Ordell Robbie est un trafiquant d'armes de Los Angeles pourvu de nombreuses compagnes, dont la blonde Melanie Ralston (très portée sur les substances illicites) et la pétulante Simone Hawkins (parfaite imitatrice de Diana Ross). Afin de rapatrier les sommes qui lui sont versées au Mexique, il utilise les services de Jackie Brown, une hôtesse de l'air jadis condamnée pour avoir transporté de la drogue et aujourd'hui employée par la plus minable compagnie d'aviation du pays. La police ayant arrêté Beaumont Livingston, le complice d'Ordell, ce dernier fait appel au prêteur de cautions Max Cherry pour qu'il soit remis en liberté. Mais sachant qu'il finira par parler, il l'abat le soir même. Le remplaçant est vite trouvé : Louis Gara, un de ses anciens comparses qui vient de purger quatre ans de prison pour hold-up. Toutefois, Beaumont a eu le temps de dénoncer Jackie à l'agent fédéral Ray Nicolette, lequel la fouille à sa descente de l'avion. Dans son sac, il trouve 50 000 dollars et une dose de cocaïne, cadeau du correspondant d'Ordell pour Melanie. Étant donné le passé de Jackie, cela suffit à la faire incarcérer. À la demande d'Ordell, Max se rend à la prison pour payer sa caution et tombe immédiatement sous le charme de cette femme superbe et courageuse, quoique très abîmée par la vie. Ordell, pour sa part, pense régler le problème comme il l'a fait pour Beaumont.
Jackie, méfiante, prend les devants et le menace avec un revolver subtilisé à Max. Elle lui fait aussi remarquer qu'il a besoin d'elle pour rapatrier le demi-million de dollars toujours caché au Mexique. L'opération devra se faire en deux temps : un premier transfert de 10 000 dollars afin de tester la surveillance policière, puis le gros de la somme. En distillant habilement les informations et en jouant Ordell et Ray l'un contre l'autre, Jackie se prépare, avec l'aide de Max, à réussir un coup magistral. Simone s'étant évaporée dans la nature avec les 10 000 dollars du premier transfert, Ordell doit la remplacer, pour le second, par Melanie. Après l'échange dans un centre commercial, celle-ci se montre si horripilante que Louis lui tire deux balles dans le corps, après quoi il est exécuté par Ordell, à contrecur. Pendant ce temps, Jackie remet les 500 000 dollars à Max et s'arrange pour faire abattre Ordell par Ray. Ayant récupéré le magot, elle propose à Max de l'accompagner à l'étranger, mais, avec regret, il renoncera à cette nouvelle vie et se contentera de ses 10 % de commission sur l'opération.
On connaît le goût de Quentin Tarantino pour les personnages intarissables. Dans Jackie Brown, on ne flingue plus (enfin, juste ce qu'il faut...) mais on cause de plus belle. On chipote sur la couleur et le motif d'un sac de supermarché. On digresse sur les vieux disques en vinyle. On parle de ce qu'on va faire puis de ce qu'on a fait. L'arnaque de Jackie, face à des malfrats et un prêteur sur gages pur et droit, est répétée comme une pièce de théâtre qui se jouerait sur la scène d'un centre commercial (entre cafétéria et magasin de vêtements). Le roman d'Elmore Leonard se passait à Miami. Tarantino l'a transposé dans la South Bay, ces banlieues mornes et ensoleillées de Los Angeles, éden en toc, béton et plastique. Il nous balade ainsi jusqu'à ce que l'absence d'effets, de trucs, de spectaculaire fasse son effet. Ces losers sympathiques suggèrent - mais oui - une morale, peu orthodoxe mais qui étonnera ceux qui guettaient l'explosion de violence d'un polar de plus.
François Gorin pour Télérama