L'horloger de saint Paul

1974

Thème : Après-Mai 68

D'après L'horloger d'Everton de Georges Simenon. Avec : Philippe Noiret (Michel Descombes), Jean Rochefort (Le commissaire Guilboud), Jacques Denis (Antoine), Yves Afonso (L'inspecteur Bricard), Julien Bertheau (Edouard), Sylvain Rougerie (Bernard Descombes), Christine Pascal (Liliane Torrini). 1h45.

Après une réunion entre amis, où chacun parle des derniers événements, Michel Descombes artisan horloger rentre chez lui. Il mène une vie paisible, exerce un métier qu'il aime, fréquente de bons amis; tout va être bouleversé par une perquisition de la police. Sa femme l'ayant abandonné, il a élevé son fils seul. Descombes apprend que son garçon s'est enfuit en compagnie d'une jeune fille, après avoir tué un garde privé de l'usine.

Le commissaire Guilboud, qui lui aussi a des problèmes avec ses enfants, tente d'obtenir l'aide de Descombes pour retrouver le garçon. Descombes se rend à l'évidence que malgré la bonne entente qui régnait entre lui et le garçon, celui-ci ne se confiait jamais.

Le jeune homme se fait arrêter et refuse absolument de voir son père, et aussi de faire passer le meurtre pour un crime passionnel. Par amour paternel, Descombes adopte l'avis de son fils. La condamnation du jeune se monte à vingt ans de réclusion. Le père rend visite à son fils et le peu de paroles prononcées suffisent à prouver les sentiments sincères qui les unissent.

Bertrand Tavernier ne retient de L'horloger d'Everton, le roman de Simenon situé aux Etats-Unis, que l'histoire d'un père qui comprend combien son fils s'est éloigné de lui et tente de le retrouver lors d'un évènement dramatique. Tavernier, beaucoup plus optimiste que Simenon sur la force du lien qui peut unir le père et le fils, apporte beaucoup de noirceur à ce portrait d'homme en en faisant une figure de la résistance politique face à l'étouffoir dans lequel survit la France pompidolienne.

Dans cette France, il est plus grave d'avoir brûlé une voiture que d'avoir tué. C'est pour cer acte intentatoir à la société de consommation que Bernard Descombe est considéré comme un ennemi public, bien plus que pour avoir tué un milicien d'extrême droite. En déclarant "Je suis entièrement, totalement solidaire de mon fils", Michel Descombes sait que son fils risque 20 ans car il n'aura pas de circonstances atténuantes "Pour un crime passionnel c'est beaucoup. Autrement c'est normal" commente le commissaire Guilboud.

Antoine réconforte son ami en revenant sur le thème de Simenon de la proximité fondamentale du père et du fils. "Vous étiez pareils". C'est lui qui porte le discours politique face à Descombes plus taiseux. Aux journalistes, Antoine lance. "Vous allez rater le feuilleton, à la télé. A la télé, bande de veaux ! " puis, sur le pont, "Ils ont jugé Bernard comme un terroriste mais ils ont tout fait pour que le procès ne devienne pas politique (...). J'aurais voulu leur dire que quand on n'arrive plus à respirer, on finit par casser les vitres. On étouffe mon vieux. On étouffe dans ce putain de pays avec ce climat de lâcheté, cet espèce de confort satisfait, qu'on entretient par tous les moyens".

Off, le commentaire final fait preuve d'une ironie à la Prevert, auquel le film est dédié, sur l'abrutissement de la France d'alors : "Quand Michel revint voir Bernard, les ouvriers avaient fini de réparer le toit de la prison, dévasté lors de la dernière mutinerie. La ville et la gare étaient désertes. A Vienne, il y avait déjà un bouchon de 20 kilomètres et plus de 100 morts sur les routes. On était tout près du 15 août, la fête de la vierge qui, comme chacun sait, est la patronne de Lyon".

Jean-Luc Lacuve, le 25/02/2014