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Propriété privée de Leslie Stevens

Editeur : Carlotta Films. Mars 2017.Format 1.66 – Noir & Blanc. Durée du Film : 77 mn 20 €

Suppléments :

Dans une station-service de la Pacific Coast Highway, deux marginaux nommés Duke et Boots remarquent une élégante femme blonde dans une belle auto blanche. Ils grimpent dans la voiture d’un représentant de commerce et l’obligent à suivre l’auto jusqu’à sa destination finale, une villa cossue de Los Angeles. Par chance, la maison d’à côté est inoccupée et les deux hommes décident de s’y installer incognito pour épier leur nouvelle voisine, Ann, qui passe ses journées au bord de la piscine à attendre son mari. Duke a un plan : proposer ses services en tant que jardinier pour pouvoir pénétrer dans la villa…

Le film met d'abord son spectateur dans la situation inconfortable d'un voyeur attendant un viol annoncé, à l'image des séquences célèbres d'Orange mécanique ou des Chiens de paille. Comme dans ce denier film, la situation est néanmoins ambigüe puisque tout marque la frustration de la femme mariée déçue par le manque de désir de son mari. Duke se fait fort de dire si Ann désire ou est désirée en observant divers indices : la télévision sera-t-elle ou non allumée ? La robe relevée jusqu'au haut des cuisses prouve que c'est la femme qui cherche à séduire son mari. Leslie Stevens en rajoute alors de son coté avec la bougie caressée, la posture offerte devant le canapé ou sur le trampoline de la piscine. La préparation et la montée du désir dans la salle de bain alors que le mari éteint la lumière dans la chambre et s'endort ouvre alors la voie à la séduction de Ann.

Ed Hogate avait prévenu : "Cette femme là ne poserait pas un regard sur vous. Laissez-moi vous dire une chose : tout est divisé en groupes, bien séparés, comme les oiseaux, les animaux, les reptiles. Un oiseau ne féconde pas un serpent. C'est impossible. Idem chez les humains. On ne mélange pas les groupes".

La deuxième partie du film en montre le contraire : la fascination brute du désir physique. Au couple marié entouré des signes extérieurs de richesse, piscine, bateau en construction pour croisière, télévision, voiture, s'oppose l'installation du canapé face à la fenêtre. Sur cet écran, Duke et Boots contemplent la jeune femme près de la piscine. Duke rejoue alors l'amant de lady Chatterley. Torse nu puis se baignant dans la piscine, il fait remarquer à Ann que, pauvre, il n'a que sa seule dignité à lui offrir. Ann conserve précieusement la ceinture que Duke a laissée par inadvertance, se l'enroule autour du cou comme signe de servitude volontaire au désir de son amant potentiel. La danse derrière une cage d'osier puis le verre d'alcool au premier plan au travers duquel on voit Duke entrainer Ann dans la chambre marquent de façon expressionniste la force du désir bravant les conventions.

Duke, tenu par la promesse faite à Boots, qui se révèle impuissant, s'effondre devant le sacrifice de son désir et explose de violence. Il frappe Ann et tue Boots dans la piscine. Finalement le serpent n'aura pas fécondé l'oiseau, mais c'est uniquement pour que la morale soit sauve.