Arsenal d'Alexandre Dovzhenko
Le bonheur d'Alexandre Medvedkine
Ménage à trois d'Abram Room

Editeur : Les éditions Montparnasse. Février 2010. Trois DVD. 10 € chacun.

 

Première vague des classiques du cinéma russe. Une occasion unique de voir dans des copies restaurées et magnifiques, des films essentiels pourtant très peu vus, souvent mal résumés et commentés dans les histoires du cinéma.

 

Arsenal d'Alexandre Dovzhenko
En 1918, tandis que l'hécatombe se poursuit sur le front ukrainien, la misère accable la population. Timosh, un déserteur de retour chez lui, se met à défier les autorités locales. Il prône l'adoption du système soviétique et incite les ouvriers de l'Arsenal de Kiev à prendre les armes pour la Révolution. Mais le gouvernement provisoire de 1918 dirigé par la bourgeoisie ne laissera pas impuni cette révolte de pacotille. Le massacre d'Arsenal est en route…

C'est tout le lyrisme de Dovjenko qui s'offre dans ce film militant à la gloire de la révolution. Nulle théorie du montage ici pour venir enrayer le grand accord de l'homme et de la nature. La guerre est méprisable parce qu'elle balaye les sols, affame les gens et fait perdre ses trois fils à la mère qui s'en va ensuite ensemencer les champs pour nourrir ses enfants survivants.

Le montage est toujours utilisé pour accroître l'empathie avec les personnages souvent dans une série de plans de plus en plus rapprochés. La majorité du film aligne en revanche le plus souvent des plans lents et majestueux où le rire expressionniste des vainqueurs d'aujourd'hui ne saurait vaincre la détermination lente et obstinée du peuple.

 

 

Le bonheur d'Alexandre Medvedkine
Un paysan naïf (Khmyr) à la recherche du bonheur dans la Russie tsariste, puis dans la Russie soviétique finit par le trouver, après bien des vicissitudes en rejoignant un kolkhoze.

"Le Bonheur", joyau du film muet de 1934, est une comédie chaplinesque d'un paysan couvert de dettes qui veut se suicider et retrouve foi en l'avenir. Une quête de la vitalité et de la liberté où le bonheur de l'individu s'oppose à celui de la collectivité. Un comique de situation, qui n'est pas sans rappeler parfois Charlot dans " Les Temps Modernes ". Khmyr dérange parce qu'il est incapable de suivre la " triste humanité ". La dernière image du film de Medvedkine est un plan serré sur ce paysan et sa femme qui rient de ce qu'il leur arrive. Ils rient, et nous donnent ainsi l'image d'un bonheur possible.

Alexandre Medvedkine a su mêler ici pamphlet et comédie, discours politique et farce, détails quotidiens très concrets et une certaine imagerie d'Epinal russe qui puise dans la tradition des arts populaires. La force des images, l'art du plan, le sens du rythme et des situations de Medvedkine achèvent de faire du " Bonheur " l'un des films les plus singuliers de l'histoire du cinéma. Animateur du collectif d'extrême gauche Slon, Chris Marker réalisa en 1993, après la mort d'Alexandre Medvedkine, Le Tombeau d'Alexandre, portrait hommage au réalisateur soviétique et méditation sur l'histoire de l'ex-URSS, composé d'archives photographiques, de témoignages, d'extraits de films.

 

 

Tempête sur l'Asie de Vsevolod Poudovkine
Au début des années 20. Baïr, vendeur de fourrures nomade, se réfugie dans les montagnes de Mongolie, sous occupation anglaise, après avoir été escroqué par un négociant en fourrures américain. Deux ans plus tard, dans un pays en pleine guerre civile, Baïr est capturé par l'armée qui tente de mater la rébellion. Lorsqu'un soldat découvre sur lui une amulette ayant appartenu à Gengis Khan le désignant comme héritier du grand empereur, Baïr devient un instrument inespéré pour détourner le peuple de la révolution.

Tournée en décors naturels, cette grande fresque historique nous dévoile la Mongolie de 1920 qui tente de se libérer de la domination britannique. Avec d'éblouissantes séquences épiques, Vsevolod Poudovkine réalise ici un film à grand spectacle solidement soutenu par un scénario ingénieux où un héros ordinaire lutte seul contre les plus grandes puissances en place. Grâce à sa grande notoriété, Poudovkine obtint avec l'accord du Dalaï-lama l'autorisation de filmer une cérémonie traditionnelle dans un temple.

 

Ménage à trois d'Abram Room
Lundi 19, 21 h, Vladimir Fogel arrive de province à Moscou, où sévit la crise du logement. Il s'installe chez son ami Batalov (Nikolaï Batalov). Sans consulter sa femme (Lioudmila Semenova), l'imprudent mari lui offre le gîte et le couvert pour une durée indéterminée…il ya un sofa et le couple s'isole en tirant le rideau. Un curieux rapport s'établit alors entre les trois habitants de la chambre…

A la fois comédie de mœurs et satire sociale, ce film échappe aux normes du cinéma stalinien et dépeint avec humour l'égoïsme "petit-bourgeois" des hommes russes à la fin des années 30. Lioudmila Semenova est superbe en femme libre qui assume sa libido …

Le film d'Abram Room fixe donc sur la pellicule de 1927 un tableau mouvant de cette époque de mutation : croissance de la population des villes et grands travaux urbains, modernisation économique et inégalités sociales, libération des mœurs et médicalisation des grossesses, revendication par la femme de ses "droits" théoriques, résistances de la culture masculine….

 

 

 

 
présentent
 
Première vague des classiques du cinéma russe