Selon les estimations du CNC, la fréquentation des salles de cinéma en 2019, s'élève à 213,3 millions d’entrées, soit le deuxième plus haut niveau depuis 53 ans. Cette force apparente du cinéma doit cependant être relativisée : les plus jeunes et les adolescents vont presque exclusivement voir des films américains dopées aux effets pyrotechniques alors que le cinéma d'art et essai devient l'apanage des plus anciens. Les années 2010 entérinent ainsi la fin du cinéma comme art populaire, laissant la place aux séries mondialisées à voir chez soi... ou au cinéma. Explications :

1 / 213 millions d'entrées en France dont 55 % pour des films américains

Rg. Titre Entrées en millions Nb de semaines en 2019
1 Le roi Lion 9,5 25
2 Avengers: Endgame 6,6 27
3 La reine des neiges II 6,5 7
4 Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu? 6,4 43
5 Joker 5,5 14
6 Toy Story 4 4,4 27
7 Star Wars: L'ascension de Skywalker 4,2 4
8 Captain Marvel 3,3 21
9 Dragons 3: Le monde caché 3,3 39
10 Spider-Man: Far From Home 3,1 20
11 Nous finirons ensemble 2,6 28
12 Maléfique - Le pouvoir du mal 2,6 11
13 Once upon a time... in Hollywood 2,6 21
14 Aladdin  2,4 27
15 Fast & Furious: Hobbs & Shaw 2,4 13
16 Jumanji: Next Level 2,4 5
17 Aquaman 2,3 19
18 Dumbo (2019) 2,2 37
19 Comme des bêtes 2 2,2 29
20 Ralph 2.0 2,2 29
21 Alita: Battle angel 2 20
22 Green Book : Sur les routes du sud 2 50
23 Hors normes 2 30
24 Abominable 1,9 13
25 Au nom de la terre 1,8 28
26 La mule 1,8 36
27 La vie scolaire 1,8 32
28 Asterix - Le secret de la Potion Magique 1,7 34
29 Creed 2 1,7 14
30 Pokémon Détective Pikachu 1,7 20
31 Les misérables 1,7 21
32 Parasite 1,6 32
33 Nicky Larson et le parfum de Cupidon 1,6 22
34 Le chant du loup 1,5 33
35 Ça: Chapitre 2 1,5 15
36 J'accuse 1,4 12
37 X-Men: Dark Phoenix 1,4 15
38 Le parc des merveilles 1,4 33
39 Donne-moi des ailes 1,3 20
40 Mia et le Lion Blanc 1,3 44
41 Les invisibles 1,2 50
42 Glass 1,2 17
43 La belle époque 1,2 15
44 After - Chapitre 1 1,2 16
45 Joyeuse retraite ! 1,1 11
46 C'est quoi cette mamie?! 1,1 23
47 Le retour de Mary Poppins 1,1 33
48 Bumblebee 1,1 15
49 Le Mans 66 1,1 11
50 Shazam! 1,1 18
Source IBO ; données au 6 janvier 2020

En 2019, 213,3 millions d’entrées ont été enregistrées dans les cinémas de l’Hexagone. Une année exceptionnelle, selon le CNC, puisqu'il s'agit du deuxième meilleur score des 50 dernières années, derrière 2011 et ses 216 millions d'entrées (dont 19 pour Intouchables). Certes comme l'illustre l'infographie-ci dessous, il faut remonter aux années 1960 pour voir de tels chiffres.

Depuis 1938 la fréquentation des salles de cinéma est passé par six moments :
1) un point haut en 1957 avec 411 millions millions d'entrées.
2) un effondrement vertigineux les dix années suivantes avec 180 millions d'entrées en 1967.
3) une stabilisation aux environs de 180 millions d'entrées de 1968 à 1984
4) une rechute à partir de 1985 pour atteindre 116 millions en 1992 avec l’apparition des chaînes privées et des magnétoscopes
5) un véritable renouveau de 1993 à 2008 avec la rénovation des petites salles, la construction des multiplexes et les cartes d'abonnements
6) Depuis 2009, où le seuil des 200 millions est atteint, les entrées sont en vitesse de croisiere, alternant très bonnes années (217 millions en 2011) et moins bonnes (194 millions en 2013).

