Editeur : Montparnasse. Janvier 2010. 2DVD. 20 €. Suppléments :
Cinéphile obsessionnel et sans emploi, Hossain Sabzian ne peut résister à la tentation de se faire passer pour le cinéaste Mohsen Makhmalbaf afin de s'attirer les faveurs d'une famille iranienne bourgeoise. Une fois démasqué, cet homme est traîné devant la justice pour escroquerie. Apprenant ce fait divers, le réalisateur Abbas Kiarostami s'empresse de réunir une équipe de tournage afin de reconstituer les faits et de filmer le procès de Sabzian. Il fait rejouer toute l'affaire, procès compris, par les protagonistes eux-mêmes et fait se réconcilier les deux parties en tournant le film promis par "l'imposteur". Jusque là jamais édité en DVD, Close-Up est le premier titre d'une nouvelle collection, MONTPARNASSE CLASSIQUES, qui comprendra les films les plus emblématiques des plus grands réalisateurs des années 50 à aujourd'hui. A suivre, un coffret 4 DVD "Les premiers films de Nanni Moretti" dès le 2 mars 2010, Andrzej Vajda, Ingmar Bergman, Luis Buñuel... Close-Up, présenté ici avec des compléments très éclairants, est une réflexion sur le pouvoir du cinéma, sur sa capacité à faire s'exprimer une parole vraie grâce à des dispositifs préparés à l'avance et sur son pouvoir d'ubiquité. Lorsque les critiques ont vu le premier film distribué en France de Kiarostami : Où est la maison de mon ami ? (1987) tous ont vu en lui l'héritier de Rossellini, qui filme la réalité telle qu'elle est, pour qu'elle se révèle. La vision de Close-up est toutefois venue bouleverser la donne et fait penser que Kiarostami se rapprocherait d'Orson Welles, d'un cinéma du faux, de la boucle et de la complication. Alain Bergala propose ainsi de voir en lui l'héritier de la double culture, occidentale et orientale, des perses. Les films suivants viendront confirmer cette hypothèse d'un Kiarostami jouant sans cesse entre le vrai et le faux. Un dispositif entièrement faux pour faire éclore une parole vraie Interrogé par Jean-Pierre Limosin dans Abbas Kiarostami, vérités et songes, présenté ici en bonus, le cinéaste iranien déclarait : "Que ce soit du documentaire ou de la fiction, le tout est un grand mensonge que nous racontons au spectateur. Notre art consiste à dire ce mensonge de sorte que le spectateur le croie. Qu'une partie soit documentaire ou une autre reconstituée se rapporte à notre méthode de travail et ne regarde pas les spectateurs. Le plus important, c'est que les spectateurs sachent que nous alignons une série de mensonges pour arriver à une vérité plus grande. Des mensonges pas réels mais vrais en quelque sorte." Il n'est alors pas étonnant que Kiarostami se soit emballé pour ce projet dès qu'il en a eu connaissance par le magazine Sorush et alors qu'il préparait un film sur l'argent de poche des enfants. Sa volonté de faire jouer leur rôle à tous les protagonistes jusqu'au soldat qu'il fit revenir du front va de paire avec la volonté d'enserrer dans ce qu'il pourrait y avoir de plus vrai cette histoire de faussaire. Et pourtant les "effets du faux", comme un exact contraire des fameux "effets de réel", ne cessent d'intervenir ici nous conduisant à nous interroger sans cesse sur ce que nous voyons avant de comprendre quel parfait objet est en train de tailler Kiarostami. C'est d'abord le dispositif du procès qui est manifestement reconstitué pour l'occasion. Le juge, d'abord peu intéressé par le procès, accepte de jouer le rôle de l'observateur compréhensif qui semble davantage en vouloir aux accusateurs, les Ahankhah, qu'à l'accusé. Il accepte que Sabzian s'exprime pour la caméra qui filme en gros plan comme à un autre juge, plus artiste et plus intime. Un plan viendra au milieu du procès révéler le dispositif de mise en scène. Même jeu de la part des Ahankhah qui ne maintiennent leur plainte que pour que le film existe. Jeu sans doute plus incertain de la mère qui apparaît soudain pour préciser les conditions de vie de son fils. Sa sortie étrange puis son entrée dans le champ sont manifestement préparées mais son intervention est probablement la plus sincère de toutes avec celle de son fils.... (voir : résumé et suite de la critique)
Close-Up long shot (0h43, 1996)
Cinq ans après le tournage d'Abbas Kiarostami, Mahmoud Chokrollahi et Moslem Mansouri, refont la focale sur le personnage principal de Close-Up. Sabzian profite de ce film pour faire part de son amour sans limite pour le cinéma. Une pure pathologie cinéphile, celle d'un homme profondément mélancolique, à la fois mégalomane et brisé, maudissant le cinéma de lui avoir volé sa vie, tout en gardant intacte sa fascination pour lui. Le
jour de la première de Close-Up, par Nanni Moretti (7 min
- 1996)
Ce court-métrage permet d'observer le réalisateur italien
en 1994 lors de la sortie de Close-Up dans son cinéma
de Rome, le Nuovo Sacher. On le voit mettre en avant le film de Kiarostami,
qui sort à la même période que Le Roi lion,
Quatre mariages et un enterrement, ou encore Speed... Abbas Kiarostami, vérités et songes,
par Jean-Pierre Limosin (0h52, 1994)
Pans la collection Cinéma, de notre temps, dirigée par Janine Bazin et André S. Labarthe, Jean-Pierre Limosin et sa traductrice refont en voiture avec Abbas Kiarostami le chemin que fit le réalisateur de Et la vie continue pour retrouver les personnages de Où est la maison de mon ami ? Le premier arrêt est pour la colline où il fit tracer la route en forme de Z pour ce dernier film. Il rencontre les acteurs qui ont joué dans ses films autour du village de Poshté détruit par le tremblement de terre et qui comptait 1 800 personnes avant 1991. Il s'arrête devant la maison des jeunes mariés de Au travers des Oliviers qu'il fit reconstruire. Il revendique l'utilisation du mensonge pour se rapprocher de la vérité : "Que ce soit du documentaire ou de la fiction, le tout est un grand mensonge que nous racontons au spectateur. Notre art consiste à dire ce mensonge de sorte que le spectateur le croie. Qu'une partie soit documentaire ou une autre reconstituée se rapporte à notre méthode de travail et ne regarde pas les spectateurs. Le plus important, c'est que les spectateurs sachent que nous alignons une série de mensonges pour arriver à une vérité plus grande. Des mensonges pas réels mais vrais en quelque sorte. Kiarostami reconnaît l'importance du thème de l'amitié dans ses films et cite le poète Hafiz. Il interroge ses acteurs sur ce que leur a apporté le fait de jouer avec lui les ayant bien prévenu que ce serait une expérience sans lendemain. Babek de Où est la maison de mon ami ? aimerait pourtant rejouer alors que Hossein de Au travers des oliviers est heureux avec sa jeune épouse qui ne fut jamais jalouse de l'actrice qui jouait le rôle de la femme de son futur mari. Dernière étape la rencontre avec Hasan Darabi du Passager. Kiarostami dit quelques mots de Close-up. Son immédiate envie de faire le film à la lecture du fait divers alors qu'il préparait un film sur l'argent de poche des enfants. Sa volonté de faire jouer leur rôle à tous les protagonistes jusqu'au soldat qu'il fit revenir du front pour jouer son rôle.
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présentent
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Close-up
de Abbas Kiarostami
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