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Good morning Babilonia

1987

(Good Morning, Babylon). Avec : Vincent Spano (Nicola Bonnano), Joaquim de Almeida (Andrea Bonnano), Greta Scacchi (Edna Bonnano), Désirée Nosbusch (Mabel Bonnano), Omero Antonutti (Bonanno alias Babbo), Bérangère Bonvoisin (Mme Griffith), David Brandon (Grass, le directeur de production de Griffith), Brian Freilino (Thompson, l'assistant de Griffith), Margarita Lozano (la Vénitienne), Massimo Venturiello (Duccio Bonnano). 1h57.

1913, en Toscane, le Maître Bonanno, perpétuant la longue tradition des maîtres-maçons, achève la restauration de Notre-Dame-des-Miracles, à Pise, aidé de ses sept fils et notamment des deux plus jeunes, les plus doués : Nicola et Andrea. L'entreprise familiale n'est toutefois pas rentable et Bonanno a décidé de vendre et de prendre sa retraite. Nicola et Andrea voudraient reprendre en consentant de lourds sacrifices mais les autres frères refusent. A la suite d'une discussion animée, Nicola et Andrea décident de chercher fortune en Amérique.

La nouvelle terre promise se révèle être un enfer pour les deux frères, qui doivent se contenter d'emplois saisonniers. Un jour de 1914, ils "croisent" le train de la colonie italienne qui se rend à l'Exposition Universelle de San Francisco. Nicola et Andrea sont décidés à tenter leur chance.

Le pavillon italien et la projection du film Cabiria de Pastrone, impressionnent vivement D.W. Griffith qui renonce à ses projets en cours pour se lancer dans une fabuleuse fresque : Intolérance. Griffith décide d'engager deux maîtres italiens pour les décors.

Nicola et Andrea arrivent dans une petite ville, Hollywood, et se font passer pour les artisans. La supercherie est immédiatement découverte; les deux frères retournent à leurs illusions. Consolation, cependant, leur rencontre avec Mabel et Edna, deux danseuses appréciées de la troupe de Griffith. Les deux frères s'obstinent et construisent leur chef-d'oeuvre : un monumental éléphant qui attire l'attention de Griffith, lequel veut en orner l'entrée de son prestigieux Temple de Babylone. Griffith les engage.

Nicola et Andrea connaissent à leur tour leur heure de gloire. Sur le plateau du tournage, ils se marient avec Mabel et Edna, en présence de Griffith et de leur père.

La guerre éclate en Europe. La première d'Intolérance, un plaidoyer pour la paix, est un triomphe mais des militants pour l'intervention américaine en Europe perturbent la sortie des spectateurs. Edna est blessée et meurt en mettant au monde son fils. Nicola, ivre de chagrin, rentre en Italie pour combattre contre l'Allemagne. Andrea ne parvient plus à travailler. Sur le front italien, Nicola remplace le caméraman mort. Quelques mois plus tard, Andrea le rejoint avec un bataillon américain. L'un et l'autre sont grièvement blessés. Afin de léguer à leurs enfants le souvenir de leur visage, ils se filment mutuellement avant de mourir. Le Cinéma est plus fort que la Mort.

Alors que des producteurs américains essayaient d'entrer en contact avec eux, les frères Taviani, extrêmement réticents, se montrèrent, des mois durant, insensibles à leurs appels. Alors qu'ils mettaient le point final à Kaos, ils reçurent, un courrier contenant l'histoire proposée par Lloyd Fonvielle. Celle-ci relate un épisode célèbre dans l'histoire du cinéma américain : au cours du tournage d' Intolérance, David Wark Griffith est sujet à de terribles interrogations. En visionnant Cabiria (1914), il vient de prendre conscience que les décors de sa Babylone ne peuvent être idéalement réalisés que par les artisans italiens qui ont travaillé sur le film de Giovanni Pastrone.

De surcroît, Griffith visite l'Exposition universelle de San Francisco de 1914, dans laquelle il peut admirer la tour des Joyaux, construite par des ouvriers-architectes italiens. Il s'efforce, dès lors, de faire rechercher ces artisans en Italie et de les ramener aux États-Unis.

Les frères Taviani racontent : "À peine l'avons-nous lue, cette idée nous a tout de suite beaucoup stimulés. Les trois ouvriers se sont transformés en deux frères et de là est né notre sujet puis notre scénario. (...) aussi bien au niveau du scénario qu'au niveau du choix des acteurs, du tournage et du montage, ils (les producteurs américains) nous ont laissé la plus grande liberté." (Entretien au pluriel, Jean A. Gili)

Good Morning, Babylon établit un parallèle entre l'art des bâtisseurs de cathédrales et celui du cinéma, du moins tel qu'il fut conçu à l'origine. Paolo Taviani affirme, à ce sujet : " (...) la forme d'expression la plus haute de ce siècle, c'est le cinéma, et comme les cathédrales, le cinéma est aussi le fruit de la collaboration de nombreuses personnes. (...) Le cinéma est l'œuvre d'un auteur, mais cet auteur est fait aussi des nombreuses personnes qui travaillent avec lui. Cela ne se retrouve pas dans les formes d'art comme la peinture ou la littérature. Par contre, le travail collectif existe dans l'architecture et seulement à certains moments de l'histoire de la peinture (...) Les artistes naissaient dans un climat d'artisanat, des artisans qui travaillent ensemble à la réalisation de quelque chose. Dans le film, nos deux protagonistes sont deux artisans, ce ne sont pas deux artistes qui arrivent à Hollywood. L'Hollywood que nous avons essayé de représenter est le lieu de rencontre d'une multitude d'artisans." Et Vittorio Taviani d'illustrer les propos de son frère en établissant l'évidence que "la famille des Bonanno (les héros du film), qui a derrière elle mille ans d'expérience dans le travail de la pierre, a une conscience culturelle de son métier. Au contraire, les jeunes qui étaient à Hollywood avaient en main leur métier de manière quasi inconsciente, non certes culturelle. Ils possédaient leur instrument de travail de façon très pragmatique, pragmatisme qui caractérise généralement les Américains. Mais, au fond, c'est le même esprit qui les unissait. En relisant tout ce que les témoins de l'Hollywood d'alors ont écrit, nous avons constaté que, de manière très ingénue et parfois de façon très émouvante, ils mettaient en commun leurs découvertes. (...) Au fond, c'est comme ça que Griffith a peu à peu découvert tous les divers éléments du langage cinématographique, par exemple, le premier plan." (entretien au pluriel, Jean A. Gili)

Les deux discours, de Bonanno et de Griffith, lors des mariages des deux fils, illustrent ces propos :

- J'ai béni mes deux fils, peut-être n'aurais-je pas du le faire. Vous n'avez pas honoré votre promesse. Ils partirent en promettant de revenir. Ils travaillèrent en terre étrangère. Mais vos gains devaient servir à reprendre sur la  votre le travail qui fut celui de votre père et du père de votre père et des ancêtres qui érigèrent nos cathédrales.

- Je ne sais pas si notre travail, le mien et celui de vos fils est aussi beau que celui des bâtisseurs de vos merveilleuses cathédrales romanes. Mais je sais que ces œuvres là sont nées, tout comme les nôtres aujourd'hui, du même rêve collectif. Je suis convaincu que vos fils, Bonanno, ressemblent à ces obscurs tailleurs de pierres qui ont sculptés leurs chefs-d'œuvre sur les cathédrales que vous honorez, qui les ont rendus célèbres par leur art, qui ont aidé leur prochain à avoir la foi et à vivre mieux. C'est pour cela que j'aime tant le cinéma et que je le respecte Bonanno.

 

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