Suppléments
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Amerrika, l'avant-première 3min46.Avant-première
française du film à Bercy. On y voit Cherien Dabis
prononcer un discours sur son film, en évoquant notamment
la façon d'aborder les stéréotypes, l'humour
du film..
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Entretien avec Cherien Dabis 7min47.Interview de la réalisatrice,
qui évoque le film comme une façon de s'engager, et
revient sur les problèmes d'identité du peuple palestinien.
Mouna, divorcée et mère dun adolescent, est une
femme palestinienne enthousiaste et optimiste. Au cur des territoires
occupés le quotidien est pourtant éprouvant et lhorizon
morose. Et puis un jour, quitter cette vie et aller travailler aux Etats-Unis
devient possible : étrangère en son pays, Mouna peut bien
lêtre ailleurs. Elle part alors avec son fils Fadi rejoindre
sa sur installée depuis 15 ans dans lIllinois. Après
le réconfort des retrouvailles, Mouna et Fadi vont devoir trouver
leur place dans cette Amerrika tant rêvée, encore sous
le choc du 11 septembre...
Malgré
la gravité des sujets (l'occupation, l'exil, le racisme, l'exclusion
sociale), Cheren Dabis, qui réalise là une autobiographie
à peine décalée, opte pour un ton de comédie.
Les difficultés avec la langue à l'origine de l'orthographe
fautive du titre aussi bien en américain qu'en français
donnent lieu à jeux de mots : pas "menu déglutition"
mais "menu dégustation" ou double sens du mot occupation,
métier et colonisation.
La gentillesse de tous les personnages : Nabeel le beau-frère
et Raghda la soeur et leurs trois filles, Matt le serveur, la banquière
compréhensive et l'improbable M. Novatski, le proviseur d'origine
juive polonaise n'empêche pas de rendre particulièrement
humain chaque personnage.
Belle utilisation des décors dans des plans d'ensemble qui révèlent
soudain la situation : travelling ascensionnel qui découvre le
mur de la honte dressé entre Israël et la Palestine autour
duquel doivent slalomer Mouna et son fils ; la terre de Palestine aride
et belle qu'il faut quitter ou les maisonnettes toutes rangées
pareille où finissent par vivre Mouna et son fils.
Entretien (source : dossier de presse) La question de l'identité est au cur du parcours de Mouna
et de son fils : étrangers dans leur pays, ils le sont aux Etats-Unis
comme partout dans le monde
Lorsque les gens me demandent d'où je viens, cela reste encore
aujourd'hui une question perturbante. Mes parents ont immigré
aux États-Unis juste avant ma naissance. Je suis née à
Omaha, dans le Nebraska et j'ai grandi dans les régions rurales
de l'Ohio, tout en retournant chaque été en Jordanie.
Je me suis peu à peu rendue compte que je n'étais ni assez
américaine pour les Américains, ni assez arabe pour les
Arabes. C'est pour cela que je ne me suis jamais sentie nulle part chez
moi. Mon identité s'est construite sur des manques, ou plutôt
des envies que je ne pouvais pas réaliser, comme celle d'avoir
des racines et de trouver un pays dont je me sentirais partie intégrante.
De plus, j'ai hérité de mon père palestinien la
douleur de ne pas avoir de nation donc d'identité, ce qui n'a
fait qu'exacerber ce sentiment d'être apatride.
Pourquoi avoir éprouvé la nécessité
d'ouvrir le film sur le quotidien dans les territoires occupés
?
Même si ma famille vient de Jordanie, je voulais montrer qu'un
grand nombre de Palestiniens quittent le territoire parce que l'occupation
peut y rendre l'existence insupportable. Il n'y a aucune liberté
de mouvement et très peu d'avenir possible. Entre les humiliations
quotidiennes, la présence militaire, les agressions, les postes
de contrôle et le poids de la bureaucratie, il y a toutes les
raisons de vouloir partir. D'un point de vue scénaristique, je
tenais à ce que le spectateur soit d'abord imprégné
d'images de Cisjordanie pour mieux les confronter ensuite à celles
du Midwest américain.
C'est l'une des clés pour accompagner Mouna dans sa quête.
Esthétiquement, le contraste est très fort : d'un côté,
la palette de tons chaleureux propres à la Cisjordanie avec le
vert de la sauge, le rouge des minéraux et les bruns du désert
; de l'autre, l'incroyable mélange des rouges saturés,
des bleus et blancs arides du Midwest hivernal. Cette lumière
naturelle, qui renforce l'aspect mélancolique propre à
cette région, s'accorde aux dures réalités que
doit affronter Mouna dès son arrivée.
Vous évoquez souvent avec humour la confrontation entre les
deux cultures, notamment à travers les soucis de communication.
En fait, mes parents ne parlaient qu'arabe à la maison, donc
j'ai commencé à apprendre l'anglais à l'école.
