que lui ne voie. Circulation des personnes, entrées et sorties de champs. Le terme de génie ne convient pas à la profonde humanité de Renoir. L'art cinématographique à l'échelle humaine est la grande modernité de Renoir qui sera reconnue par la Nouvelle vague.

Pour Claude Gautier, avec son interprétation d'Octave, Renoir recherche la consécration et aussi hanté peur d'être un raté, voulait être chef d'orchestre.

Le commentaire de Serge July insiste sur le fait que Renoir est saisi par l'histoire et la montée du nazisme. La Tchécoslovaquie est abandonnée, en février 39. Après le début du tournage, Madrid tombe et la république espagnole est vaincue. La chasse est une métaphore la guerre. Jurieu est abattu, La Chesnaye transforme ce meurtre en accident, c'est la règle du jeu à laquelle tout le monde se soumet.

Apres deux succès, Renoir veut s'offrir toutes les libertés, producteur scénariste, réalisateur et interprète. Rassemble une équipe d'acteurs talentueux mais sans aucune véritable vedette. Le rôle de Christine, la marquise, est confié à Nora Gregor, actrice autrichienne mariée à un prince d'extrême droite opposé à l'annexion de son pays. Ils ont tout deux trouvé refuge en France. L'accent ne plait pas, c'est une étrangère et l'époque à la phobie de la cinquième colonne. Marcel Dalhio, l'aristocrate a joué le prisonnier juif Rosenthal de La grande illusion. Antisémitisme aristocrate un acteur qui joue tous les personnages de juifs et métèque, traité de métèque La Chesnaye père était un Rosenthal. A propos des juifs, le cuisinier dit que La Chesnaye tout métèque qu'il est, c'est un homme du monde. Pour partir aux Etats-Unis un an plus tard, Renoir écrira au directeur de la radio et du cinéma de Vichy deux lettres à forte connotation antisémite.

Le tournage devait avoir lieu entre le 15 février et le 15 avril pour une sortie fin juin 39. Mais il pleut sans arrêt et le tournage prend du retard et le budget est dépassé. Renoir fait appel à la Gaumont pour renflouer le film. Renoir est partagé entre Marguerite et la script, Dido Freire. Le film sort le 7 juillet dans deux salles parisiennes, huit semaines avant la déclaration de guerre. L'extrême droite mène le chahut dans les sales et se venge enfin du cinéaste du front populaire.

Renoir se marie aux Etats-Unis. Le maccarthysme l'encourage à revenir en France via l'Italie où il tourne Le carrosse d'or. En 1958, des cinéphiles, Jacques Maréchal, fondateur des grands films classiques et son camarade Jean Gaborit rachètent les droits de La règle du jeu et découvrent qu'il y a des dizaines et des dizaines de bobines qui dorment dans un laboratoire. Ils reconstituent une version plus longue (chef d'orchestre, la scène de la passerelle, du couloir, le baiser dans la serre). En 1965, Renoir confirme qu'il ne manque qu'une seule scène tournée avec Toutain sur l'intérêt sexuel des bonnes. En 59, le film est ovationné au festival de Venise.

 

Jean Renoir, le patron : La Règle et l'exception (1967, 0h59)

Jean Renoir, le patron est une série de trois émissions réalisées par Jacques Rivette. Elle a été produite en 1966 par Jeanine Bazin et André S. Labarthe dans le cadre de la collection Cinéastes de notre temps. Le fragment présenté ici est un extrait de la troisième partie, intitulée La règle et l'exception. Jean Renoir répond aux questions de Jacques Rivette et André S. Labarthe

Dans la réalité, le château de La Colinière est celui de la Ferté saint Aubin. Renoir rappelle que son film tourné entre Munich et la guerre. Il est alors impressionné, troublé, par l'état d'esprit d'une partie de la société française et mondiale. Il lui a semblé qu'une façon d'interpréter l'état d'esprit du monde à ce moment était précisément de ne pas parler de la situation et de raconter une histoire légère. J'ai été cherché mon inspiration dans Beaumarchais dans Marivaux, dans les auteurs classiques, dans la comédie.

Ce qui s'est passé sur la règle du jeu est ce qui se passe sur tous mes films. Je suis possédé d'une certaine idée générale. Cette idée générale est extrêmement forte et je ne trouve jamais, au début, le véhicule qui permettra de la transporter. Je ne sais pas comment exprimer cette idée générale. Elle est là, elle me possède, elle est très présente mais comment la matérialiser, lui donner une forme ? Je n'en sais rien. Et puis, alors, quand j'ai de la chance, je trouve une petite idée, une idée purement d'intrigue, une idée purement vaudevillesque. Par exemple, là j'ai eu l'idée d'essayer d'imiter une comédie de Musset ; ça c'est l'extérieur. Et alors, il arrive que cette idée secondaire peut servir de véhicule à mon idée générale, alors là je suis très content et ça va très bien. C'est ce qui m'est arrivé dans La règle du jeu.

