Dans une petite ville en Pologne, Léon Okrasa est employé dans un hôpital. Il a, dans le passé, été témoin d'un viol brutal. La victime, Anna, est une jeune infirmière qui travaille dans le même hôpital. Léon passe son temps à espionner Anna, à la guetter de jour comme de nuit. Cela devient une véritable obsession… Un soir, il finit par s'introduire dans l'appartement d'Anna par la fenêtre qu'elle laisse entrouverte. Alors, Léon s'installe sur son lit, l'observe dans son sommeil, s'imprègne de son univers. Où s'arrêtera t-il ?
Jerzy Skolimowski nous propose un voyage circulaire à l'intérieur d'un personnage un peu simplet, Léon Okrasa. Le film oscille entre poésie (superbes panoramiques sur la nature) et naturalisme (bois la nuit, poisson dans le seau, cadavre de vache morte flottant sur l'eau..) comme à l'unisson des pulsions qui animent Léon.
Le début du film installe un peu gratuitement le spectateur dans un faux film de sérail killer avec l'achat d'une hache, une main sortie d'une poubelle et incinérée et surtout une musique inquiétante qui suggère un meurtre à venir.
La partie centrale, au contraire, mettra en scène la victimisation de Léon, odieusement traité par le médecin chef (qui l'accuse puis profite de sa faiblesse pour le renvoyer sans ménagement) et par la justice (incarcéré deux fois pour des crimes qu'il n'a pas commis).
Le retour de Léon chez lui suggère que toute la partie centrale des quatre nuits avec Anna n'a peut-être été qu'un fantasme. Comment en effet justifier ce mur qui parait construit depuis des décennies et qui empêche la vision de la maison de Anna depuis celle de Léon ?
S'expliqueraient alors un peu mieux la confusion recherchée entre les deux arrestations, interrogatoires et emprisonnements, la structure circulaire du film et l'impression d'étouffement. Incarcéré, Léon rêverait d'une sorte de rachat après le viol qu'il aurait bien commis. Les sirènes insistantes et la vache morte dérivant sur la rivière pourraient être des effets de son sentiment de culpabilité. Les courses dans les bois, injustifiées par la typologie des lieux si les maisons de Léon et Anna sont voisines exprimeraient son désir désespéré de rachat.
Les quatre nuits avec Anne sont néanmoins traitées de manière très linéaire et la visite d'Anna dans la prison semble bien faire suite à une deuxième arrestation.
En ne prenant pas vraiment partie pour un meurtre ou un viol enfoui dans la conscience (comme le Spider de Cronenberg) ou pour une exaltation de l'innocence dans une société corrompue, le film déçoit. Malgré la brillance de ces effets de mise en scène, il ne tient finalement aucune des promesses des ses différents embryons de scénarios et laisse un peu perplexe... Après tout, pourquoi pas ?
Jean-Luc Lacuve le, 11 novembre 2008