La petite mais prospère entreprise familiale Dé fête son centième anniversaire. Symbole de la Suisse, juste et éternelle, la réussite de cette fabrique de pièces de montre amène la télévision nationale à s'intéresser à la carrière de son patron : Charles Dé, industriel d'une cinquantaine d'années.
Lors du discours récité par un jeune ouvrier au cours de la cérémonie commémorative, il semble pris de "malaise". L'interview, qu'il accorde peu après à un reporter de la télévision, manque singulièrement d'enthousiasme et mécontente son fils, Pierre, un futur homme d'affaires qui se prépare à prendre la relève. Germaine, l'épouse de Charles, semble très détachée des problèmes de son mari. Seule sa fille Marianne, étudiante contestataire, a encore quelques contacts avec lui.
Un second reportage, et Charles Dé craque, rompt avec la vie qu'il mène et se réfugie dans un hôtel. Un peu plus tard, dans un restaurant, il rencontre un jeune couple avec lequel il se lie d'amitié ; Paul et Adeline, qui mènent une vie de bohème dans leur petite maison de banlieue. Charles, accepte de s'installer chez eux.
Seule complice de sa nouvelle vie, Marianne. Parallèlement, Pierre engage un détective; pour le retrouver, bien sûr, mais aussi pour l'écarter de la direction des affaires, comme en témoigne l'aide qu'il demande à un avocat. Suivant un jour Marianne, le détective trouve la trace du fugitif. Un beau matin deux infirmiers viennent pour interner Charles Dé...
Charles mort ou vif est le premier long métrage de fiction d'Alain Tanner. Il s'ey révèle un digne héritier de la Nouvelle Vague : décor réel et prise de son direct. Le film est réalisé en 1969 et fait sienne l'idéologie de Mai 68 car un véritable vent révolutionnaire souffle sur ce film où plus précisément sur Charles Dé.
Le film commence par son entré dans le champ, plan fixe et arrivée par la gauche en gros plan de Charles en nud papillon et grosse lunette avec un air sévère et figé, Charles a semble-t-il pour la première fois un plan pour lui, qui s'intéresse à lui et non à son image de chef d'entreprise, pourtant la seule qu'il semble vouloir donner dans ce premier plan.
Mais le discours prononcé par un de ses jeunes employés lui renvoie cette image et alors il se sent pris de nausée, cette nausée qui semble être sa première faiblesse, va alors tout faire basculer. Charles se voit questionner par un journaliste qui une fois de plus lui offre un plan pour qu'il puisse s'exprimer et une nouvelle fois il le refuse.
Cependant une fois chez lui, seul, face à lui-même (son miroir), il se repose les questions du journaliste et leur apportent de nouvelles réponses. Au fil de ce monologue c'est un nouvel homme qui semble naître et Charles peut alors casser ses lunettes qui, comme il le dit lui-même à son fils, l'"empêchait de bien voir". Son fils lui avoue ne plus le comprendre ce qui est normal car il est chef d'entreprise et bien sûr sa fille qui est en lettre et fait partie des étudiants qui se révoltent en Suisse le comprend. Charles devient alors un enfant tardif de Mai 68 et finira pour cette raison dans un hôpital psychiatrique.
Ce magnifique film de Tanner arrive à la fois à contenir tout les espoirs de Mai 68 et aussi toutes ses désillusions. Tanner avec ce film montre au spectateur que l'on peut être mort alors que l'on vit et qu'il faut comme Charles casser ses lunettes pour s'en rendre compte et revenir à la vie.
Barthélémy Guillemet le 17/10/2007