Il n’y aura plus de nuit

2020

Avec : la voix de Nathalie Richard. 1h15.

Les  pilotes d’hélicoptères de l’armée sur les zones de conflit sont équipés d’une caméra thermique qui enregistre tous leurs mouvements lorsqu’ils scrutent le paysage. La caméra est reliée à un canon mitrailleur. Le commandant de bord visionne les images et quand il est certain de faire face à l’ennemi ordonne le tir mitrailleur.

Les hommes qui sont visés ignorent qu’ils le sont. Ils ne repèrent pas d’où vient la menace. Parfois ils tentent de se camoufler, de ramper. Inutile, la caméra repère la chaleur dégagée et les abat impitoyablement.  La détonation ne produit  aucun bruit car si l’image doit et enregistrée et archivée, le son, lui, ne l’est pas. Des lors le tir ne produit qu’un petit  nuage  argenté que se soit une rafale qui la produit ou une explosion au sol.

Les pilotes s’entrainent à suivre une voiture la nuit, sont parfois témoins d'une explosion dune mine alors que l’ennemi cherche à récupérer des armes à proximité. Lorsqu’un groupe armé court, il est parfois proche de tentes civiles. Les tirs se déclenchent pourtant. La bavure n’est pas démontrée

Une autre a fait date, révélée par Wikileaks : un journaliste et son équipe sont pris pour des insurgés, et bombardés par erreur.

Les caméras récentes filment de façon très précise et en couleur. Elles transforment une nuit étoilée en un ciel parsemé de diamants car la lumière des étioles brillent plus fort alors dans le ciel bleu. L’ennemi devient plus identifiable mais aussi plus proche moins anonyme

Certaines de ces vidéos sont postées par des vétérans de l’armée américaine, revenant d’Afghanistan d’autres sur des  théâtres d’opérations extérieures dont lors d'une attaque française sur une crête montagneuse. Eléonore Weber a trouvé ces images sur des sites grand public comme YouTube, ainsi que sur certains sites spécialisés, créés notamment par des vétérans de l’armée américaine (comme military.com)  "Ou encore sur des sites qui brassent toutes sortes de vidéos spectaculaires, allant du gag aux catastrophes naturelles".

Ces vidéos les  pilotes ont l’obligation de les enregistrer sur une clé usb lors de chaque mission, ce qui facilite leur publication sur le net.  Après, la bavure du journaliste américain bombardé, les militaires ont peut-être voulu que circulent des séquences où de vrais ennemis se font tuer. D’où leur tolérance à l’égard de ces fuites.

Eléonore Weber a demandé à un pilote français de commenter les images : "J’ai commencé à monter le film sans avoir recours à des témoignages extérieurs. Puis j’ai cherché à rencontrer un pilote, j’éprouvais le besoin de décoder avec lui la nature de ce regard militaire, en dehors de toute forme d’indignation morale. Pierre V, ce n’est évidemment pas son vrai nom, est intervenu assez tard dans le projet et j’ai réécrit le texte à partir de nos échanges. Je lui ai montré les séquences que j’envisageais d’intégrer au film. Lorsqu’il était impossible de distinguer certains détails ou de saisir le contexte, il a proposé ses propres interprétations."

Toujours au centre du plan, une cible, ajustée sur un véhicule ou sur un homme portant une kalachnikov,une vieille femme cherchant les morts, des enfants jouant au ballon. Cemment ecs hommes hors de porté de leur ennemi pourraient-ils être des héros. Ainsi seul moment de joie : leur retour à la maison où ils sont filmés par leurs enfants,

Ce travail documentaire poursuit celui de Harun Farocki (1944-2014), l'auteur de Serious Games…

Jean-Luc Lacuve, le 28 juin 2021