En 1957 plus de 411 millions d'entrées avaient été totalisées. Un score encore plus impressionnant quand on sait que la France comptait moins de 50 millions d'habitants. Les comparaisons avec cette période révolue, sans offre télévisuelle importante, ne chagrinent cependant pas l'industrie cinématographique. Depuis six ans, la fréquentation des cinémas français se maintient au-dessus de la barre des 200 millions, malgré la concurrence de la vidéo en ligne, de YouTube et des services comme Netflix.

 

2 / Le grand écartentre public jeune et public âgé

Néanmoins, depuis la remontée des années 90 et 2000, due au renouveau des petites salles et à la part croissante des multiplexes et leurs cartes d'abonnement annuel, le nombre d'entrées reste stable depuis dix ans. Mais un autre phénomène se cache derrière la stabilité des chiffres globaux de fréquentation : il y a bien autant de sièges occupés dans les salles en 2019 qu’en 2010 mais pas par les mêmes personnes. 20 millions d’entrées « jeunes » ont été remplacées par 20 millions d’entrées « senior ».

Le secteur s'inquiète de ce désintérêt grandissant des jeunes pour les salles obscures. Au début des années 90, les moins de 25 ans représentaient la moitié des entrées contre à peine 30 % aujourd'hui. A l'inverse, les plus de 50 ans qui n'en representaient que 15 % en représente 45 % aujourd'hui. Le problème est que cette tendance, inquiétante à long terme, est profonde. Si on prolonge la courbe, dans les années 2020, plus de la moitié des entrées seront réalisées par des spectateurs de plus de 50 ans.  

Alors qu'est-ce qui explique ces chiffres ? Si le vieillissement de la population française est une des explications, il ne peut pas justifier un tel changement en à peine 25 ans. Le piratage de films et l'émergence des plateformes de streaming - qui proposent un large catalogue de films énorme à moindre coût - ont également dû jouer un rôle important dans le rapport des jeunes aux salles obscures.

Le prix des places à l'origine du désintérêt des jeunes? Il est souvent reproché aux multiplexes des grandes villes de pratiquer des tarifs trop élevés. Au Pathé de Beaugrenelle à Paris, un cinéma souvent pointé du doigt, le prix d'une place plein tarif est fixé à 15,20€. Cependant, selon les chiffres du CNC, seulement 11 % des places vendues coûtent plus de 10€. Tout d'abord parce que la plupart des salles ne pratiquent pas ce genre de tarifs. Et ensuite parce que entre les tarifs réduits (étudiants, enfant, senior...) et les cartes d'abonnements (entre 17€ et 20€ par personne et par mois pour aller au cinéma de manière illimitée), diminuent considérablement le coût moyen du billet.

Il n'empêche que le prix du ticket a nettement augmenté entre 2000 et 2018, comme le montre l'infographie ci-dessous. Sur les 20 dernières années, le nombre de places vendues à moins de 5€ a été divisé par deux, tandis que celles coûtant plus de 7€ ont été multipliées par deux.

Face à un paysage audiovisuel sans cesse en mutation, les salles de cinéma parient de plus en plus sur l’innovation (projections laser, écrans enveloppants avec images sur les côtés, écrans géants, son immersif, fauteuils qui bougent…) pour attirer le public. En septembre, une étude du CNC soulignait que les salles de cinéma « premium » technologiques (4DX, Imax/laser, Screen X) sont de plus en plus nombreuses en France, avec 66 établissements équipés en 2018 contre 5 en 2016. Selon ce rapport, elles séduisent plutôt un public masculin, jeune et urbain. Ainsi, majoritairement grâce à la TSA dont bénéficient les producteurs de films français mais aussi les salles, plus de 260 millions d’euros ont été investis dans plus de 40 établissements, rassemblant 188 nouveaux écrans en 2019. Rien d'étonnant alors que la part de marché du cinéma américain bondisse de 44 % en 2018 à 55 % en 2019.

Cette modernisation est en phase avec l'offre de films constituée de plus en plus de suites. En se concentrant ici sur les 20 plus gros succès de chaque année : les suites ne représentaient même pas 20% des gros succès dans les années 90, mais près de deux tiers aujourd’hui.

 

https://www.bfmtv.com/culture/infographies-le-cinema-en-france-se-porte-bien-mais-il-n-attire-plus-les-jeunes-dans-les-salles-1821756.html


https://alain.le-diberder.com/cinema-en-salles-tout-va-tres-bien-madame-la-marquise/

Jean-Luc Lacuve, le 31 décembre 2019

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