J'étais complètement perdue et en maternelle je bredouillais
un drôle de sabir entre l'arabe et l'anglais ! Comme j'ajoutais
" ing " à la fin de tous les verbes arabes, je me suis
créé mon propre langage. Ça n'est qu'en grandissant
que j'ai fini par dire à tout le monde, avec autodérision,
que je parlais " Arabish ". Intituler ce film Amerrika est
donc un clin d'il à cette " langue " dans laquelle
je me sentais le plus à l'aise. Et ce titre résume parfaitement
la confrontation puis la fusion de deux cultures : c'est le fruit de
mon expérience comme de celle de tant d'autres immigrants de
la première génération.
Outre ses conséquences sur le vécu des personnages,
pourquoi avoir choisi de situer l'action du film au moment de la première
Guerre du Golfe ?
A cette époque, je vivais dans une petite ville de l'Ohio et
l'impact de cet événement sur notre famille a été
violent. Nous sommes devenus, sans le comprendre, les boucs émissaires
de cette guerre. Nous avons reçu quotidiennement des menaces
de mort et la réputation de médecin que mon père
avait mis quatorze ans à bâtir a été balayée
en quelques jours. Les patients les plus fidèles ont déserté
son cabinet et nous avons même vu les services secrets débarquer
au lycée pour enquêter sur ma sur de 16 ans, parce
que quelqu'un avait lancé une rumeur selon laquelle elle préméditait
d'assassiner George W. Bush. J'avais 14 ans et j'ai commencé
à m'interroger sur la perception que les gens avaient de nous
: j'ai fait le point sur ce que j'avais appris au fil de mes allers-retours
entre le Moyen-Orient et les Etats-Unis, puis j'ai comparé les
informations diffusées notamment par des chaînes de télévision
arabes et britanniques. Les médias n'ont pas cessé de
véhiculer les stéréotypes qui nous ont affectés,
ma famille et moi, tout au long de ce conflit. Comme la plupart des
familles immigrées, la mienne est arrivée dans ce pays,
guidée par le rêve américain. Ce que nous avons
vécu en 1991 en était très éloigné.
C'est précisément cette lutte de chaque instant contre
les préjugés qui m'a conduite jusqu'à Amerrika.
Et l'Histoire s'est répétée avec les événements
du 11 septembre 2001
Cette expérience durant la première Guerre du Golfe, je
l'ai portée en moi pendant des années. Quand j'ai intégré
l'école de cinéma de New York, nous étions en septembre
2001. La vague d'attentats suivie de la nouvelle invasion de l'Irak
par les États-Unis a montré que l'histoire pouvait se
répéter. Une fois de plus, cette guerre débordait
de son cadre et tous les pays du Moyen-Orient en pâtissaient.
J'ai réalisé qu'il était plus que temps de me poser
et d'écrire la première histoire d'immigration vécue
par une Arabo- américaine.
Pourquoi avoir choisi le cinéma pour vous exprimer?
Lorsque j'évoquais l'attention portée aux médias
en tant de guerre, cela englobait également le cinéma.
Je me suis mise à observer la manière dont on y dépeignait
les Arabes et j'en ai tiré deux constats navrants : soit nous
étions absents des écrans, soit les films, surtout hollywoodiens,
nous cantonnaient aux rôles de terroristes. Nous étions
les méchants. Les Arabes n'étaient jamais représentés
en tant que peuple ou êtres humains. Et je n'ai vu évoquer
nulle part une expérience comme la mienne. J'ai essayé
pendant des années de rétablir l'équilibre, à
travers divers modes d'expression artistique, sans trouver véritablement
ma voie. Le cinéma a fini par s'imposer comme une évidence
: il véhicule un langage universel, celui de l'émotion,
qui permet de toucher le plus large public, contrairement par exemple
aux documentaires ou aux articles de presse. Je crois vraiment au pouvoir
de la fiction : les gens sont plus enclins à s'asseoir dans une
salle, à se détendre et à baisser leur garde pour
s'immerger dans l'histoire qu'on leur propose.
Le récit est guidé par l'extraordinaire force de vie
et de conviction de Mouna. Y a-t-il des liens intimes entre elle et
vous ?
Outre mon propre ressenti et ce que j'ai pu voir dans ma famille, le
personnage de Mouna ressemble un peu à ma tante. Au moment où
elle a décidé de venir vivre aux Etats-Unis, j'étais
assez grande pour saisir le combat que ce déracinement a représenté
pour elle. Amerrika est l'histoire à la fois déchirante
et chaleureuse d'une femme formidablement optimiste qui tente de refaire
sa vie à l'étranger, contre vents et marées. Elle
est trop confiante et déterminée pour s'effrayer des obstacles.
Ma tante est ainsi, une éternelle optimiste. C'est sa force de
caractère qui m'a inspiré le personnage de Mouna. Dans
le film, elle affronte non seulement le lot commun de tous les immigrants,
parvenir à s'intégrer dans un nouvel environnement, mais
doit aussi composer avec les crispations d'un pays qui a des préjugés
tenaces sur ses origines et dont le climat politique est tendu.
L'empathie immédiate que l'on éprouve envers Mouna
doit beaucoup à Nisreen Faour, qui l'incarne avec une infinie
pudeur
J'ai toujours envisagé Amerrika comme une uvre portée
par ses personnages. En toute logique, il devait donc être un
film d'acteurs. Et, si tout se jouait lors du casting, la pression était
immense concernant le personnage de Mouna. C'est une femme délicieusement
naïve mais ingénieuse et pleine d'espoir. Elle me tient
particulièrement à cur, à la fois par sa
singularité et par le fait qu'elle m'évoque ma tante.