I Découpage sur le papier, beaucoup de voix hors champs, ambiance sonore importante (impression de désordre), impression d'un seul plan sans découpage. Trop sérieux la déclaration de Christine, l'arrière plan

Renoir confirme à Jacques Rivette qu'il n'y a pas de personnage principal. Film d'ensemble représentant une société, il voulait tout un groupe de personnes pour décrire toute une classe. Il pensait à développer un personnage comme un pilonne auquel s'accrocher mais ne l'a pas trouvé ; c'est le sujet qui l'a attiré. Pas de scène clé non plus. Dans La chienne, le crime de Michel Simon est la scène centrale qui découpe le film en deux parties avant et après le meurtre. Je m'en suis tiré car chaque acteur est entré dans son personnage

Avec Dalio, il évoque le décor du château et le personnage de La Chesnaye. Qu'est-ce qui est important ? Les mécanismes, sa femme, son ami d'Octave ? On ne sait pas et c'est ce qui change des personnages qui ont un but dans la vie.

Dalio demande pourquoi Renoir l'a choisi alors qu'il n'était pas attendu pour ce rôle avec ses cheveux frisés et son air oriental. Contraire de la convention. Fabriqué pas comme un travail d'ingénieur ou d'architecte mais avec ses souvenirs. Le plan devant le limonaire? Dalio pensait le faire simplement avec un air joyeux. Il a fallu deux jours pour obtenir ce mélange d'humilité et d'orgueil, rien de défini en marge de toute chose amateur génial.

Christine, à force de transparence, est mystérieuse. Mise en face de la réalité de la vie qu'elle ne trouve pas belle. Viennoise romantique, amour pur et eternel. La fête dionysiaque est une ouverture à la réalité. Romantique attardée trouve la réalité très laide; progression de situations existantes. Apres ce qu'elle a vu à la lunette, les situations changent. Influencée par les personnages autour d'elle

L'improvisation correspond à ce que l'on a en tête. 50% est improvisé mais c'est une improvisation qui correspond à ce que j'avais profondément en moi. Le sentiment général n'est pas improvisé ; les manières de l'exprimer sont très souvent improvisées. Son accent est la petite barrière qui la sépare de l'entourage français.

Renoir se veut le metteur en scène d'une société riche et complexe. Un mot historique, prononcé le croit-il sous Charles X lui donne l'idée générale du film. Mon ambition avant de commencer le film était d'illustrer : "Nous dansons sur un volcan". La mort du lapin et la mort de Jurieu est une métaphore trop nette pour ne pas la voir. L'idée de le faire mourir comme ça est venu de la mort du lapin. Jurieu c'est l'innocent. L'innocence ne peut pas vivre dans ce monde romantique mais pourri. Deux êtres innocents, elle et lui, Christine et Jurieu. Il faut un sacrifice. Si on veut continuer, faut en tuer un, le monde ne vit que de sacrifice, alors il faut tuer des gens pour apaiser les dieux. Là cette société va continuer encore quelques mois, jusqu'à la guerre et même plus tard, et cette société va continuer parce que Jurieu a été tué, Jurieu c'est l'être qu'on a sacrifié sur l'autel des dieux pour la continuation de ce genre de vie…Le monde ancien, et le monde moderne encore plus, tue, tue, tue, tue beaucoup, dans l'espoir que ces tueries feront que ça continuera"

Olivier Curchod présente "La Règle du jeu" (2005, 0h27 mn.)

Filmé par NT Binh, Olivier Curchod délivre nombre d'éléments essentiels sur la genèse et la reception de la règle du jeu.

Alors qu'il est sur le tournage de La bête humaine et s'apprête à superviser le premier film de Jacques Becker, Renoir est prêt à prendre tous les risques pour être un auteur total : scénariste, acteur, réalisateur et même producteur puisqu'il fonde tout exprès La Nouvelle Edition française. Il part de la pièce de Musset, Les caprices de Marianne et de ses trois personnages principaux : Octave, Marianne son amoureux Célio. La pièce de Musset est déjà une fausse comédie qui se termine tragiquement. A partir de cette base, Renoir pense pouvoir accumuler des éléments personnels de sa vie, de ses lectures. Il débaptise les Caprices de Marianne pour La règle du jeu, doit représenter l'état des sentiments dans la bourgeoisie de son époque ; il développe le personnage du mari et des domestiques, le garde-chasse, la camériste et l'idée d'un braconnier. Au bout d'un mois, il a mis en place l'épisode parisien, puis La Sologne avec sa partie de chasse et sa fin tragique. Seuls Carette et Renoir sont les comédiens prévus au départ. Simone Simon est remplacé par Nora Gregor.

