Un jour à Cassis
En accéléré du matin au soir un jour sur le portde Cassis avec le bruit des vagues sur la plage. Mekas répete trois fois le même série de plans d'une journée en accélérée avant de terminer, dans la dernière reprise, par le phase nocture du phare et de la ville éclairée
Jonas Mekas passe le mois de juillet 1966 à Cassis, à l’invitation de Jerome Hill. Ce cinéaste ami, amoureux de la Provence, y a acquis une petite maison au bord de l’eau. A proximité, surplombant la baie de Cassis et ses calanques, le studio où Signac peignait. Depuis la fenêtre de la chambre où il lit et écrit, Mekas voit la mer. Voulant restituer quelque chose des jeux infinis de la lumière à la surface de l’eau qui lui font tenir le pointillisme de Signac pour un réalisme, Mekas attache sa Bolex au balcon, précisément là où le peintre plantait son chevalet.
Dès avant l’aube et jusqu’après le crépuscule, il enregistre quelques images à intervalles irréguliers au fil de la journée. Le résultat, un film de quatre minutes à peine, est une réduction de l’été. Sortant de la nuit qu’éclairent faiblement les lumières de la ville et du phare, la baie apparaît. Avec le jour, on découvre à la fois le cadre et le procédé. Les poignées de photogrammes, enregistrées à distance et mises bout à bout, font défiler la journée, accélérée en une suite d’images-temps, comme une succession bousculée de photographies, animées chacune quelques secondes. Les sautes lumineuses incessantes, dues aux longues ellipses entre les prises et à leur brièveté, déclinent une variation incroyable de bleus, que le déroulement continu d’une journée -et le goût des cinéastes pour les raccords- rend habituellement imperceptible. Les taches ne sont pas ici juxtaposées dans l’espace d'un tableau mais dans le temps d'un film, elles se succèdent.
Source : Poto et Cabengo