L'amour et la tendresse que je lui porte ont forcément élevé
mon niveau d'exigence, parce que l'actrice que je cherchais devait ETRE
Mouna, dans son énergie, son comportement et son âme. Après
des mois de recherche, Iman Aoun, la directrice de casting avec laquelle
j'avais déjà travaillé sur mon court-métrage
Make A Wish, a découvert Nisreen dans le nord de la Palestine.
J'ai d'abord été séduite par des photos d'elle
puis je l'ai faite venir pour une lecture de scénario. Dès
notre première rencontre, je l'ai vue rayonnante de l'intérieur,
avec beaucoup de douceur, de gentillesse et un émerveillement
quasi enfantin. C'est difficile à expliquer mais il émanait
de cette femme à la fois de la candeur et une profonde tristesse,
comme si sa joie de vivre butait à chaque instant sur les barrières
du quotidien. Elle était MA Mouna.
Amerrika oscille en permanence entre le " cinéma vérité
" et la comédie à l'humour feutré. Comment
avez-vous réussi à préserver cet équilibre
?
Les deux ne pouvaient qu'être étroitement liés.
Je n'avais qu'une ligne directrice en racontant cette histoire : l'authenticité.
Je voulais que le spectateur voit à travers les yeux des personnages,
vivent leurs joies et leurs déchirures le plus intimement possible.
Je me suis tournée vers des auteurs comme John Cassavetes, Mike
Leigh ou Robert Altman dont j'admire le travail sur le réalisme
et la vérité des êtres. J'ai tourné caméra
à l'épaule, dans un style proche du documentaire, avec
des acteurs arabes ou araboaméricains. Le ton, parfois léger,
et le choix de la comédie, là où certaines situations
pouvaient induire le mélodrame, se sont imposés logiquement.
D'abord, parce que c'est un film que je voulais empli d'espoir et de
lumière, ensuite parce que l'humour est indissociable de l'humanité,
de la douce fragilité qui animent les personnages.
De quelle manière avez-vous obtenu cette authenticité
de la part de l'ensemble des comédiens ?
En convoquant à tout moment leur naturel et en le combinant avec
des techniques d'improvisation. Les émotions ne devaient être
le résultat ni de " performances " d'acteurs ni d'une
sublimation de ma part. J'ai beaucoup répété en
amont avec Nisreen et Melkar Muallem, qui joue son fils Fadi, mais trop
peu avec les autres acteurs, faute de temps. Du coup, j'ai planifié
au mieux le cadre et les mouvements de caméra avant de tourner,
afin qu'ils ressentent au minimum les contraintes de mise en scène.
Lors du tournage, je saisissais le moindre temps libre pour répéter
encore et encore, jusqu'à ce qu'au moment de la prise, les acteurs
se sentent " libérés " du poids du texte et
de la technique. De cette collaboration de tous les instants sont nées
des scènes bien meilleures que celles que j'avais imaginées
! Nous avons tellement travaillé l'intime que j'ai l'impression,
lorsque je les retrouve aujourd'hui à l'écran, de voir
ma famille.
Le film nous laisse sur l'impression d'une fable généreuse,
presque utopique
C'est peut-être parce que j'ai voulu parler de départ,
de déracinement mais aussi du bonheur de pouvoir enfin poser
ses bagages. Evidemment, Mouna comme beaucoup de Palestiniens gardent
le sentiment viscéral qu'ils ne seront jamais chez eux, quel
que soit le pays où ils habitent. En partant, vous ne faites
que troquer des problèmes pour d'autres, sans jamais guérir
la blessure profonde. Mais je ne voulais pas imprimer au film et à
son dénouement une note déprimante. Je préférais
montrer qu'il nous appartient de choisir notre point d'ancrage. Et ce
point d'ancrage, ce " chez soi ", c'est la famille, qu'elle
soit à vos côtés ou à l'autre bout du fil.
A travers son périple géographique et psychologique, Mouna
triomphe de l'adversité pour que son fils ait le sentiment d'avoir
trouvé un foyer, un lieu où " s'installer "
au sens fort du terme. Et ce " chez soi " doit pouvoir être
là où l'on veut qu'il soit, surtout lorsque l'on est Palestinien.
Est-ce qu'à travers ce film vous espérez infléchir
le regard des gens sur l'identité arabe ?
C'est tout ce que je souhaite. La plupart des films proposés
aux Américains ayant pour cadre le Moyen-Orient sont des thrillers
politiques, ce qui exclut pour moi tout lien affectif entre le public
et les personnages. J'ai voulu avec Amerrika recréer ce lien,
que le public ait le sentiment de mieux nous connaître et n'ait
qu'une envie en sortant : fêter la culture qui nous unit.
J'espère que les spectateurs repartiront des salles en oubliant
les stéréotypes et en voyant le Moyen- Orient non plus
comme une entité, mais comme la somme d'individualités
aussi diverses que variées.
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