Dalio est choisi pout son aspect nerveux, virevoltant mais renoir lui impose de posséder de la classe en face de Nora Gregor qui a relancé le film. celui-ci est en effet laissé de côté quand Simone Simon renonce. Renoir est immédiuatement séduit par Nora Grégor actrice expérimentée après 20 ans de carrière en Autriche, en Allemagne et à Hollywood. Elle a fui le régime nazi avec son mari, le prince Daremberg. Renoir estime ne pas être assez apprécié et Nora Gregor monte le chic de son film d'un cran.
Quatre périodes de tournage sont prévues. A Paris, en Sologne avec la chasse et les extérieurs, puis retrour à Paris pour les scène d'intérieur du château et enfin quelques exterieurs complémentaires.
Les retards s'accumulent dès la deuxième phase en Sologne qui passe de quinze jours à cinq semaines du fait de la pluie qui ne cesse de tomber. Lors du retour à Paris, il reste la moitié du film à tourner et moins d'une semaine sur le plan prévu initialement. Renoir se bat. Ses techniciens le respectent et l'appellent le patron bien avant ce surnom qui lui donnera la nouvelle vague. Roland Toutain est parti au Maroc au 15 mai. Le 30 mai, Renoir tourne la scène chez Geneviève. Celle du Bourget est tournée à la mi juin sur un petit aérodrome à quelques kilomètres de Versailles, trois semaines avant la sortie en salle. Le film est très attendu. Il doit sortir avant l'été, en juin, comme en 1937, La grande illusion. Renoir sait aussi que la guerre risque d'empêcher sa sortie.

Les premières mutilations sont des coupes sur le scenario puis des coupures au montage lorsqu'il y a des extérieurs en Sologne et pas de scène en studio pour les raccorder. L'accident d'auto est supprimé car Renoir ne le tourne pas comme il l'a voulu.

Les projection de presse sont mauvaises et Renoir coupe alors à la demande des producteurs. Il coupe surtout l'amitié amoureuse d'Octave car il a perdu confiance en lui et en Nora gregor. Il déséquilibre son film en perdant un quart d'heure et quarante plans. Les gens ne sont pas choqués mais trouvent le film sans queue ni tête.

La sortie fut, selon la légende un nouveau Sacre du printemps, une nouvelle bataille d'Hernani. En fait c'est moins le public qui a fait défaut qu'une bonne distribution. Le public, début juillet a commencé a déserté les salles. La tension internationale rend peu attrayant un film au sujet léger et à la narration complexe. Les coupes l'ont rendu difficilement compréhensible. En première partie est présenté un court métrage à la gloire des colonies françaises. Une certaine presse règle des comptes. Les ennemis politiques organisent une cabale avec des manifestations devant les deux salles avec des gros bras pour intimider les spectateurs. Le courrier des lecteurs montre que le public est divisé.Dalio extrême droite juif un marquis à la française. Même Jean Renoir comédien est trouvé savoureux. Le premier samedi de dix heures du matin au soir les salles sont combles. Mais devant le chahut, les deux directeurs de salle demandent des coupes. Renoir envoie sa monteuse dans les salles et pratique des coupes à même les copies pour une dizaine de minutes en moins. Le film devient encore moins compréhensible.


Avec la guerre, le film est retiré des écrans. Entre 1945 et 1958, les cinéphiles le découvrent. En 1958, 200 boites dans un laboratoire. Personne ne l'a jamais vu, pas même Jean Renoir. Au milieu de la fête, mais pas a sa place à la fin. Eté 59 ils le monter à Renoir en larme ne dit pas un mot. Film construit autour d'Octave
Film avec ses trous apparait moderne, ce sont des ellipses. La réputation du scandale donne un aspect romantique à ceux qui aiment le film. On peut y mettre ce qu'on veut : peinture de société, salade des sentiments, prouesses techniques.

 

"La Règle du jeu" dans la série Image par Image (1987, 0h42)

Lorsque Renoir commence la règle du jeu, la tension internationale est à son comble, Franco a pris Madrid en mars Hitler envahie la Tchécoslovaquie. Renoir entend réaliser un film en dehors de l'actualité, comédie frivole tradition théâtral française. L'origine du mal qui ronge l'Europe, une caste qui fuit ses responsabilités ; une société enfermée dans des jeux stériles. Une classe dominante dont l'aveuglement fait el lit du fascisme. Le film devint le témoin le plus fidèle de la tragédie mondiale qui approche. La scène de chasse en est l'écho annonciateur.

J'ai voulu peindre une société qui danse sur un volcan dira Renoir. Les personnages, individuellement charmants et fantasques, avec plus de recul, ils se révèlent odieux, enfants gâtés blasés, en groupe c'est une bande d'assassins, pris par la règle du jeu, ils agissent sans désir, par réflexe d'automates. Renoir crée un mouvement qui montre chacun d'entre eux, tour à tour de près puis avec du recul. Il passe de l'intimité des personnages à la réalité de leur jeu social. Il utilise alors la profondeur de champ et une largeur de champ puisque toute l'étendue visuelle et sonore est couverte comme en relief. La vie est décrite dans toute sa complexité. La règle du jeu est un chef 'œuvre, une leçon de cinéma.

A la fin du film tout rentre dans l'ordre. La mort de Jurieu ne scandalise personne. Elle est escamotée comme dans un tourde passe passe. La comédie a assez durée. La démonstration de la violence de cette société est accomplie. La mort est admise comme moyen, nécessité et non hasard pour que la règle s'impose, les gens de bien se retrouvent entre eux. Mais en voulant préserver l'apparence cette caste se condamne elle-même. Elle évacue la vie, elle court à sa perte. Renoir nous l'indique : ce sont des ombres qui rentrent au château. Le film finit dans la nuit par un fondu au noir.

La règle a permis d'écarter les intrus. Jurieu est accueilli dans le mensonge, il est escamoté dans l'hypocrisie. Octave s'efface comme un domestique. Marceau le braconnier est mis à la porte comme il avait été recruté. Ces trois personnages emportent avec eux la vie, l'amour, le désir. L'histoire de leur bref passage sur la scène dont le marquis est le maitre. Jeux de l'amour et du désir, mécanisme du théâtre de boulevard regard complice du mari. Le marquis maitre de toute la mécanique sociale règne sur une société d'automates.

Commence comme une comédie et s'achève en tragédie. Construction rigoureuse et sans faille. La première bobine distribue les cartes : le prétendant, la femme, le mari, la maitresse. Un fondu au noir souligne le passage à la seconde bobine où apparait Octave, l'entremetteur. La troisième bobine est consacrée à la découverte de La Colinière et un nouvel intrus, Marceau alors que la quatrième décrit l'arrivée des invités. Dans la cinquième tout s'arrange alors que la chasse constitue la sixième bobine et Christine comprend tout. La septième bobine décrit la désagrégation des couples. La huitième décrit fête de La Colinière qui se poursuit sur quatre bobines sans aucun fondu au noir, ellipse ou fondu-enchainé.

Le jeu vole en éclat. Temps réel de théâtre : Beaumarchais, Mariage de Figaro sans fondu au noir et fondu enchaine. L'unité de lieu prévaut, hôtel particulier à Paris, chasse, château de La Colinière. Double valet de comédie reflet populaire qui vivent avec plus de naturel et plus de violence. Ils révèlent la vérité du propriétaire et agissent pour lui.

Au début, direct radiophonique, puis passage d'un lieu à l'autre, tout est immédiatement visible. Peindre les mensonges d'une société qui ne croit plus en ses propres valeurs. Panoramique, largeur de champ, vitesse, irruption des sons désordre de la situation camera de surveillance qui épie les délinquants. Les champs contre-champs accentuent les oppositions. Les contre plongées indiquent une foi en l'idéalisme en un ordre élitiste. Les plongées marquent l'importance de la terre, de la domination des propriétaires. Commence par un cadre vide, individus perdus qui n'ont plus prise sur la réalité, soit accident, soit dépassés par la mort qu'ils ont eux- même organisée.

Lors du spectacle, les aristocrates tournent en dérision leurs valeurs, ils ne craignent ni le nazisme ni le fascisme, ils sont sympathisants de l'ordre. Leur véritable terreur fut le front populaire de 1936. Marceau, fut le plus grand général républicain de l'armée française durant la révolution. Renoir lui a consacré un film, La Marseillaises La Cheinaye y était le défenseur ultra royaliste de Marie-Antoinette, l'autrichienne, comme est autrichienne la marquise. Pour Renoir, la propriété est plus que le vol, c'est la source du crime. C'est le petit propriétaire qui concrétise le vice fondamentale la propriété : tuer pour défendre son bien. Les propriétaires sont présentés comme des fantômes conduits par la mort. Jurieu, représentant des valeurs anachronique de la chevalerie, naïf et sincère, était condamné.


 

 
 
présentent
 
La règle du jeu de Jean Renoir